A l’heure de divergences multiples sur l’eau, il convient tout d’abord de rappeler un point essentiel, à savoir que l’eau est un bien commun universel, qui doit par conséquent être géré comme tel. A l’instar de l’air, l’eau ne doit pas être un enjeu de spéculation, précisément parce que c’est un bien commun universel et que la vie sur terre en dépend.
L’accès à une eau saine pour toutes et tous va devenir un enjeu primordial dans notre région dans les très prochaines années.
Si, jusqu’ici, la région Auvergne-Rhône Alpes était plutôt préservée, l’ère de l’abondance est finie : de nombreux territoires de la région sont d’ores et déjà identifiés comme ne pouvant pas fournir les besoins nécessaires pour l’agriculture en particulier ; Il n’a pas plu pendant un mois un peu partout. Les nappes ne sont pas rechargées. De surcroît, les températures annoncées ne vont rien arranger. Les conséquences peuvent largement dépasser la question de la ressource en eau, avec l’apparition de feux de forêt ou des feux spontanés d’herbes sèches comme la semaine dernière dans le Gard.
Ce préalable posé, nous devons concrètement nous demander comment faire face à la raréfaction de la ressource en eau (moins 30 à 50 % d’ici 2050 sur le bassin Rhône-Méditerranée, c’est à dire demain avec la fonte accélérée des glaciers puis leur disparition cumulée due au changement climatique), comment concilier tous les enjeux comme la satisfaction des différents besoins ? comment arbitrer entre eux ? Pour qui organiser cette répartition et à quelle échelle ?
Pour cela, la médiation peut être une réponse à la gestion des conflits, mais sous condition d’avoir fixé, au préalable et de façon démocratique, “les règles du jeu” à véritablement mettre en œuvre.
La première est l’inversion des priorités politiques avec l’urgence de la sobriété pour tous les consommateurs, individuels et professionnels et la priorisation des besoins humains et de la biodiversité avant les intérêts économiques.
Deux paramètres sont à souligner néanmoins : la qualité et la quantité.
Il s’agit désormais de faire des choix ; or, les contraintes ne sauraient peser que sur les citoyens. Un juste équilibre entre les différents acteurs utilisateurs de la ressource est à trouver dans l’intérêt de tous.
En effet, comment expliquer l’arrosage de champs de maïs (extrêmement consommateur en eau) ou celui des golfs alors que les particuliers font l’objet de restrictions d’arrosage de leur potager ?
Des solutions existent pourtant : l’utilisation de variétés et / ou de semences plus économes en eau doit devenir prioritaire. L’évolution des pratiques culturales, la limitation de l’imperméabilisation des sols et la replantation d’arbres et de haies soulignent qu’il est possible de limiter l’évapotranspiration et de préserver des écosystèmes qui contribuent à retenir l’eau, lutter contre l’emballement du changement climatique et favoriser la recharge des nappes phréatiques.
Enfin, la concentration de la quantité de la ressource est liée à sa qualité.
La quantité de polluants est d’autant plus importante quand la quantité d’eau disponible diminue, sans même parler des éléments de pollution qui ne figurent pas sur la liste sanitaire de l’eau potable.
La seconde priorité concerne le rôle et la place des pouvoirs publics alors même que la Région Auvergne – Rhône-Alpes est une grande utilisatrice d’eau pour son énergie, qu’il s’agisse des barrages hydroélectriques ou des centrales nucléaires.
La capacité des services de l’État et de ses opérateurs comme les agences de l’eau (EP), c’est d’assurer une approche globale sur tout un bassin, ou des bassins, indépendamment des frontières administratives qui ne correspondent pas à la réalité hydrographique. Penser que l’on pourra régler les conflits localement, tout en continuant de brader les outils qui permettent d’avoir une vision d’ensemble est une dangereuse illusion. Plusieurs intervenants l’ont souligné, l’État réduit les effectifs dédiés sur ces questions à la fois pointues et qui exigent de l’accompagnement des différents acteurs pour expliquer, convaincre, trouver des solutions d’adaptation et/ou de substitution à certaines pratiques, mais aussi des personnes sur le terrain pour contrôler la mise en œuvre, le suivi des mesures, voire si besoin, sanctionner les contrevenants. Et pourtant seul l’État, garant de l’intérêt général, a les moyens de mobiliser dans la durée, et la continuité, les moyens de faire face à de tels enjeux et d’imposer des sanctions.
Le dernier point concerne l’enjeu démocratique. La gestion de l’eau doit rester sous maîtrise et au cœur des missions publiques. Pourtant, malgré des efforts de consultations, d’informations des agences, elle demeure une boite noire pour la majorité de nos concitoyens, quand les enjeux sont abordés sous forme de “grands débats” où experts et représentants de lobbies “monopolisent” la parole. La multiplicité des intérêts particuliers ne fait pas l’intérêt général.
Nous considérons qu’il faut donc largement ouvrir les portes, l’expérience des différentes conventions citoyennes montre que des citoyens préalablement formés peuvent également participer à ces discussions et émettre des propositions innovantes et pertinentes pour contribuer à la détermination des choix politiques. Ceci doit se combiner avec l’apport d’autres acteurs, représentant la société civile organisée, et en premier lieu, les organisations syndicales de travailleurs.
Les organisations syndicales CFDT, CFTC, CGT, FSU, Solidaires et UNSA voteront la contribution.