Intervention de Christine Canale, secrétaire régionale lors de la réception organisée le soir de la première journée de la conférence du comité régional Cgt Rhône Alpes.
M. le Président du Conseil Régional, les vices présidents chargés de l’emploi, de la formation, divers conseillers régionaux, le représentant de la Direccte, les organisations syndicales Rhône Alpes ainsi que diverses autres personnalités et représentants d’organismes régionaux ont participé à ce rendez vous.
Chers (es) Camarades, Amis (es), Partenaires,
Nous sommes heureux de vous accueillir à l’issue de la 1ère journée de notre Conférence Régionale et nous vous remercions vivement d’avoir répondu à notre invitation pour partager un moment d’échanges, de convivialité, de fraternité autour de ce buffet.
Petite précision et information, nous en profiterons tout à l’heure pour porter un toast et hommage à Lise BOUVERET qui quitte ses responsabilités comme Secrétaire Régionale et accède à une retraite bien méritée.
Beaucoup parmi vous ont eu maintes occasions de travailler avec Lise sur différents dossiers et ont pu apprécier ses compétences, ses qualités politiques et humaines. Mais rassurez-vous, elle ne sera pas complétement partie et continuera d’assurer quelques mandats au sein de l’espace régional. Je n’en dis pas plus, Bruno y reviendra plus largement.
Dans l’instant, permettez-moi d’aborder quelques éléments de contenus et des travaux de notre Conférence qui porte évaluation – bilan du mandat 2009 – 2012 pour se projeter dans les trois ans à venir sur de nouvelles perspectives en se fixant une feuille de route collective.
L’espace territorial : territoire structurant pour la définition des choix stratégiques ?
Durant ce mandat, la prise en compte du fait régional, des enjeux territoriaux et la participation aux différentes instances et nouveaux lieux de démocratie sociale relèvent désormais d’une responsabilité mieux partagée par toutes les organisations de la CGT. Notre rapport à l’institutionnel s’est ainsi considérablement modifié car la CGT a la responsabilité de s’intéresser à ce croisement entre “ce qui bouge” et ce “qui doit bouger”.
L’espace territorial est-il devenu un espace structurant pour la définition des choix stratégiques ?
Incontestablement des décisions se structurent en territoire ; Elles façonnent pour aujourd’hui et pour l’avenir, les dimensions industrielles d’innovation, de recherche, la localisation des activités, les services publics, les politiques publiques, l’aménagement du territoire, l’emploi, la formation professionnelle, etc.
Nous constatons que les lieux stratégiques de décisions s’éloignent des lieux de représentations des salariés, les IRP sont de moins en moins informées et consultées sur les choix stratégiques, ceux-ci se prenant ailleurs, par exemple au sein des pôles de compétitivité, à l’échelle de grands territoires dans lesquels les moyens humains et financiers sont désormais concentrés sur des projets dits “d’excellence”.
Notre démarche syndicale en région Rhône-Alpes s’est donc construite à partir de ces réalités et nouveaux enjeux.
Ainsi, dans ce mandat, les questions de l’enseignement supérieur, recherche, innovation, territoires d’excellences ont fortement émergé. Nous avons disputé et contesté l’approche libérale du MEDEF de “chasser en meute” qui vise la sélectivité, la compétitivité des capitaux, relayée par les pouvoirs publics et dans la société civile. Cette concurrence exacerbée et généralisée ne peut générer que disparités et inégalités économiques, sociales et territoriales.
Elle met à mal l’égalité républicaine des citoyens. Les droits, les garanties collectives, les régulations, protections au travail sont considérés comme des obstacles majeurs à la fameuse compétitivité, l’entreprise étant pensée comme la seule source de richesse. Pour la CGT, le bon sens c’est un développement humain durable et équilibrée des territoires de Rhône-Alpes qui doit pousser à la coopération, la péréquation pour satisfaire l’intérêt général.
La sécurisation des parcours professionnels
De même, la mobilité, la sécurisation sont des questions prégnantes.
Des dispositifs se mettent en place : MODEL dans une logique de prêt de main-d’œuvre, les plateformes de sécurisation pour répondre aux besoins de mobilité des salariés. Les organisations CGT ont exprimé un rejet du dispositif model qui vise à faire du territoire une réserve d’emplois flexibles au service des entreprises qui se désengagent ainsi de leurs obligations.
Mais elles restent attentives à ces dispositifs et utilisent les lieux d’interventions créés.
Pointer ces différences d’appréciations, porter des désaccords pour la CGT en Rhône-Alpes et au niveau national n’est pas officialiser une posture de radicalité comme certains se plaisent à le dire aujourd’hui, vis-à-vis d’une signature ou non signature d’un accord.
Mais nous refusons de nous inscrire dans une pensée unique, d’acter notre accord, notre engagement à partir d’une feuille de route imposée qui ne serait pas la nôtre. Le syndicalisme doit garder sa capacité à prendre part, dans la contradiction, la confrontation à l’élaboration de choix, à la prise de décisions pour pouvoir contractualiser dans le sens le plus favorable aux salariés qu’ils représentent.
J’en profite pour glisser un mot sur l’accord national dit de sécurisation de l’emploi : complémentaire santé, représentants des salariés au CA des très grandes entreprises présentées comme des avancées demeurent mineures au regard de la dominante de flexibilité du projet d’accord. Même la presse se fait l’écho d’un texte qui répond à une vieille et insistante revendication du MEDEF de “déjudiciarisation de la procédure de licenciement” – autre point arraché par le MEDEF : la sécurisation des accords” de maintien de l’emploi par la baisse des salaires et l’augmentation du temps de travail. Si le salarié refuse, la contestation du licenciement sera quasi impossible. Et Michel SAPIN a bien raison, de dire que ce sont des éléments extrêmement important pour l’adaptation des entreprises. Les 4 objectifs fixés lors de la Conférence Sociale par le Gouvernement ont été détournés au profit d’une dérèglementation du marché du travail créant une insécurité et la précarité généralisée à tous les salariés.
Ceci dit, la CGT mettra tout en œuvre auprès des parlementaires pour modifier la donne. La CGT ne renonce pas à construire un syndicalisme rassemblé autour d’une feuille de route syndicale.
Une posture de propositions et de contributions actives
Revenons au niveau rhônalpin, dans ses relations avec les institutions, Conseil Régional, Etat, le Comité Régional CGT s’est toujours situé dans une posture de propositions et de contributions actives dans l’élaboration des politiques publiques régionales tels que la SRDEI, le contrat de plan régional de développement des formations professionnelles, le service public régional de la formation professionnelle, les schémas régionaux de développement, le schéma régional air – énergie pour ne citer que ces quelques exemples.
La CGT a apprécié la volonté partagée et actée d’une coordination des actions de l’Etat et de la Région au niveau régional – départemental – territorial.
Longtemps revendiquée par l’ensemble des organisations syndicales de la région, dans leurs déclarations communes lors des conférences économiques sociales, cette évolution est significative et répond à l’exigence d’une intervention publique cohérente, lisible, efficace, efficiente, au service de l’intérêt général.
Dans sa participation aux instances de concertation, de gouvernance et lieux de gestion paritaire comme le CCREFP, les CTEF, la COPIRE, les OPCA, le PRAO, ARAVIS, le Comité Régional CGT s’est attaché à être représenté, cela a nécessité la mobilisation de nombreux mandatés et une coordination permanente des interventions. La pratique de ce dialogue social territorial demande beaucoup d’engagement pour les organisations syndicales, la question des droits nouveaux est désormais devenue incontournable.
S’agissant du financement de l’économie, notre pugnacité et celle de différents élus régionaux auront permis la mise en place de fonds régionaux au service de l’emploi et de l’activité économique comme le FRERA, le FRI, le FRAU qui s’appuient sur la capacité des acteurs régionaux à anticiper et à se doter d’outils financiers, d’expertises au service du développement, du maintien et de la création d’emplois.
La commission de suivi et d’évaluation des aides publiques a poursuivi son activité avec l’active participation de la CGT. Durant ce mandat, elle a étendu ses compétences au champ de la formation. Elle permet une véritable maitrise des interventions publiques et ouvre le droit de saisine aux institutions représentatives du personnel des entreprises concernées.
La CGT Rhône-Alpes a également joué un rôle actif dans la tenue des EGI et nous nous félicitons de ses suites : mise en place d’un pôle d’orientation financier, de 5 comités stratégiques de filières, d’un groupe de travail sur la sous-traitance.
Avec les Comités Stratégiques Prospectifs, la commission PERIC sur les pôles de compétitivité nous disposons d’une série d’outils pour traiter des enjeux industriels des filières. Pour autant, si Rhône-Alpes reste une grande puissance industrielle avec plus de 418.000 emplois dont 198.000 directement liés à la production concrète de biens, il n’en reste pas moins que notre potentiel Rhône-Alpes s’est considérablement affaibli en 20 ans avec une perte de 134.000 emplois.
L’enjeu reste majeur et une priorité pour le Comité Régional CGT.
Les perspectives de la Cgt en Rhône Alpes
Enfin, plusieurs projets ont mobilisé le Comité Régional CGT et font l’objet de financements publics du Conseil Régional et de la DIRECCTE autour des aspects : précarité, sécurisation des emplois et structures de l’Aide à Domicile, anticipation et mutations socio-productives, discriminations, conditions de travail au centre commercial Part Dieu, comités interentreprises à RENAULT TRUCKS, insertion professionnelle et mobilité des jeunes dans les structures du tourisme social.
Je pourrais étayer ce bilan de bien d’autres items et champs travaillés dans ces trois ans, mais le temps imparti me conduit à venir maintenant sur ce que sera, ce que portera le Comité Régional CGT Rhône-Alpes comme ambitions pour le mandat à venir.
Notre Conférence Régionale a travaillé toute cette journée en ateliers et séances plénières pour faire émerger de cette réflexion et construction collective notre feuille de route CGT Rhône-Alpes.
Nous débattons trois grands axes de travail :
Anticipation des transformations et appropriation syndicale. Partant du postulat que l’industrie a un avenir à condition qu’elle se transforme en lien étroit avec les services, les services publics, pour répondre aux exigences économiques, sociales et environnementales, nous avons abordé les transformations déjà largement à l’œuvre : multiplication des innovations, évolutions des produits et des procédés, contraintes environnementales croissantes à partir des situations des entreprises et branches professionnelles de Rhône-Alpes, ici présentes. En quelque sorte, un vrai diagnostic ancré dans le réel.
Nous en avons mesuré les enjeux et posé les conditions. Pour la CGT Rhône-Alpes, cette exigence de transformation de l’industrie, dans le sens d’une articulation renforcée industrie – service et tournée vers les usages, les besoins, ne pourra pas s’opérer sans une politique ambitieuse d’innovation. Mais nous nous inscrivons en opposition avec les tendances actuelles en terme d’innovation, à savoir des politiques d’innovation tendant à tenir lieu de politiques industrielles (comme si l’activité productive découlerait “naturellement” des innovations) et une concentration extrême des moyens humains et financiers sur une poignée de pôles “élus” considérés comme excellents, aux côtés d’un nombre croissant de territoires en passe d’être désertifiés (en termes d’industrie, de services publics).
Toutefois, nous voyons bien que le défi de la transformation industrielle capable de répondre aux enjeux éco-sociaux et environnementaux passe par une politique d’innovation ambitieuse, intégrée à la logique des filières, impulsée en Rhône-Alpes depuis de nombreuses années. Mais aujourd’hui ces filières doivent intégrer plusieurs activités cohérentes entre elles, mais aussi les différentes phases aboutissant à la production de la recherche au recyclage en passant par l’innovation, la production, les services. Cette nouvelle chaine de la valeur porte en germe les enjeux d’un nouveau statut du travail salarié, et de nouvelles relations entre donneurs d’ordres et sous-traitants..
Le travail en atelier nous a permis de prolonger l’appropriation syndicale entamée en 2012 avec notre projet anticipation / mutations animé par notre outil d’études et de recherches ADEES Rhône-Alpes. Les objectifs étaient de vérifier si cette démarche correspond aux besoins, comment on la fait vivre en territoires, dans les syndicats et quelles évolutions dans l’activité et la structuration syndicale nécessite la démarche anticipation.
C’est donc un programme conséquent pour les trois ans à venir.
Mutations du salariat et syndicalisation. Partant du constat que le syndicalisme s’est historiquement appuyé sur des emplois industriels, masculins et plutôt “stables”, nous percevons que le tissu productif et le salariat ont fortement évolué et nécessitent donc une évolution de notre activité syndicale, de notre structuration.
Si nous avons l’ambition d’être le syndicat de tous les salariés, en capacité de tous les défendre, nous devons encore mieux maîtriser le diagnostic des mutations du salariat, sur emplois de services, emplois des femmes et sous-traitance.
Car nous constatons que la transformation du travail et de l’emploi qui accompagne la montée des services c’est : individualisation, précarisation, insuffisance de reconnaissance des compétences dans le cadre de qualifications, insuffisance des rémunérations (-26 % par rapport à l’industrie, une moyenne de 800 € dans les services aux particuliers), quasi absence de statuts, de garanties et de protections collectives – aggravation des conditions de travail et non reconnaissance des formes de pénibilités tertiaires.
Ces transformations structurelles de la relation salariale sont inquiétantes. Car elles percutent et remettent en cause l’efficacité des garanties, protections collectives historiquement associées au contrat salarial. Elles remettent en cause les capacités des entreprises à anticiper les mutations et donc à maintenir un certain niveau de compétitivité. Pour la CGT, le plein emploi, la place du travail, sa qualité, sa valeur, son contenu, sa reconnaissance, constituent donc le pilier essentiel de notre démarche revendicative.
La CGT Rhône-Alpes aura à porter concrètement cette ambition, partout, dans tous les espaces, dispositifs, lieux d’intervention et de concertations.
Décentralisation – territorialisation des politiques publiques.
Dans l’analyse que nous faisons de ce processus, on note deux mouvements contradictoires :
- Une territorialisation des politiques publiques en Rhône-Alpes avec la multiplication d’instances territoriales, quadripartite de concertation, de décision. Espace de démocratie sociale où la CGT s’investit pour y porter ses revendications de manière convergente.
- Une concentration des moyens et la constitution de territoires dits d’excellence par le biais de politiques convergentes : LRU, pôles de compétitivité, réforme hospitalière territoires de santé, où des structures technocratiques contournent les lieux de démocratie existants.
Malgré les apparences, la décentralisation n’est pas motivée par une volonté de démocratisation. Dans l’acte III, le projet nous donne l’impression que la concentration des moyens se fera à l’échelle des métropoles, via le principe nouveau de libre organisation des compétences – en Rhône-Alpes l’Eurométropole avec le rapprochement entre Lyon et le département est acté par leurs responsables politiques respectifs et ceci sans aucune concertation.
Nous nous interrogeons donc légitimement sur le devenir et le rôle de la région. Quel devenir également des instances régionales comme les CTEF ? Ne risquent-elles pas d’être vidées de sens et de tout contenu démocratique ? Le poids des pouvoirs prendra-t-il le pas sur la démocratie ?
Nous le voyons bien, il se joue plus qu’un échange de compétences, d’où l’importance réaffirmée pour la CGT Rhône-Alpes de continuer à s’investir en identifiant bien les enjeux et les lieux stratégiques, pour ne pas s’essouffler dans ces structures avec le risque de ne pas être efficace pour les salariés, pour faire aboutir nos revendications.
Nous avons insisté sur le besoin de veiller au respect de l’égalité entre tous les territoires en termes de services publics, d’accès à la santé, à l’emploi, de développement industriel et des services. Nous serons donc intransigeants sur la place et le devenir des salariés concernés par ces évolutions territoriales. Dans cet objectif, nous favoriserons et serons porteurs d’initiatives, de débats publics avec les populations de la région pour créer des convergences et favoriser la démocratie citoyenne.
La question de la jeunesse
Enfin, cette conférence régionale se prolongera demain avec une forte initiative avec et pour les jeunes. L’emploi sera au cœur de ce débat et concernant notre particularité régionale la question du pacte pour l’emploi sera bien évidemment abordée, discutée collectivement.
La CGT s’est toujours placée aux côtés des jeunes ; elle porte une ambition forte à leur sujet dans la situation actuelle d’un chômage et d’une précarité galopante.
Preuve que l’on s’engage pour les jeunes, avec l’ANI sur le contrat de génération, que nous venons de signer au plan national. Pour nous, c’est une réelle avancée puisque l’embauche de ces contrats ne se fera qu’en CDI, tout en considérant ses faiblesses en matière de formation et l’impossibilité d’avoir des objectifs chiffrés de création d’emplois par le biais de ces contrats.
Alors qu’en Rhône-Alpes, nous nous positionnons toujours comme la pointe du dialogue social et comme territoire d’avancées, il nous paraît alors évident que, si on doit aller vers un engagement commun pour les jeunes, il doit améliorer ce qui a été négocié au niveau national. Malheureusement, à ce stade, le texte proposé en région n’apporte en rien des améliorations, il ne fait pas du CDI une priorité pour la jeunesse rhônalpine, puisqu’il n’y a toujours pas d’engagement, voire de négociations, sur des créations d’emplois avec les branches. Pour nous cette priorité correspond à l’obligation de rester dans la hiérarchie des normes, élément de l’ordre public social.
La CGT ayant une autre ambition pour la jeunesse, elle ne ménagera pas ses efforts en RA, pour que les organisations syndicales de notre région, comme elles ont déjà su le faire avec les accords sécurisation, territorialisation trouvent les éléments de convergence pour contractualiser ce pacte territorial de l’emploi des jeunes, à la hauteur des exigences de la période : d’un emploi de qualité, assorti d’un vrai parcours professionnalisant et qualifiant.
J’en ai terminé. Comme vous pouvez le constater, le programme est ambitieux, mais nous pensons qu’il correspond à l’attente du changement que les salariés ont prononcé lors des élections présidentielles, mais également de tous ceux, pas encore syndiqués, qui se sont exprimés lors des élections des TPE. Même si la participation n’a été que de 10 %, on peut le déplorer, il n’en reste pas moins que ce sont 498.000 hommes et femmes qui ont voté et ont décidé de placer notre organisation syndicale en tête, loin devant, avec 29,54 % nationalement et 27,34 % régionalement. J’en profite pour remercier et saluer l’engagement, le déploiement de tous nos militants et de nos structures territoriales, locales qui représentent un fort maillage territorial de la CGT RA, sans qui ce résultat n’aurait pas été possible.
Cette fois, c’est vraiment mon dernier mot, place à la réception festive que nous avons voulu partager avec vous tous et toutes.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article942