Intervention de la Cgt, la Cfdt, la Cftc et l’Unsa
La crise sanitaire, économique et sociale a mobilisé des moyens financiers à différents échelons : européen, étatique et régional. Au-delà de l’affichage de plans de relance colossaux, il est apparu important au CESER d’examiner les effets de ces mesures sur les fragilités économiques et sociales accentuées par la pandémie.
Dans le cadre de la saisine de l’Exécutif régional concernant les indicateurs du plan “Un jeune, une solution” en juillet 2021, l’avis du CESER pointait déjà l’importance d’une synergie associant tous les acteurs, en s’appuyant sur l’expertise des associations, des organisations syndicales et des personnes accompagnées. Nos organisations réaffirment l’importance d’un travail transversal et complémentaire qui permettrait de construire des cartes de formations professionnelles en Région, pour répondre efficacement aux besoins des personnes, des entreprises et des territoires, en particulier des formations qualifiantes et diplômantes pour les futurs salarié.e.s, mais aussi pour celles et ceux dont l’emploi est fragilisé ou supprimé.
Dès lors, la poursuite de ce travail par une analyse globale des fragilités des populations et des réponses apportées par les différents acteurs publics apparaissait indispensable dans le cadre d’une contribution à l’évaluation des politiques publiques.
Il convient de saluer la démarche dynamique du groupe de travail qui a étudié avec l’INSEE le “halo de la pauvreté” d’une part, et également auditionné des conseillers du groupe de travail, mettant ainsi en valeur l’expertise des corps intermédiaires. Ainsi nous avons pu partager et capitaliser des expérimentations innovantes qui ont permis d’apporter des réponses efficaces et complémentaires à celles des acteurs publics.
La crise a en effet mis en avant l’importance du secteur associatif et des organisations syndicales qui ont su, dans un contexte inédit, réinterroger leurs pratiques et permettre le repérage des personnes fragilisées au travail et dans leur vie quotidienne, particulièrement précarisées ou sans emploi.
Ainsi, le syndicalisme malgré le confinement a su trouver les moyens pour se rendre disponibles et utiles aux salarié.e.s dans cette période à nulle autre pareille. A l’exemple du Comité Régional CGT qui a mis en place dès le 2 avril 2020 un numéro vert gratuit permettant d’apporter des réponses aux interrogations des salariés, notamment les plus précaires, dans un contexte de poursuite de leur activité en mode dégradé durant le confinement. Une adresse électronique a également été mise à disposition des saisonniers qui ont pu ainsi témoigner de leur détresse, particulièrement celles et ceux privés d’embauche alors que par ailleurs des milliards d’€uro ont été attribués au secteur du tourisme sans conditionnalité, ni contrepartie.
A plusieurs reprises, l’ensemble des organisations syndicales de salariés est intervenu en direction de l’État et de la Région pour être davantage associées au contenu des plans de relance, des évolutions professionnelles et métiers indispensables à anticiper pour favoriser les transitions économiques, le maintien de l’emploi, la sécurisation des parcours professionnels, notamment pour les travailleurs les plus précaires. Pour ce faire, nous avons rappelé l’importance de la conditionnalité des aides publiques et des contreparties sociales et écologiques, à identifier pour soutenir l’activité et l’emploi, avec des engagements contractualisés, formels et précis des entreprises et des collectivités.
Dans le cadre de sa contribution, le groupe de travail a effectué un focus sur les jeunes, singulièrement impactés par la crise. Car cette période a une nouvelle fois accru les inégalités et dégradé les conditions d’accès à la formation qualifiante et à l’emploi. L’analyse a mis une nouvelle fois en avant des carences de l’action publique en matière d’accès aux droits et à l’accompagnement, entraînant l’augmentation du non-recours aux dispositifs et prestations. Par ailleurs, la dématérialisation des services publics confirme leur accès difficile voire impossible aux populations les plus fragiles, victimes de la fracture numérique. Il est donc nécessaire de simplifier les démarches d’accès aux droits et reconnaître le droit à la connexion comme un droit universel effectif.
Nous partageons les préconisations de la contribution sur les axes concernant la création de nouveaux outils d’observation ainsi que l’évaluation des politiques sociales, prioritairement pour la jeunesse, en direction de laquelle la société tout entière doit changer de regard. Les jeunes doivent être davantage perçus comme une ressource à associer à la résolution des problèmes qui la concernent. Il nous faut parler d’autonomie plutôt que de prise en charge ou d’assistanat ; de jeunes ressources d’avenir plutôt que de jeunes à “problèmes”, stigmatisés.
Reconnaître les jeunes comme citoyens à part entière, leur permettre de s’engager, nécessite un accompagnement beaucoup plus personnalisé et une plus grande autonomie économique, ce qui est loin d’être le cas. Au mois de septembre 2021, l’Observatoire des inégalités révélait un constat sans ambiguïté : “Les jeunes adultes constituent la tranche d’âge où le risque d’être pauvre est le plus grand et pour qui la situation s’est la plus dégradée en quinze ans“. Leur accès effectif au droit commun et à un accès direct aux dispositifs d’aides sociales dès 18 ans devient donc indispensable.
Concernant la coordination des acteurs, et afin de dépasser les politiques publiques en silo, une loi de programmation pluriannuelle avec un pilotage de l’État, un accompagnement et un accès aux droits effectifs des personnes apparaissent aujourd’hui indispensables pour faciliter et donner de la lisibilité à l’action de la Région, désormais chef de file des politiques de la jeunesse, selon la loi Égalité et Citoyenneté de 2017.
Pour terminer, les tensions au sein de monde du travail sont aujourd’hui inégalées et révèlent des modifications importantes dans le rapport au travail : des métiers en tension, des salariés de plus en plus volatiles, mais aussi de plus en plus exigeants sur le sens et la finalité de leur travail en lien avec l’enjeu écologique et leur vie personnelle ; l’inflation galopante souligne la fracture qui grandit entre des salaires dont on ne peut plus vivre et la captation des richesses par une minorité. Plus que jamais, dans ce contexte post crise et post-électoral, les différents acteurs régionaux seraient inspirés de réactiver et de stimuler largement le dialogue social, et la démocratie en territoire.
Soulignons, à ce propos, le travail engagé du syndicalisme, du monde associatif et des ONG pour construire des propositions alternatives afin de reconstruire ensemble un futur inclusif, écologique, féministe et social, en rupture avec les politiques menées jusque-là et le désordre néolibéral.
Nous réaffirmons la nécessaire prise en compte de ces propositions, initiées par plusieurs de nos organisations syndicales au sein de collectifs tels que “plus jamais ça”, du “pacte du pouvoir de vivre”, ou encore celles issues de la “primaire sociale”, mais également leur déclinaison sous formes de réseaux locaux citoyens qui travaillent à penser demain en organisant de multiples initiatives et en participant aux mobilisations contre les inégalités, pour la justice sociale, la sauvegarde de la planète et de l’espèce humaine.