Intervention Cgt sur la contribution « engagement des jeunes : inciter, accompagner, valoriser »
Les sujets à propos de la jeunesse, notamment eu sein du CESER, se multiplient. Depuis la crise sanitaire, il semble que nous redécouvrions les jeunes. Coupés de leurs projets, éloignés de l’école, victimes de situation de précarité, aux prises avec une profonde détresse psychologique, les jeunes ont subi et subissent encore les conséquences de la crise. Dans le même temps, il est essentiel de permettre à la jeunesse de s’engager, d’entreprendre, de rompre avec les déterminismes sociaux, géographiques ou de genre qui limitent leurs potentiels. Pour cela, les leviers d’action sont identifiés : la mobilité sociale et géographique, la santé préventive, la formation, la diversité, l’égalité des chances et l’engagement citoyen.
Il nous faut être prudent, la jeunesse est un concept récent, appréhendé en classes d’âges selon les sujets et les dispositifs, dont la définition du périmètre est un enjeu de pouvoir, et surtout elle est plurielle… C’est pourquoi, une approche globale, enfance, adolescence, jeunesse, en termes de parcours est plus pertinente. L’apprentissage de l’engagement citoyen doit être travailler dès l’école maternelle, afin que tous puissent acquérir des réflexes citoyens, connaitre les institutions, les droits et devoirs, des différentes manières de s’engager. Mais nous devons aussi accompagner la construction du regard critique : se construire une opinion, la confronter à d’autres, proposer des réponses…
La jeunesse doit être perçue comme un potentiel indispensable.
Il nous faut parler d’autonomie plutôt que la prise en charge, de jeunes porteurs de créativité et d’innovation plutôt que jeunes à « problèmes ».
Nous sommes confrontés à un paradoxe car les formes d’engagement évoluent. Nous découvrons à quel point les jeunes, mais pas seulement eux, se désintéressent des formes de démocratie représentative. Ils désertent les urnes, les associations, les organisations patronales et les syndicats de salariés. Pour ce désengagement des jeunes salariés, les raisons sont nombreuses, mais la précarité et les atteintes aux libertés syndicales sont cependant les facteurs principaux.
Mais dans le même temps, des formes nouvelles d’engagement apparaissent. Parfois, la vision d’une jeunesse fainéante, oisive, assistée s’oppose à ce que nous avons pu constater lors des auditions. Les jeunes s’engagent, militent, portent des exigences pour des causes sociales et environnementales, qu’ils trouvent justes et importantes, pour retrouver le sens du travail, pour « plus et mieux » de démocratie, pour le devoir d’exemplarité, pour la prise en compte de l’intérêt général… C’est bien par le retour à ces fondements que la confiance sera de retour.
Le cahier des charges abordait une problématique large, peut-être trop large. La commission a essayé de saisir cette complexité, en ayant en permanence le souci de relier les points de vue, les disciplines, les niveaux d’analyse, les profils d’intervenants. Elle a également privilégié les préconisations qui peuvent se traduire en actions concrètes à l’échelle de notre région, de nos territoires tout en ayant conscience de la dimension nationale, européenne et internationale de ce sujet.
La commission a travaillé une approche plus individuelle que collective. L’engagement s’appuie sur le principe d’appartenance républicaine, sur le respect des droits et des devoirs que donne la citoyenneté. La commission a audité des collectifs étant dans des engagements plus collectifs. Mais dès lors qu’il est question de revendications collectives, de remise en cause des paradigmes économiques actuels, d’une production idéologique alternative, la démarche est plus difficile pour les jeunes, pire parfois les institutions construisent de nouveaux obstacles. En cela, la répression du mouvement lycéen en 2018, le scandale du syndicat Avenir Lycéen, ainsi que les dernières lois relatives à la sécurité publique sont très inquiétantes.
Ce rapport apporte donc un éclairage intéressant sur les formes d’engagement actuelles, les auditions d’experts et de jeunes investis sous des formes différentes a permis de construire une cartographie non exhaustive. On constate un éloignement des jeunes vis-à-vis des formes plus traditionnelles. Les engagements sont plus sporadiques, moins hiérarchisés, plus en mode projet dans une recherche d’efficacité rapide. Si les formes évoluent vers une sorte de romantisme pragmatique, elles sont pour autant très nombreuses et variées. La commission a eu le souci d’aborder les formes plus informelles d’engagement et bien souvent très innovantes. Mais par leur nature, elles sont plus difficilement identifiables. C’est pourquoi il est important d’avoir des dispositifs, des formes d’accompagnements très souples.
Nous devons insister sur la préconisation qui invite à apporter un soutien humain et financier au secteur de l’éducation populaire. L’autonomie se construit tout en étant accompagnée par des professionnels reconnus, qui trouvent du sens à leur travail, mieux rémunérés, avec de bonnes conditions de travail. Les difficultés de recrutement, les nombreuses grèves lors des derniers mois montrent le malaise dans ce secteur d’activité.
La question du numérique a été particulièrement présente lors de nos échanges. On trouve d’ailleurs de nombreuses références dans cet avis : accès à l’information, nouvelles formes d’engagements, nouveaux outils comme les comparateurs de programmes. Mais comme nous avons pu le constater lors des différents confinements, le droit à la connexion n’est pas aujourd’hui un droit universel.
Enfin, s’il faut informer, inciter, accompagner, il paraît essentiel de valoriser l’engagement des jeunes. Cet avis donne d’ailleurs de nombreux exemples intéressants. Pour autant, nous devons éviter plusieurs écueils. Cette valorisation ne doit pas alimenter la logique de performance et de compétition, mais plutôt la coopération. Si elle doit permettre de s’inscrire dans une démarche d’orientation, de valider des compétences elle ne doit pas être punitive ou sélective. Si un mandat de délégué de classe est valorisable dans ParcoursSup, celui de militant dans un syndicat étudiant l’est-il pour autant ? Des liens doivent être construits entre engagement et monde du travail. Une meilleure reconnaissance des compétences acquises, la validation de trimestres de retraite seraient des pistes pertinentes.
Le principal enjeu est bien de trouver des passerelles entre ces nouvelles formes d’engagement et des formes d’engagement inscrites dans la durée. C’est une véritable problématique car les organisations syndicales et politiques sont structurantes pour la démocratie. Les réponses sont plurielles et passent notamment par une meilleure connaissance de l’histoire sociale, mais le point essentiel est celui de l’autonomie économique.
Reconnaitre les jeunes comme citoyens à part entière, leur permettre de s’engager, nécessite aussi qu’ils soient autonomes économiquement. Ce qui est loin d’être le cas, au mois de septembre 2021, l’Observatoire des inégalités avait un constat sans ambiguïté : « Les jeunes adultes constituent la tranche d’âge où le risque d’être pauvre est le plus grand et pour qui la situation s’est la plus dégradée en quinze ans ». Il est indispensable de les faire entrer dans le droit commun et de leur donner un accès direct aux dispositifs d’aides sociales dès 18 ans.
Si nous avons bien conscience des limites objectives et subjectives de cet avis, nous saluons cependant l’ensemble de la commission, sa présidente et l’administration pour ce travail qui porte des ambitions que nous voterons.