Déclaration au nom de la Cgt, la Cfdt, la Cftc,Cfe/cgc, la FSU et solidaires sur la contribution « Repenser le tourisme, le commerce et l’économie de proximité en Auvergne-Rhône-Alpes à la lumière de la crise Covid » : Pour un modèle durable, socialement et écologiquement responsable.
Dans sa note d’orientation de juillet 2020, « Covid19 : Repenser demain, le regard du CESER », notre assemblée engageait une série de travaux sur les impacts de cette crise dans les différents aspects de la vie des habitants de la région.
Concernant la commission 1, ces premiers travaux ont porté sur les impacts sur le tourisme, activité essentielle pour l’économie régionale avec, avant la crise sanitaire, un peu plus de 372 000 emplois annuels, ainsi que sur l’économie de proximité, représentant plus de 233 000 emplois annuels.
Le tourisme et les travailleurs saisonniers
Le tourisme est l’un des secteurs les plus gravement touchés par l’épidémie de la COVID-19. Les confinements du pays, la fermeture des frontières, les restrictions de voyage, la suspension de nombreux moyens de transport liés au tourisme, l’arrêt du secteur de la culture ,des cafés et restaurants et la fermeture de la plupart des établissements d’accueil ont entrainé la paralysie de l’industrie du tourisme.
Durant la forte diminution de l’activité touristique depuis un an, beaucoup de jeunes et de saisonniers se sont retrouvés dans la détresse sociale ce qui amène la Commission Economie-Emploi de notre CESER à exprimer la recommandation pour le soutien nécessaire aux activités et populations fragilisées par la pandémie. Alors même que l’ouverture de l’accès au dispositif d’activité partielle a été étendue aux travailleurs saisonniers, les 2/3 d’entre eux sont aujourd’hui en très grande précarité, car les employeurs n’ont pas voulu les embaucher pour leur ouvrir cette possibilité. Ces saisonniers se retrouvent ainsi, soit à épuiser leurs droits au chômage ,soit à survivre grâce à la solidarité d’autres saisonniers ou d’associations caritatives. Dans les cas où les employeurs ne respecteraient pas leur engagement, il conviendrait de considérer, pour tous ceux-ci, la période normalement travaillée comme période ouvrant des droits à l’indemnisation par Pôle Emploi. Cela permettrait à de nombreux saisonniers arrivant en fin de droit de toucher le chômage à l’issue de cette saison plutôt que de se retrouver SDF.
Nous constatons aussi que les demandes d’aides sociales (RSA et allocation spéciale de solidarité) ont augmenté de 30% sans compter les jeunes de moins de 25 ans, nombreux à travailler dans le tourisme, qui ne peuvent prétendre à aucune aide. D’où l’importance d’une allocation ( l’enjeu c’est un dispositif national auquel pourrait participer la région) pour les jeunes sans travail afin qu’ils ne basculent pas dans la grande pauvreté et l’abandon de la réforme de l’assurance chômage réclamée par l’ensemble des organisations syndicales de salariés.
La crise Covid19 aura un impact lourd sur le secteur de l’hôtellerie-restauration, et pour certains créneaux de l’offre hôtelière (notamment le « tourisme d’affaires) avec la généralisation de la visioconférence, un recul de l’activité qui pourrait s’avérer durable . Fragilisée économiquement, déjà aux prises avec un modèle social peu attractif qui se manifestait par une pénurie de main d’œuvre qualifiée, l’offre touristique risque aussi de se retrouver rapidement sans le personnel nécessaire pour rendre les services attendus par les touristes à leur retour. Il est donc indispensable dans le cadre d’une concertation négociée avec les partenaires sociaux, au plus près des réalités dans les territoires d’Auvergne Rhône Alpes, afin de mobiliser les moyens et fonds existants pour gérer cette situation, mais également de promouvoir le tourisme social à but non-lucratif, ayant une forte expérience dans notre région.
Le rapport souligne, le besoin d’évolution des métiers dans ces secteurs qui connaissent un très fort turn-over de leurs salariés. La formation professionnelle, qui est une compétence régionale, devra être particulièrement mobilisée et adaptée pour ces publics. En lien avec le plan de relance et le dispositif Transitions Collectives, nous pouvons attendre du Conseil Régional de la réactivité pour intégrer les besoins en formations en lien avec les instances paritaires régionales représentatives et au lendemain des élections TPE, avec la mise en place des commissions paritaires régionales. La revitalisation du dialogue social territorial et la mobilisation des mesures inscrites dans ce rapport sont deux conditions déterminantes Pour autant, peut-on envisager de résoudre les problèmes de turn-over récurrent dans ces secteurs sans poser de diagnostics sur les facteurs qui en sont à l’origine ? Si l’objectif est bien d’assurer plus de fidélisation de ces salariés, comment faire l’impasse sur les enjeux de sécurisation de leurs parcours professionnels, de l’amélioration de leur qualité de vie au travail et hors travail ? Il s’agit de s’appuyer sur l’existant à l’exemple de l’accord interprofessionnel signé par l’ensemble des acteurs en Savoie en matière de logement des saisonniers. Sans ce travail, nous n’arriverons jamais à remplir une baignoire dont la bonde n’est pas mise, et les formations ne serviront qu’à alimenter le turn-over.
L’ensemble des travailleurs de la montagne demandent une concertation sur les mesures de soutien à l’économie montagnarde et, en particulier, sur le futur plan de relance de la montagne , avec toutes les forces syndicales et pas seulement avec quelques lobbies. Ils dénoncent également l’augmentation tarifaire de certains établissements de formation qui ont le monopole de formation initiale et continue des guides et accompagnateurs de montagne, moniteurs de ski, de ski nordique et de parapente. Ces centres se sont permis d’imposer un véritable racket tarifaire aux stagiaires, notamment via une obligation de suivre des stages dits de « remise à niveau » facturés 2 à 3 fois plus chers que les barèmes usuels de l’apprentissage.
Au vu de ces éléments, si la « crise Covid19 » est susceptible d’entrainer des conséquences lourdes sur le tissu économique et donc l’emploi, en raison de l’endettement contracté par certaines entreprises, elle agit bien plus comme « révélateur de la fragilité d’un modèle social qui repose sur la précarisation et l’Ubérisation des collectifs de travail et d’un modèle économique du tourisme de la montagne peu diversifié, reposant essentiellement sur le ski alpin, qui n’est accessible qu’à 8% de la population française en raison des coûts des séjours très élevés au regard de la faiblesse du pouvoir d’achat du plus grand nombre, et qui ne survit, face au réchauffement climatique, qu’avec des financements engageant les collectivités sur le long terme (ce qui inquiète la Cour des Comptes), pour développer des dispositifs d’enneigement et de retenues collinaires, dispositifs, ayant eux même des impacts très négatifs sur l’environnement. La diversification des activités touristiques de la montagne est donc essentielle pour s’ouvrir au plus grand nombre et s’adapter aux évolutions climatiques.
Le commerce et l’économie de proximité face à la crise
Le commerce et l’économie de proximité sont soumis, suivant que leur activité ait été estimée essentielle ou non, à des mesures administratives fixant les possibilités et les conditions d’ouverture. En fonction de l’évolution de la pandémie et de la réglementation (bien reprise dans le rapport), certaines de ces TPE ont particulièrement souffert économiquement quand d’autres parvenaient à maintenir une activité plus satisfaisante. Si la situation dans ce secteur est donc marquée par une forte hétérogénéité, beaucoup d’entre elles ont été amenées à s’organiser sur la base d’autres modèles économiques comme le « click and collect » pour maintenir une activité et répondre aux besoins des consommateurs. Dans l’urgence, certaines collectivités locales ont apporté des aides pour permettre la mutation numérique de ces petits établissements, nécessaires à la mise en œuvre de ces nouveaux services. Un « retour d‘expérience » sera utile, pour en mesurer les coûts induits, en termes de temps passés à la « mise en ligne », auxquels peuvent s’ajouter ceux liés à l’intermédiation des plateformes, fragilisant les modèles économiques d’entreprises pourtant solidement installées sur leur territoire et leur champ professionnel.
S’agissant de l’impact financier, nous partageons la recommandation d’une vigilance particulière sur le « traitement » de l’endettement lié au covid19, notamment s’agissant des TPE ou des entreprises artisanales qui disposaient d’un « fonds de commerce » solide. Un tel diagnostic pouvant être établi facilement, le recours à des conseils pourrait alors davantage porter sur l’élaboration de plans d’apurement compatibles avec les possibilités et les besoins de développement des entreprises et les « situations particulières ». Alors que l’ordonnance du 20 mai 2020, facilitant la reprise d’une société en redressement judiciaire par ses anciens actionnaires ,a permis à certains dirigeants, bien conseillés, des comportements opportunistes pour « restructurer » leur activités, laissant endettement et coûts sociaux à la charge de la collectivité, l’accès aux conseils doit être facilité aux TPE/PME et ouvert aux salariés de ses entreprises et/ou à leurs représentants afin de permettre le maintien de l’activité et des emplois.
En conclusion, ce sont bien aussi, à des évolutions plus structurelles que les collectivités territoriales , avec les acteurs économiques et sociaux, doivent faire face . Il est temps de penser et de réinventer la montagne et les métiers de demain pour répondre à l’urgence écologique, sociale et économique. Il est nécessaire de tirer des enseignements de l’évolution des comportements pendant la crise qu’il s’agisse du développement des circuits courts en matière d’alimentation ou des nouveaux usages des espaces de montagne. Il s’agit aussi de les penser pour permettre plus de justice sociale, tant pour le droit au tourisme que pour l’accès à une consommation responsable de tous et la reconnaissance de celles et ceux qui par leur travail produisent ces biens et ces services qui font la force de notre région. C’est pourquoi, nous plaidons pour que les aides aux entreprises soient conditionnées à des engagements en matière d’emploi, de formation, de conditions sociales et de respect des normes environnementales
Les organisations syndicales CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FSU et Solidaires voteront favorablement ce rapport.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1622