la Cgt s’est exprimée sur la contribution du Ceser : on mange quoi demain ?
Dans un premier temps, nous partageons et soutenons l’intervention du collège 3 et 4.
En complément de cette intervention, nous avons volontairement choisi de focaliser notre intervention sur les enjeux sociaux au sens large tels qu’ils s’expriment au fil du rapport.
L’alimentation : enjeu de santé pour tous
Les enjeux de santé publique pour évaluer les effets long terme de l’exposition à certains produits. « La première génération exposée dès la plus tendre enfance à la malbouffe, à la sédentarité, aux cocktails chimiques est née dans les années 1980…. Prévoir qu’elle pourra massivement vivre après 70 ans relève d’un pari hasardeux ….” Deux modifications paraissent prioritaires pour prolonger notre existence en pleine capacité de nos moyens : davantage d’exercices physiques et une alimentation débarrassée des pesticides comme des transformations et adjonctions délétères (sucres, sel, conservateurs chimiques, etc.) » (1)
L’alimentation et les inégalités de revenus
Les enjeux de revenus autour de l’accessibilité à une alimentation de qualité. Ainsi, en vue du forum prévu début juillet sur la Métropole de Lyon, une enquête menée auprès 650 habitants représentatifs de ce territoire a fait ressortir trois « défis », le premier étant celui de la précarité alimentaire. De cette enquête , il est ressorti que 15 % des habitants de la métropole ne mangent pas à leur faim et qu’un tiers des ménages estime ne pas avoir les moyens de s’alimenter correctement, c’est-à-dire avec des repas sains et équilibrés. (2) . Entre le constat clairement porté d’agriculteurs ne pouvant vivre de leur travail et celui de consommateurs ne pouvant accéder à une alimentation de qualité, comment ne pas interroger le fonctionnement d’une telle société, au travers de la répartition des richesses qui y sont créées !
Quelle reconnaissance du travail dans le secteur agricole ?
Les enjeux de reconnaissance et de valorisation du travail. La fiche 8 « Favoriser la qualité de vie et une rémunération juste des actifs agricoles » rappelle quelques éléments sur le vécu dans le milieu agricole. Elle pointe notamment un taux de suicide élevé, insiste sur l’importance du travail fourni et sur des conditions de travail pouvant être difficiles… Si l’on rajoute des revenus ne sont pas à hauteur de l’engagement total requis, l’équilibre vie professionnelle/vie privée ne peut qu’être compliqué.
Nous ne pouvons que soutenir la nécessite d’une rémunération plus juste du travail portée dans le rapport. Nécessité que nous affirmons posée sur l’ensemble de la filière « Alimentation », pour les travailleurs de l’agriculture, ceux des industries agro-alimentaires, de la distribution et de la restauration, et bien au-delà de cette seule filière d’ailleurs.
Concernant les conditions de travail, si le rapport évoque les astreintes induites par l’activité et l’enjeu des « remplacements », il passe sous silence le nombre croissant d’accidents du travail, parfois mortels ainsi que l’exposition et l’utilisation de produits dangereux, tels que les pesticides. Une expertise collective de l’Inserm de 2013 a établi des liens entre leur utilisation et des maladies neurodégénératives, les troubles de la reproduction et certains cancers. Maladies pour lesquelles le nombre de demandes d’indemnisation ne cesse d’augmenter. Il passe également sous silence les questions de précarité des salariés agricoles, du recours croissant aux travailleurs détachés dans des conditions parfois indignes, chaque année, des situations proches de l’esclavage sont relatées. Bien évidemment, cela ne concerne qu’une minorité des employeurs agricoles, mais cela existe et doit être combattu et condamné.
Les produits agricoles ne sont pas des marchandises comme les autres
Les enjeux de prise en compte de la spécificité des produits agricoles qui ne sont pas des marchandises comme les autres, particulièrement dans les échanges internationaux. Point qui prend une résonance particulière après la signature de l’accord UE/Mercosur tant celui-ci parait prendre, à contrepied, l’ensemble des points développés précédemment. Prise en compte aussi nécessaires de la spécificité de la « terre agricole » à un moment où l’accaparement de celle-ci se développe sous des formes multiples. Ici, principalement avec l’extension de l’habitat, des zones d’activité et de loisirs ou encore des voies de circulation. Ailleurs, sous la forme de la réaffectation de celles-ci au profit des cultures de rentes destinées au marché mondial. Citons, à titre d’exemple, le projet Prosavana, au Mozambique, qui visait l’appropriation de 14 millions d’hectares dans une zone habitée par 5 millions de personnes, pour la plupart des petits agriculteurs qui produisent une bonne partie de la nourriture consommée dans le pays
Consommer local : une réponse qui doit être complétée par un changement de modèle
Le rapport pointe les évolutions des attentes des consommateurs autour du « local » et de l’alimentation de qualité. Ces évolutions sont de nature à ouvrir sur des perspectives nouvelles, porteuses d’opportunités de « sortie par le haut » des impasses actuelles.
Diverses préconisations visent à accompagner ce mouvement, à l’amplifier en favorisant la disponibilité des produits locaux de qualité et en mobilisant la commande publique sur un rôle d’entrainement d’une part, en renforçant la sensibilisation et l’éducation aux enjeux de l’alimentation sur l’environnement et la santé d’autre part.
Nous les soutenons. Mais ces mesures manqueraient leur objectif si elles n’avaient, comme seul résultat, que de permettre de redonner du « pouvoir d’achat » aux agriculteurs, même si cet enjeu est important, ainsi que le rapport le souligne. Cela ne ferait que « changer le pansement », quand l’urgence est de « penser le changement ».
Il s’agit bien plus de se saisir de cette demande de la société civile et de ces moyens d’actions pour :
débattre des rapports de domination qui ont conduit agriculteurs et consommateurs à la situation actuelle et œuvrent à sa reproduction
identifier et accompagner les remises en cause nécessaires pour ouvrir la voie à leur dépassement.
Ces remarques étant faites, et prenant en compte les « bougés » intervenus dans le rapport, la CGT votera l’avis
1/C. Aubert : « Longévité, les limites d’une espérance » ; Le Monde Diplomatique, Juin 2018, page 12
2 /Les autres défis identifiés concernent le lien Alimentation/Santé, pointés par 9 personnes sur 10 et ceux liés aux impacts environnementaux de l’alimentation, en particulier avec les émissions de gaz à effet de serre résultant des importations.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1517