Deuxième table ronde sur le thème : CROIZAT , LE MINISTRE, Introduction par Bruno Guérard – Responsable du groupe de travail régional du Comité d’Histoire des Administrations du Travail
En introduction, je vais aborder la problématique et les difficultés du sujet Croizat le Ministre. Puis je vais développer
En 1° partie que Croizat est un ministre qui ne fut pas comme les autres.
En 2°partie Par des réformes importantes de cette période, je vais évoquer la trace de ce ministre si différent des autres
Ambroise Croizat : un homme mis dans l’ombre
En introduction, donc, il faut dire que, sauf le travail de Michel Étievent que vous venez d’entendre, le sujet « Croizat, le ministre » est un sujet encore vierge et inconnu. Si vous cherchez de la bibliographie et des études universitaires qui auraient été faites, vous ne trouvez rien. Croizat n’intéresserait-il pas ? Ni ses réformes ? Sauf une exception dans le livre du centenaire du Ministère réalisé en 2006, quelques pages, non pas sur ce ministre, mais sur la période.
À contre-pied de ces constatations, le groupe de travail auquel j’appartiens, au sein du CHAT, le comité d’histoire des administrations du travail, vient de commencer une étude. Cela va nécessairement durer plusieurs années, peut-être jusqu’aux 70 ans de la sécurité sociale, en 2015. Nous avons déjà quelques trouvailles remarquables .
En second lieu, toujours en introduction, au-delà de cette problématique d’ignorance, ce sujet important, « Croizat le ministre » nous oblige à répondre à une question tout aussi importante : Quelle est la part des divers hommes politiques qui sont intervenus, celle des diverses organisations syndicales ou non syndicales ?
Si des réformes si importantes sont apparues à qui et à quoi le doit-on ? Pas facile de le dire ! Car les conflits n’ont pas manqué derrière un unanimisme apparent, à l’époque, autour du Programme National de la Résistance.
Cette problématique conflictuelle persiste encore. En effet, Si on a ignoré à ce point Croizat c’est qu’on l’a d’abord combattu avant même de le connaître. Pour quelle raison ? Croizat est le ministre non pas de l’État providence. Il s’en est toujours défendu, mais le ministre de la Société providence. Vous savez que le sujet a très mauvaise presse.
Pour cette raison, depuis le 4 mai 1947, date de l’éviction des ministres communistes du gouvernement Ramadier, la façon d’expliquer que Croizat le ministre ne mérite pas qu’on l’étudie, consiste à dire que tout ce qui a été fait pendant cette période n’est pas de lui. Mais que ce sont Laroque, Parodi, ou de Gaulle qui l’ont fait.
La réponse est plus complexe qu’on le croit. Les 81 ministres du travail de notre histoire n’ont pas été des rédacteurs de décrets et de circulaires. Ils ont porté et influencé des politiques, faisant rédiger des règlementations par de hauts responsables ministériels. Pour Croizat, il en est de même. Et cependant, si on entre dans le détail, on verra parfois que les textes rédigés en 1946 portent une signature et un style rédactionnel particulier, assez unique dans l’histoire du droit du travail français.
D’autre part, Croizat, par sa formation, par son caractère, par son histoire syndicale, s’est inscrit dans un travail collectif très différent. Les fondateurs du ministère, je pense à Millerand, Viviani, à la fin du XIXe siècle. ils avaient un style beaucoup plus personnel, avec des ambitions correspondantes.
Refusant cette personnalisation, Croizat a toujours été cependant au centre et au plus haut niveau.
Un grand historien qui vient de décéder, Eric J Hobsbaum, n’a pas caché que la France avait été le pilier de l’invention politique et que l’invention qui a culminé dans cette période de la Libération, au travers de l’action d’hommes politiques comme Croizat était Une politique de la République pour le peuple travailleur, pour le peuple des pauvres, avec les forces en marche de ce peuple des pauvres et des prolétaires. Cela m’amène à ma première partie.
Ière Partie Croizat, un ministre qui ne fut pas comme les autres
Nous pouvons facilement faire des parallèles avec Millerand ou Viviani mais aussi avec tant d’autres parmi les 81 ministres du travail de notre histoire. Millerand et Viviani ont été de grands ministres marquant la naissance du ministère du travail. Croizat aurait plutôt incarné le début de l’apogée organisationnelle du ministère du travail.
J’énumère plusieurs caractères par lesquels Croizat se distingue de tous ses prédécesseurs et de tous ses successeurs.
1° Un homme qui a connu personnellement la misère ouvrière
A la différence de tous les autres ministres du travail, Il a vécu personnellement la misère du prolétariat de la première moitié du XXème siècle, soit dans son enfance avec son père, soit dans sa jeunesse, Vers les 20 ans, traversant plusieurs mois de misère noire à Lyon, alors qu’il ne pouvait plus trouver à se faire embaucher, trop repéré par son action syndicale.
Une telle insécurité très concrète explique pourquoi il va être, avec autant d’énergie, le ministre de la sécurité sociale
2° Un ministre qui sort de prison par suite d’une condamnation pour ses activités et ses opinions politiques, et qui de plus a connu plusieurs fois le passage au poste de police dans sa jeunesse pour son activité syndicale et ses soutiens à des grèves
C’est une autre différence avec tous les autres ministres du travail. Il est entré au ministère, après 3 ans et demi passés la prison de la Santé et au Bagne de maison Carrée. Ce qu’il le devait à ses chers collègues parlementaires. Une expérience qui a marqué de façon très profonde sa sensibilité et sa volonté.
Mais il sort de ce bagne pour participer tout de suite à l’Assemblée consultative d’Alger, et jeter les bases du chapitre social du Programme national de la résistance, comme Président de la Commission du travail de cette Assemblée, un an avant la signature de ce programme.
Cela permettra d’apporter, tout à l’heure, des réponses à la question « Qui inspire qui » dans ces brèves années d’une très rapide cascade d’événements qui s’enchaînent.
3° Un cumul des fonctions de député, de ministre et également de fonctions syndicales conservées au plus haut niveau, dans la CGT alors réunifiée
À peu près tous les ministres du travail de cette époque ont cumulé normalement, les mandats parlementaires et la mission ministérielle, ce qui les protégeait de la fragilité des gouvernements. L’originalité de Croizat est d’avoir conservé aussi ses fonctions de secrétaire général de la fédération nationale des métaux
Ce n’était pas un pur formalisme. Puisque nous avons des discours et des témoignages selon lesquels sa semaine de travail incluait sa visite du mercredi à la rue Lafayette, le siège de la CGT. Détail retrouvé, il y mangeait à la cantine, après avoir discuté avec les dirigeants syndicaux, on peut le supposer, des problèmes de l’heure.
On le voit venir et prononcer un discours, au Congrès des métaux de Lyon, le 3 février 46, ayant amené avec lui le Préfet du département. Il s’y déclare ministre demeurant un syndicaliste dans toutes ses dimensions. Même chose au Congrès des métallos d’Issy-les-Moulineaux le 16 mars 46.
Par comparaison, aucun autre ministre du travail, ancien syndicaliste, il y en eut plusieurs, n’a gardé ses mandats syndicaux, une fois ministre. On peut évoquer aussi Millerand et Viviani qui démissionnent même du Parti socialiste, mais non de leurs mandats de députés, bien sûr, pour entrer au gouvernement. Il faut préciser qu’alors la majorité de leur parti était opposée à la participation gouvernementale de l’un des leurs.
4° Un ministre qui ne semble pas mettre en avant l’ambition de commencer une brillante carrière politique
De nombreux ministres du travail, en particulier Viviani ou Millerand vont faire de leur entrée au ministère, un tremplin pour une carrière politique, parfois des plus hautes, les conduisant à la Présidence du Conseil et même à la présidence de la République.
Pour Croizat, c’est tout autre chose. Il entre au gouvernement dans une équipe de ministres communistes dont la composition est préparée au bureau politique, et par les négociations de Maurice Thorez et Jacques Duclos avec les autres forces du tripartisme. Ils entrent au gouvernement et en sortent tous ensemble.
En outre, ce qui frappe en lisant la presse de l’époque, c’est son absence, pendant des mois. La presse ne parle ni de lui, ni ne cite son nom, même si elle parle du ministère du travail. Soit que cela relève déjà, dès l’année 46, d’une attitude de brouillage à l’égard de l’opinion, sur l’impact social et électoral de ces ministres, soit que cela relève de leur attitude. Lors de la composition des gouvernements le PCF lutte pour revendiquer les ministères de l’intérieur et de la défense, accessoirement de l’agriculture, sans doute parce que le ministère du travail est considéré comme lui revenant nécessairement.
Le Rôle de Croizat ne va apparaître dans la presse qu’à l’occasion de la grande bataille sur la question salariale qui inaugure le ministère Bidault en juin et juillet 46 , dont je parlerai tout à l’heure
Sur cette question on retrouve cette idée que ce ministre du travail représente une dimension collective de la classe ouvrière et de ses organisations, sinon il n’y a pas de Ministre Croizat. Il est en fonction pour la classe ouvrière et le mouvement ouvrier. Il ne fait pas une carrière personnelle.
5° un ministre qui rend sa paye de député ministre et qui va chercher au siège du parti, une paye d’ouvrier professionnel, remise en monnaie.
Alors les ministres ne touchaient pas plus qu’un député. Allant chercher sa paye, chaque début de mois, en métro, il respecte les règles internes du PCF et de la CGT, concernant les permanents et les élus, comportant la remise de toutes les rémunérations publiques reçues.
À la différence de ce qui fut le portrait de tous les ministres du travail du XXe siècle, Croizat fut un ouvrier métallurgiste entré dans les rangs des appareils syndicaux et politiques, mais qui se considère toujours comme un ouvrier métallo, affecté à des fonctions de permanent, demeurant proche des ouvriers, ayant le souci du contact et d’une grande proximité réelle.
On a des anecdotes.
Lors de voyages officiels, il demande de détourner le circuit du cortège officiel, par exemple pour sa maison natale. Et entrer dans cette maison encore occupée par un ouvrier et sa famille. Ou bien il disparait soudain du cortège. On le cherche de partout. On le retrouve dans un bistrot en train de jouer aux fléchettes avec les ouvriers qui s’y trouvent (témoignage d’Yvonne Breteau).
6° un ministre qui a le niveau du certificat d’étude,
Mais qui appartient à une génération de dirigeants syndicaux et politiques dont le cerveau, les connaissances, les moyens d’écrire, de parler et de diriger les événements, se sont construits à travers toutes les étapes de la construction des structures syndicales et politiques du XXe siècle et donc grâce à leur vie de militants. Sur ce plan, Croizat était un gros « calibre » parmi ses pairs.
À partir de ses 18/20 ans il participe à tous les congrès dont celui de Tours et à toutes les grandes grèves, monte dans l’échelle de toutes les fonctions ; on peut dire qu’il s’est construit en même temps que les structures syndicales et politiques françaises. Sans oublier l’école politique des dirigeants de haut niveau à Moscou, où il semble s’être familiarisé au Russe et à l’écriture cyrillique, comme l’atteste une réponse aux questionnaires des militants de 1921.
Inutile de dire que cette aventure intellectuelle est unique parmi les 81 ministres du travail. Il faut ajouter que formé au style oratoire dans les piquets de grève les réunions de congrès ou de structures dirigeantes collégiales, il ne sous-traitait pas son travail intellectuel. Travaillant 16 à 18 heures par jour, il avait été un gros rédacteur d’articles syndicaux et, ministre, écrivait lui-même ses discours. L’anecdote rapporte que soucieux de la perfection de son art oratoire, il s’exerçait, la veille au soir, à prononcer ses discours devant sa femme et sa fille.
Je profite de ces mots pour saluer la présence ici, de Liliane Caillaud-Croizat et la remercier pour les mémoires qu’elle vient de rédiger, dans un texte plein de sensibilité et d’informations remarquables, compte tenu qu’elle avait près de 15 ans lors de la disparition de son père.
Enfin, en conclusion de cette première partie,
je veux souligner le contexte très particulier dans lequel fonctionne le ministère du travail dans cette époque du tripartisme. Un point fait l’unité, la volonté affichée par tous d’appliquer le Programme du CNR. Mais on a comme trois fragments de gouvernement en un seul gouvernement, s’équilibrant ou s’affrontant sur des politiques différentes. L’arbitrage est assuré par un président du Conseil qui est d’abord une personnalité déclarée « au-dessus de la mêlée » Charles de Gaulle, d’abord, pendant 2 mois et demi de fin novembre 45 à fin janvier 46, puis Félix Gouin pendant 4 mois et demi jusqu’à la mi juin 46. Ensuite, cet arbitrage est assuré, en théorie, par le parti gagnant aux dernières élections, mais le PCF en est exclu systématiquement même s’il est la première force électorale. C’est dont une personnalité de droite, MRP, Georges Bidault pendant 5 mois et demi, de fin juin 46 à la mi-décembre 46.
Enfin après l’intermède d’un mois et 6 jours du gouvernement socialiste homogène, Léon Blum, un gouvernement quadripartite est conduit par le Socialiste Paul Ramadier, Croizat n’en fait partie que pendant 3 mois et 15 jours jusqu’au 4 mai 47
Il est instructif d’étudier le processus particulier des crises ministérielles dans cette période de la Libération. Les électeurs sont appelés à voter pour des législatives tous les 4 à 6 mois. Ces crises surviennent à la suite d’un événement lié à la restauration des institutions républicaines.
À chaque étape, les trois partis qui sont au pouvoir et qui acceptent d’assumer les responsabilités, se mesurent dans leur poids respectif issu des urnes. Chacun de ces partis décide dans son comité directeur ou son bureau politique d’accepter la combinaison sous réserve que lui soit accordé un certain nombre de fauteuils ministériels, selon une certaine continuité. Invariablement Croizat sort ministre du travail des demandes du bureau politique du PCF.
La définition du portefeuille du ministre du travail dépend de l’équilibre du tripartisme. En effet à la Libération, le MRP détient le portefeuille du ministère intitulé « de la Santé et de la population. »
Dans le gouvernement Ch de Gaulle du 22 novembre 1945 on observe une hésitation pour l’attribution de la mise en place du plan français de Sécurité sociale. Le premier ministère attribué à Croizat est celui du travail seulement, perdant la référence à la Sécurité sociale qu’avait son prédécesseur Alexandre Parodi,
Mais dès fin décembre, il est clair, à lire les interventions des ministres à l’Assemblée nationale que Croizat a pris en main les affaires de Sécurité sociale.
Il retrouve officiellement un ministère du travail et de la Sécurité sociale fin janvier, dans le gouvernement Gouin.
IIème partie la trace du ministre Croizat et son œuvre
Je retiens seulement trois champs de l’œuvre de Croizat.
Comme je l’ai dit en introduction. Il s’agit plutôt de la trace du Programme du CNR et de la Libération dans le droit social français, plutôt que le produit de l’imagination juridique personnelle d’un homme. Il reste beaucoup à faire quand à l’origine de chacune des idées ou des institutions qui se sont développées ou qui sont nées alors.
De plus, cette époque est celle de la plus grande différenciation du droit social français par rapport aux différentes variantes du droit social européen des XIXe et XXe siècles, notamment les variantes anglaises ou allemandes.
En particulier pour la place de la loi plus importante que celle du contrat et de la convention collective qui est une caractéristique du système français à l’opposé des systèmes anglais et allemand. Sur ce point on observe une évolution dans les positions syndicales notamment celles de la CGT, probablement sous l’influence de Croizat. La CGT aurait pu être tentée par un « Tout, pour et par, la convention collective ». Mais la pensée de Croizat, de la CGT et le contenu du système français vont évoluer vers une grande place de la loi pour développer les droits des travailleurs.
La convention collective ou l’accord, issus des luttes syndicales, vont s’inscrire dans une échelle des sources de droit et des acquis sociaux, l’accord collectif ou la convention étant des sources inférieures à la loi, mais ayant pour mission d’engranger des acquis supérieurs à ceux qui ont été validés jusqu’alors par la loi.
Enfin pour clore cette introduction d’une seconde partie, je souligne, ce qui attristera peut-être certains militants syndicaux, que l’œuvre réformatrice de la Libération n’est pas une œuvre commençant avec les ministères assumés par A Croizat, à savoir sa nomination rue de Grenelle le 22 novembre 1945.
Mais les 3 grands textes qui lancent l’œuvre législative de la Libération sont trois ordonnances prises avant son arrivée, à savoir l’ordonnance du 22 février 1945 sur les Comités d’entreprise, l’ordonnance du 24 mai 1945 sur le placement et le contrôle de l’emploi et l’ordonnance du 4 octobre 1945 portant création de la sécurité sociale.
Ces ordonnances sont prises alors que le Gouvernement provisoire de la république française, en abrégé le GPRF, a pour ministre du travail et de la sécurité sociale Alexandre Parodi, ministre du 10 septembre 1944 au 21 novembre 1945. Mais vous allez voir comment Croizat garde une très grande place dans cette construction des réformes. Cette problématique trouve une solution pour vous militants de la CGT. D’une part Croizat va corriger en quelque sorte des ratées des textes signés par Parodi et De Gaulle
D’autre part, Il faut revenir au calendrier et en retenir les dates.
1° De Février 1943 à l’été 1944, fonctionne en Algérie l’Assemblée consultative. Croizat y est représentant de la CGT et membre du groupe PCF, de plus il est le président de la commission du travail. Cette assemblée consultative continue à fonctionner en France en 1945
2°se réalise pendant ce temps une vive et intense négociation au terme de laquelle , au bout d’un an est signé le programme d’action du Conseil National de la Résistance délibérant en assemblée plénière, le 13 mars 1944 (les nationalisations, la planification économique, l’accès dans le cadre de l’entreprise aux fonctions de direction et d’administration, un réajustement important des salaires, un plan complet de sécurité sociale, etc….)
3° Ces grandes réformes sont décidées par un gouvernement d’un Charles De Gaulle qui ne s’intéresse que secondairement aux questions sociales. Le plus important est, pour lui, le rétablissement de la France au premier rang dans le concert des Nations et en particulier la conférence des quatre.
4° Le 22 novembre 1945, à l’arrivée de Croizat rue de Grenelle, trois des grandes réformes de principe étant déjà passées par ordonnances, leur définition par des lois et des décrets est encore à réaliser. Cela va être son œuvre, celle de son cabinet et celle des hauts fonctionnaires des directions du ministère, notamment celle de Pierre Laroque directeur de la direction de la Sécurité sociale.
A – Première trace de Croizat, le droit et les institutions de la sécurité sociale.
Les principes du plan français de sécurité sociale
Cette partie de l’œuvre de la Libération prend forme tout au long de l’année 1946. Par différentes lois
22 mai 46 une loi pour les assurances sociales
22 août 46 une loi pour les prestations familiales
une première loi de Mai 46, puis une loi du 21 septembre 46 pour la vieillesse,
Les 2 et 5 octobre 46, deux lois pour les accidents et les maladies professionnelles et leur prévention
Je présente les principes du plan français de Sécurité sociale, tels qu’expliqués au point final de la construction, dans deux textes de Croizat du 15 octobre et du 14 novembre 46 : une allocution lors de l’inauguration de la caisse primaire centrale de la région parisienne et une autre devant les attachés sociaux des ambassades et les directeurs des agences de presse étrangères.
Croizat y revendique que l’œuvre accomplie je cite, « sans fracas publicitaire » place, « sans conteste, la France à l’avant-garde de tous les pays dans le domaine de la sécurité sociale. Alors que la plupart des pays n’ont pas encore, en dépit des projets déposés, élaborés et largement diffusés dans le public, une véritable législation de sécurité sociale et ne connaissent qu’une législation fragmentaire, ceux-là même qui sont entrés plus avant dans cette voie, n’ont pas encore apporté aux intéressés les mêmes avantages et les mêmes droits que la législation française. »
Les principes
a – Une couverture unifiée contre tous les risques de la totalité de la population du pays
b – une Application immédiate, la mobilisation des 5 millions de syndiqués ayant été essentielle pour installer les bureaux provisoires dans les arrières cours des unions locales des syndicats, avec une mise en place immédiate courant 1946, par des militants bénévoles, le temps nécessaire à l’embauche des permanents.
En une seule année cette mise en place s’est effectuée dans une sorte de course à marche forcée, je cite Croizat, « selon le rythme prévu » en aboutissant à un plan complet applicable, y compris pour les vieux travailleurs qui n’avaient jamais cotisé au 1er avril 47, avec une allocation d’attente au 1er janvier 47.
Cela relève d’une énergie prométhéenne, redevable autant au ministre du travail lui-même qu’à la mobilisation des 5 millions de syndiqués qu’il entraînait derrière lui.
c – Une organisation non étatique avec une gestion confiée aux intéressées, par les conseils d’administration. Deux étapes, après une gestion primitive et provisoire confiée à des délégués des organisations syndicales, des administrateurs sont élus au suffrage universel à la proportionnelle. Mais autre caractère de cette organisation repose sur une décentralisation des guichets atteignant tout le monde au plus près dans les entreprises et les quartiers. Donc un fonctionnement démocratique.
d – une Institution du système définie par une législation complète et non par des dispositions conventionnelles
e – Aucun appel au budget de l’État mais le financement du système résulte du simple jeu des cotisations prélevées dans l’entreprise
Bien évidemment les résistances n’ont pas manqué.
Pour les cadres un compromis est trouvé à la fin de l’année 46. Mais pour les professions dites indépendantes, artisans, commerçants, professions libérales il y a eu échec du principe d’unification et un maintien de ces professions en dehors du système, sauf pour le régime des allocations familiales. Dans ses allocutions Croizat, se montre très sévère à l’égard de ceux qu’il voit s’apprêter à refuser le système. Il déclare constater que « certains éléments de la population » souhaitent conserver des « particularismes »… « faisant obstacle à l’effort de solidarité nationale qui est la condition d’une sécurité sociale efficace. »
Comment expliquer, dans ces principes, la signature des forces de la CGT et du PCF, dont les positions ont évolué au fur et à mesure de ces années.
Plusieurs caractères signent ce plan français d’une marque de fabrique remontant non pas tant à l’individu Croizat qu’aux structures syndicales et politiques dont il est l’un des responsables
sur l’unité du système : On observe des clivages, des résistances et des divergences, notamment de la partie MRP du gouvernement. S’opposent aux principes votés par le législateur, divers milieux attachés aux structures mutualistes antérieures, attachés à des structures indépendantes par localités ou à des divisions par branches professionnelles, ou à des systèmes d’assurances concurentiels. Ces systèmes étaient en vigueur en Allemagne,
Sur le financement, le système français a une autre originalité par rapport aux systèmes allemands et anglais, en étant fondé sur les seules cotisations prélevées dans l’entreprise et non sur la fiscalisation. Avec l’unicité et la généralisation de ces prélèvements sur l’entreprise, selon des prélèvements définis par la loi ou les décrets et non par des accords collectifs. On trouvait là des principes correspondant tout-à-fait aux positions d’un ministre communiste, considérant dans une analyse marxiste que toute la sécurité des ressources des travailleurs devait être fondée sur la répartition des fruits de la production, issus de la force de travail, au lieu où elle se concentre.
Les systèmes des assurances sociales et même des allocations familiales d’avant-guerre avaient curieusement préparé le terrain, selon des fondements inverses, sous la pression des conceptions libérales des gouvernements radicaux qui s’opposaient à toute augmentation du budget de l’État et à toute augmentation des prélèvements fiscaux.
Mais cette base historique fut radicalement et juridiquement retournée en 45 non dans une perspective étatique mais dans une généralisation d’ordre public d’un caractère bien français de style Jacobin et cartésien. Sur ce point il faut m’expliquer comment Laroque a pu être à l’origine d’un caractère du financement aussi proche d’une analyse marxiste.
B – Seconde marque de Croizat : le ministre du pouvoir d’achat
C’était l’une des questions essentielles soulignées par le programme du CNR au titre des mesures sociales, la seconde dans l’ordre de présentation.
1° la bataille de la conférence économique de juin juillet 46
Elle permet de voir le rôle original de Croizat au sein du gouvernement.
Lors de sa troisième entrée au ministère, Le contexte est le suivant : après les 4 mois du gouvernement Gouin, un premier référendum sur la constitution aboutit à un rejet par le NON d’un peu plus d’1 million d’électeur. Nouvelles élections législatives pour une nouvelle constituante. Un nouveau gouvernement maintient le tripartisme, mais avec une légère inflexion à droite. Le président du conseil est un MRP, Georges Bidault, tout le monde étant d’accord pour maintenir en priorité l’application du programme du CNR.
Cependant comme le soulignent les journaux les deux principaux problèmes urgents de l’heure sont la question salariale et le ravitaillement. En effet les prix et les salaires sont bloqués et fixés par la loi. Mais il apparaît que ce sont surtout les salaires qui n’ont pas bougé alors que les prix galopent sous l’effet des pénuries. Cependant la production ait augmenté de 100% dans le cadre de l’effort de reconstruction et de la bataille de la production depuis l’année précédente.
Le gouvernement lance immédiatement une conférence économique réunissant les partenaires sociaux. La CGT réclame immédiatement elle aussi une augmentation générale de 25%. Le gouvernement n’accepte qu’une augmentation de 15%. Cependant, la conférence unanime, y compris le patronat, entérine une hausse de 25%, je passe sur les péripéties, en particulier diverses menaces de grèves générales. Un « comité des trois » est chargé de faire un arbitrage, la CGT demandant comme base de calcul, le salaire moyen maximum.
Sous les injonctions de Robert Schuman, MRP, ministre des finances et de François de Menthon, également MRP ministre de l’économie nationale, le gouvernement refuse de valider les conclusions de la Conférence nationale, le 25 juillet.
Grande grève dans toute la France
Par une conférence de presse du 26 juillet, publiée le 29 juillet 1946, sous le timbre du Secrétariat d’État à la présidence du Conseil et à l’information, Croizat se démarque radicalement de la position gouvernementale en déclarant que les conclusions de la conférence Nationale économique, validant les 25% d’augmentation s’imposent au gouvernement, bien qu’elles n’aient que valeur juridique de recommandation.
Il prend position dans le débat économique sur les effets des hausses de salaire sur les prix, considérant qu’elles n’ont pas de raison d’entraîner une hausse des prix et de contrarier la défense de la monnaie parce que la hausse de la production a déjà été de 100% depuis 45 alors que le pouvoir d’achat a baissé. Par ailleurs des mesures complémentaires ont été proposées par la conférence pour un assainissement de la distribution, une augmentation de la production, le lancement de productions de grandes séries, etc. je passe sur d’autres développements.
Le lendemain, 27 juillet, le gouvernement tente un contre-feu à la conférence de presse de Croizat par un commentaire de sa conférence de presse du 26, déclarant que Croizat n’a fait qu’exprimer son opinion personnelle.
Mais le 29 juillet, l’affaire se conclut cependant par un arrêté de hausse générale des salaires publié au JO du 30, signé Croizat et François de Manthon ministre MRP des finances, accordant finalement les 25%, conformément à la conférence économique.
Je signale, au passage, que cet arrêté est d’une rédaction remarquable. Une augmentation de 25 % du coef. 100 du Manœuvre ordinaire, puis une répercussion de même valeur, 25% sur tous les coefficients et toutes les définitions d’emploi, et même 30% pour les quelques grilles n’ayant pas de définitions de salaires moyens maximums. Avec en outre une augmentation générale en valeur relative de 25 % sur tous les salaires individuels supérieurs au minima, calculée en valeur relative au-dessus de tous les coefficients. On est bien loin des formulations à l’anglo-saxonne ou des rédactions floues de tant d’accords que l’on a vu si souvent dans toute l’histoire du droit du travail
Dans sa conférence de presse du 26 on trouve aussi une Définition du Ministre du travail qui vaut qu’on s’en rappelle, un texte admirable :
« Le rôle du Ministère du travail ne doit pas se borner à fixer la rémunération nominale du travail. … j’ai le devoir de veiller à ce que les salaires conservent un pouvoir d’achat suffisant pour sauvegarder à la fois le niveau de vie et la dignité des travailleurs… facteurs nécessaires d’une productivité accrue et de l’édification d’une Démocratie… »
Croizat était bien le ministre du pouvoir d’achat
2° l’augmentation de 50 % de la retraite des vieux
Dans cette conférence de presse du 26 juillet, le ministre enchaine sur le devoir qu’a le gouvernement de se préoccuper des vieux, des petits rentiers et retraités qui ont consacré leur vie à la création de nos richesses et qui se trouvent aujourd’hui les plus durement éprouvés par la hausse des prix. Effectivement il signe à l’automne une augmentation de 50% des allocations vieillesse, en même temps qu’une revalorisation importante des pensions et des rentes des accidentés et mutilés. Je vous renvoie au document que vous avez dans le dossier intitulé un Ministre du pouvoir d’achat.
3° Enfin le clou de ma démonstration porte sur les salaires féminins. Les femmes subissaient un abattement de salaire de 10 %, que le prédécesseur avait laissé intégrer par un article 8 dans la plupart des arrêtés dit Parodi de réorganisation des salaires.
Évidemment, les commissions féminines des syndicats se révoltent. Vous avez aussi dans ce document consacré au ministre du pouvoir d’achat, le texte par lequel Croizat abroge cette discrimination légale. C’est ce que j’appelle le rattrapage des ratées de son prédécesseur
C – troisième champ de la trace de Croizat : la représentation des salariés dans l’entreprise
C’est un autre exemple d’une correction d’un raté d’un prédécesseur et ici ce prédécesseur n’est pas rien c’est Charles de Gaulle lui-même.
1° les comités d’entreprise
Il est inutile de chercher à enjoliver les débuts de l’histoire des comités d’entreprise. Mais l’intervention d’A Croizat est remarquable puisqu’il va donc proposer et obtenir du gouvernement Gouin et de l’assemblée Constituante une correction de l’ordonnance imposée par le second cabinet de Gaulle, avec Alexandre Parodi comme ministre du travail et de la sécurité sociale.
La première préfiguration des comités remonte en fait aux comités sociaux de la charte du travail instituée par le gouvernement de Vichy, le régime qui collabore avec les Allemands. Ces comités sont exclusivement consultatifs. Leurs membres sont désignés en accord avec les employeurs, sans élection. Ils ont pour but de distribuer des œuvres sociales crées par le patronat pour apporter du ravitaillement dans le cadre des graves restrictions de l’occupation.
Mais, avec la libération des comités patriotiques et des comités de gestion se multiplient dans les entreprises, chassant les employeurs et les directions compromises dans la collaboration avec les Allemands et prenant en main la production et la gestion des entreprises. Les salariés, qui sont souvent des résistants ou qui reviennent des camps de travail de l’occupant, imposent une application immédiate des paragraphes du programme du CNR concernant la démocratie économique et l’accès des ouvriers aux fonctions de direction.
Les autorités gouvernementales s’affolent ce qui explique que l’ordonnance du 22 février 45 sur les comités soit la première des ordonnances prises par ch. De Gaulle, en matière de droit du travail. Elle a été précédée par une consultation de l’Assemblée consultative et de la commission du travail présidée par A Croizat. Mais le texte de l’Assemblée consultative, amendant fortement le projet gouvernemental n’est pas pris en compte. Le gouvernement en reste à son projet
Après deux mois d’un gouvernement De Gaulle, auquel Croizat participe comme ministre du travail, le Général annonce subitement son départ le 20 janvier 46. Dans le gouvernement Gouin qui suit, Croizat reprend la question des comités d’entreprise, et fait voter la loi du 16 mai 1946.
Le seuil de création des comités d’entreprise passe de 100 à 50 salariés. Le crédit d’heures des élus pour l’exercice des fonctions est doublé : passant de 10 à 20 heures. Surtout la consultation du comité sur l’organisation et la gestion de l’entreprise est rendue obligatoire, avec la possibilité de se faire assister par un expert-comptable.
2° Pour les délégués du personnel, aussi la marque de Croizat est visible, avec la loi du 16 avril 1946. Les accords Matignon avaient contenu un article 5 accordant la création de délégués du personnel élus dans toutes les entreprises de plus de 10 ouvriers, sans conditions.
Là aussi la ratée des prédécesseurs remontait à la loi sur les conventions collectives du 24 juin 1936 exigeant pour la mise en place des délégués, l’existence d’une convention collective. C’était beaucoup moins efficace que la méthode de la loi du 21 juin 36 sur les congés payés, loi votée à l’unanimité moins une voix par l’Assemblée nationale, qui avait accordé immédiatement 15 jours de congé à tous les salariés, sous peine de sanctions pénales pour les employeurs s’y refusant.
Enfin un décret du 10 novembre 1939 avait mis fin au mandat de tous les délégués du personnel existant. La loi du 16 avril 1946 colle au plus près du texte des accords Matignon de Juin 1936, y ajoutant même la protection des élus contre les licenciements. Celle-ci avait été introduite par la convention collective de la métallurgie parisienne.
je suis donc obligé de laisser pour une autre fois la trace de la Libération dans le droit de l’emploi, de l’hygiène au travail, de la médecine du travail, et beaucoup d’autres choses
en conclusion j’aborde en trente seconde une idée très importante : c’est avec les 16 mois de Croizat en 4 étapes ministérielles, que le ministère constitue ses effectifs et ses implantations dans les départements (bureaux de main-d’œuvre et directions départementales), par des embauches de précaires, d’auxiliaires, et de contractuels qui ne vont être titularisés qu’en 1950 ou 1953.
Il constitue aussi un important appareil de formation professionnelle accélérée qui deviendra l’AFPA, et il y aura d’autre part les recrutements liés aux implantations des caisses. Les effectifs passent de moins d’un millier au total avant la guerre, en 1939, à 9549 agents au 31 décembre 1945 auxquels s’ajoutent 7415 agents de sécurité sociale.
C’est-à-dire qu’à la différence du ministre Viviani qui, en 1906, avait affirmé la nécessité d’une sécurité sociale mais sans aucun moyen pour la mettre en place, dans les années 45 à 47, Croizat a eu une politique de création effective et s’est débrouillé, peut-être par des bricolages, pour avoir les moyens de la réaliser.
Ensuite ses successeurs laisseront ces moyens s’effondrer, puisqu’en 1955, les effectifs des services territoriaux du travail seront presque diminués de moitié et les effectifs de la sécurité sociale des deux tiers.
En conclusion je voudrais que vous reteniez surtout
Que l’œuvre de la Libération, dans laquelle Ambroise Croizat a joué un rôle essentiel, a permis de franchir un seuil de civilisation, de société et un seuil législatif, essentiels. Pour le ministère du travail, l’épisode Croizat, c’est la rencontre entre un syndicalisme visionnaire et une administration visionnaire, qui vont créer ce seuil de société et produire une grosse institution sociale, la sécurité sociale, mais aussi l’AFPA et des services du travail et de l’emploi sur tout le territoire.
Avec deux idées structurelles essentielles ; il fallait une généralisation de la couverture de tous les risques à toute la population par la voie de la cotisation sur les fruits du travail, à la source, dans l’entreprise, et non par une voie fiscale à l’anglaise.
Il fallait que cette répartition s’effectue ensuite en faveur de toute la population par la voie d’un réseau unique de caisses, dont l’institution revenait à la loi et non à des conventions collectives. C’était le respect d’une voie à la française. C’était aussi une ligne de pensée défendue au début du siècle par Jaurès, pour la protection des travailleurs. C’était devenu la pensée sociale de la CGT et du PCF bien qu’ils aient été tentés par la voie contractuelle en raison des souvenirs qu’ils avaient des accords Matignon de 36 ; mais l’expérience des difficiles compromis et des échecs des années antérieures les avaient fait évoluer vers cette conception législative complexe du progrès social.
Post-scriptum. Faute de temps, je n’ai pas pu lors de mon exposé, faire un retour sur une vue globale de la période. Si l’on regarde bien l’ensemble, Charles de Gaulle a mis un an et trois mois d’août 44 à novembre 45, pour se laisser contraindre à faire entrer les ministres communistes (et par devers eux la force des 5 millions de syndiqués CGT qu’ils entraînaient) dans un gouvernement et les forces politiques ont mis ensuite un an et 5 mois à chasser ces ministres du gouvernement.
Il est significatif, que Ch de Gaulle tenant tous les leviers du pouvoir avec le GPRF, on a attendu le 21 octobre 45 pour procéder à des législatives et donc composer un gouvernement résultant du vote des électeurs. Mais auparavant on avait utilisé tous les moyens pour retarder les événements. Vote des municipales en avril et mai 45, vote de cantonales dont on n’avait nullement besoin, les préfets ayant tous les pouvoirs, les 23 et 30 septembre.
Ce n’est que lorsqu’il a été démontré que tous les partis traditionnels étaient à terre et que les forces dont se réclamait le Général ne parvenaient pas à se constituer que sont réalisées les élections devant donner un véritable pouvoir aux forces politiques existant réellement au sortir de la guerre, au lieu et place de l’Assemblée consultative.
Ensuite plusieurs manœuvres ont été tentées pour essayer de faire échouer le plan français de sécurité sociale. Certains espéraient de façon récurrente que les ministres communistes ne tiendraient pas si longtemps. Ils ont tenté de demander à Croizat de repousser de 6 mois la mise en place, escomptant qu’entre temps les ministres communistes auraient rompu le tripartisme. Il y avait chez Croizat, une prudence et une méfiance vis-à-vis de tout risque d’échec. Il est même allé une nuit à l’Imprimerie nationale, avec Benoît Frachon, dialoguer avec les personnels, afin de parer à des risques de mauvaises corrections pouvant se rapprocher de sabotages insidieux, qui auraient conduit à une annulation du texte par le Conseil d’État. Cela aurait retardé la réforme de plusieurs mois et aurait mis en péril le calendrier de mise en place à marche forcée.
Enfin il faut voir qu’à partir de novembre 46, l’essentiel de l’œuvre législative de Croizat est toute entière jetée sur la table du nouveau système social français, ou presque. Le gouvernement Blum va casser la dynamique et le gouvernement Ramadier débute dès janvier dans une ambiance où tous les marchandages sont réalisés pour faire traîner, l’idée d’un départ proche des communistes étant chaque jour agité par la classe politique établie qui a retrouvé ses marques.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article934