Déclaration au nom de la Cgt, la FSU et solidaire sur la consultation concernant les Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux pour les trois bassins d’Auvergne Rhône Alpes
Le CESER est sollicité pour donner son avis sur les principaux enjeux des prochains SDAGE (Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux) et PGRI (Plan de Gestion des Risques d’Inondation) sur la période 2022-2027. Le SDAGE décrit la stratégie adoptée afin d’atteindre l’objectif du bon état des eaux alors que le PGRI décrit la stratégie adoptée afin de réduire les risques d’inondation et d’en diminuer les conséquences.
La région Auvergne Rhône Alpes est concernée par 3 SDAGE et 3 PGRI : Loire-Bretagne, Adour Garonne et Rhône Méditerranée. Les enjeux sont différents pour notre région pour ces trois bassins, l’un irrigue une grande part de notre territoire, pour les 2 autres, nous sommes tête de bassin et avons donc une grande responsabilité par rapport aux territoires en amont.
La commission a étudié ces 6 documents touffus et compliqués, dans un délai très contraint, ne permettant pas d’aller « creuser » la réflexion autant que nous l’aurions souhaité. Nous remercions d’ailleurs Mme Ranchin, chargée d’étude, pour la qualité de son travail de débroussaillage et d’alerte sur des points essentiels. Nous regrettons que les délais contraints ne nous aient pas permis de travailler avec les autres CESER car l’échelle de ces documents nous impose de sortir de notre vision régionale. Il nous semble donc nécessaire, puisque nous n’avons pas pu le faire en amont, d’avoir un échange avec les autres régions, quant à leur approche et leur avis sur les sdage actuels et en anticipation des prochaines consultations.
Concernant les SDAGE, nous souhaitons intervenir sur 4 points :
Les enjeux quantitatifs d’une ressource essentielle qui va en diminuant,
Les enjeux de qualité de l’eau, et leurs conséquences sur la biodiversité et la santé en s’appuyant sur le concept d’exposome,
Les enjeux de financement des politiques de l’eau,
Et enfin les enjeux démocratiques.
En préalable, nous souhaitons d’abord rappeler que la directive-cadre européenne sur l’eau de 2000, transposée en 2004 par la France, fixait un objectif de résultat : atteindre avant 2015 un bon état général tant pour les eaux souterraines que pour les eaux superficielles. Elle prévoyait, si cette échéance ne pouvait être atteinte dans les délais, une première dérogation pour repousser l’échéance à 2021, et une dernière jusqu’en 2027, date à laquelle des pénalités financières seront appliquées aux pays qui n’ont pas atteint l’objectif. Il nous reste donc 6 ans pour aboutir aux objectifs fixés il y a 20 ans …
Une baisse inquiétante de l’accès à l’eau
En France, et notamment dans notre région, les épisodes de manque d’eau se multiplient. De nombreux scientifiques relayés par des militants environnementaux, syndicaux alertent depuis des années. Leurs paroles sont enfin écoutées, devant l’évidence. Des baisses des nappes phréatiques hier aux rivières à sec aujourd’hui et demain la fin des apports des glaciers, nous ne pouvons plus ignorer la gravité de la situation. Mais la prise de conscience se heurte à de multiples intérêts, nous voyons le poids des multinationales avec l’exemple de Volvic où les prélèvements de Danone conduisent « à un début de désertification » comme le dénonce Christian Amblard, chercheur au CNRS.
Il va nous falloir entrer dans une période de gestion de la pénurie avec trois priorités : l’urgence de la sobriété pour tous les consommateurs, individuels et professionnels, la priorisation des besoins humains et de la biodiversité avant les intérêts économiques et surtout la nécessaire solidarité des acteurs sur l’ensemble du bassin entre l’amont et l’aval, l’outil des sdage est donc pour nous essentiel. A ce titre, nous sommes étonnés du lancement du Varennes de l’eau par le ministère de l’agriculture, qui va à l’encontre de la nécessité d’une approche globale et systémique de l’eau tournée vers les multi-usages.
Une qualité à la peine
Concernant la qualité de l’eau, nous nous trouvons également face à un échec. Malgré les volontés affichées, les sommes considérables affectées, les plans qui se succèdent depuis des dizaines d’années, zéro-phyto, puis éco-phyto, etc… l’usage des différents pesticides ne baisse pas à la hauteur des ambitions affichées. De même, l’utilisation de perturbateurs endocriniens, de micropolluants chimiques dans les produits d’usages courants, ne font qu’augmenter ; et si on rajoute tout ce qui n’est pas testé, comme par exemple, les microplastiques, les effets cocktails, nous sommes face à une pollution massive, que le réchauffement climatique va intensifier à la fois par les réactions chimiques intensifiées par les températures mais aussi par la concentration liée à la réduction de la quantité d’eau.
Nous ne pouvons que constater l’échec d’une politique reposant sur les incitations et les incantations. Renvoyer à la responsabilité des consommateurs (particuliers ou professionnels) la non-utilisation de produits autorisés, sponsorisés par la publicité relève au mieux de l’hypocrisie, au pire d’un cynisme criminel des pouvoirs publics. Pour nous, le durcissement de la règlementation pour interdire les produits ayant des effets sur la santé humaine et la biodiversité est un impératif et relève de la responsabilité politique de nos gouvernants.
Sans compter qu’à ne pas traiter le problème à la source, nous ne faisons que gérer les conséquences, que ce soit en termes de santé et de coût de dépollution. Si l’intégration de l’exposome dans l’article 1er de la loi du 2 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a permis à la santé environnement d’être reconnue pour la première fois comme un enjeu de santé publique à part entière, l’action publique reste trop fondée sur une vision parcellaire remontant à l’hygiénisme et à la salubrité publique du XIXe siècle. Or, comme le souligne l’avis du CESE « POUR UNE POLITIQUE PUBLIQUE NATIONALE DE SANTE ENVIRONNEMENT AU CŒUR DES TERRITOIRES » la spécificité de la santé environnement est précisément d’intégrer la prévention sanitaire dans les mesures politiques pluridisciplinaires et l’aménagement des territoires.
Un financement déséquilibré
Réparer des décennies de laisser faire en matière d’urbanisme, d’aménagement du territoire, de destruction des zones humides, d’artificialisation des sols, en changeant radicalement les pratiques, pour protéger les ressources et les dépolluer, tout cela a un coût. Nous le voyons dans les 3 sdage. Or, nous sommes devant un paradoxe : les particuliers consomment un peu moins de 20% de la ressource et financent un peu plus de 90% des coûts, les gros utilisateurs ne payent parfois rien ou pas grand-chose, ce qui ne les incite ni aux économies, ni à la réduction des pollutions. Autre paradoxe, concernant le principe « l’eau paie l’eau », celui-ci est mis à mal à la suite des décisions de l’Etat d’affecter une partie des recettes tirées des redevances vers d’autres domaines.
En complément sur les aspects financiers, au-delà du principe « pollueur-payeur » qui est la base de calcul des redevances, une réflexion pourrait être poursuivie sur les paiements pour services environnementaux (PSE) et les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) qui sont des aides aux bonnes pratiques de gestion et une reconnaissance de l’engagement des acteurs agricoles, par exemple concernant les zones humides et les prairies. L’accès pour tous à une eau de qualité répondant aux besoins devrait être une priorité absolue et donc bénéficier de financements solidaires plus importants.
Un renouveau démocratique nécessaire
Je finirai par les enjeux démocratiques, intrinsèquement liées aux enjeux précédents, l’eau est un bien commun vital et de première nécessité, financé par les utilisateurs. La gestion de l’eau est un enjeu démocratique, qui ne doit pas engendrer une guerre de l’eau ni se transformer en un marché de l’eau comme en Australie ou aux Etats Unis. Elle doit rester sous maîtrise et au cœur des missions publiques. Pourtant, malgré des efforts de consultations, d’informations des agences, elle demeure une boite noire pour la majorité de nos concitoyens, où les grands débats, les enjeux sont portés par des experts, des représentants de lobbies, des jeux d’acteurs et d’intérêts croisés compliqués à cerner. La multiplicité des intérêts particuliers ne fait pas l’intérêt général.
De nombreuses personnes s’emparent de ce sujet, comme le prouve la coordination Eau Bien Commun-AURA pour le retour de la gestion de l’eau en régie publique. Pour nous, il faut largement ouvrir les portes, l’expérience des différentes conventions citoyennes montrent que des citoyens préalablement formés peuvent également participer à ces discussions et à la détermination de choix politiques. De même d’autres acteurs, représentant la société civile organisée, pourraient également trouver leur place, et en premier lieu, les organisations syndicales de travailleurs. Notre avis parle d’information et d’acceptation sociale concernant les usages de l’eau, nous, nous parlons de choix démocratiques éclairés, de débats citoyens sur les possibles, le nécessaire.
Nous considérons que, malgré le bon travail effectué par l’ensemble de la commission et sa chargée d’études, les délais de consultation ne nous ont pas permis d’aller au-delà d’un commentaire des textes fournis et de creuser certains aspects évoqués dans notre intervention. Nous nous abstiendrons donc sur l’ensemble des avis.
Sdage et PGRI du bassin Adour Garonne
Sdage et PGRI du bassin Loire Bretagne
Sdage et PGRI du bassin Rhône Méditerranée
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1626