Le 7ème Forum mondial de l’eau se tiendra du 12 au 17 avril 2015 en Corée du Sud. Cet évènement est pour l’ONU, le moment de rappeler que l’humanité s’est construite au fil de l’eau mais aujourd’hui, avec 75 % de la planète recouverte d’eau et seulement 1 % d’eau potable, les 2/3 des habitants de la planète n’auront déjà plus accès à l’eau en 2030. L’ONU en profite aussi pour interpeller les pouvoirs publics sur leur rôle face à la gestion de l’eau avec un but : gérer l’eau de façon durable en prenant en compte outre l’accès à l’eau et à l’assainissement, les questions de gouvernance.
Et la France
Selon le code de l’environnement, la politique de l’eau a pour objectif la “gestion équilibrée et durable de la ressource en eau”. L’article L.210 I du même code précise que l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable doit se faire dans le respect des équilibres naturels et sont d’un intérêt général.
L’eau a représenté 3,8 milliards de m3 d’eau dans les robinets des ménages en 2014, pour une facture globale de 12,35 milliards d’euros et qui a apporté 5,2 milliards d’euros aux opérateurs privés, 22.000 services d’eau et d’assainissements sont gérés en régies publiques et 9000 par le privé.
En 2013, 87 % des redevances perçues par les six agences de l’eau étaient supportées par les usagers domestiques et assimilés qui consomment 24 % de l’eau, 6 % par les agriculteurs qui consomment 48 % de l’eau, 7 % par l’industrie qui consomme 6 % de l’eau. Le restant 22 % correspond à la production d’énergie.
Avec une ressource abondante mais inégalement répartie sur le territoire français, l’eau est aussi fortement soumise au changement climatique.
Près de 34 milliards de m3 d’eau sont prélevés chaque année en métropole pour satisfaire l’ensemble des besoins en eau (alimentation en eau potable, irrigation, production d’électricité et industrie).
Ces ressources en eau françaises présentent de très grandes disparités dans le temps et dans l’espace : elles sont inégalement réparties et varient selon les saisons, ce qui explique que certaines régions peuvent connaitre des tensions sur la ressource en eau à certaines périodes de l’année.
Des évolutions notables sont à attendre du fait du changement climatique, visible depuis plusieurs dizaines d’années à l’échelle planétaire et sui s’observent aussi à l’échelle nationale. Depuis 1980, la hausse des températures estivales est de + 2,3 degrés en moyenne, avec une forte croissance de la variabilité, et l’évapotranspiration en plaine a augmenté de 20 à 30 %. Il est donc quasi certain avec les dernières projections du GIEC que ces évolutions climatiques conduisent à une diminution des ressources en eau disponibles.
Depuis une décennie, la tendance des prélèvements pour les 4 usages est plutôt à la baisse.
Les projections pour 2030 confirment concernant l’eau potable que les avancées technologiques en faveur des appareils électroménagers plus économes en eau, avec les campagnes de sensibilisation aux économies d’eau avec l’EEDD devraient compenser la hausse des consommations provenant de la croissance démographique.
Du côté de la demande en eau du secteur agricole, après une forte croissance de l’irrigation jusqu’au début des années 1990, les superficies irriguées se sont stabilisées à la suite de la réforme de la PAC dès 1993 et de façon continue. La demande en eau agricole dépendra des effets des évolutions à nouveau de la PAC concernant les contraintes environnementales qu’elles imposent aux agriculteurs au travers des aides financières.
Mais la demande potentielle en eau pour l’irrigation pourrait nettement augmenter du fait du changement climatique et dépendra des mesures prises au niveau financier, règlementaire et des décisions d’investissements en barrages, retenues d’eau, transferts…
Concernant l’industrie, la tertiarisation de l’économie avec la disparition ou la délocalisation d’industries lourdes, l’optimisation des processus industriels dans l’industrie papetière et automobile notamment ainsi que le recours croissants aux circuits fermés de refroidissement ont permis de réduire considérablement la demande en eau du secteur industriel depuis les années 70, soit 30 % entre 1970 et 2005. Aujourd’hui 65 % des prélèvements proviennent de 4 secteurs industriels : chimie – papeterie – industrie agro-alimentaire et les usines d’incinération des ordures ménagères. L’évolution des prélèvements en eau dépendra donc en grande partie de la capacité du pays à conserver dans les prochaines décennies une industrie conforme à notre place de 5ème puissance mondiale.
Enfin concernant la production d’énergie, l’évolution des prélèvements et consommation d’eau dépendra fortement de l’évolution de notre mix énergétique futur, et notamment de la part de l’énergie nucléaire dans celui-ci. Il dépendra également de la réussite de la loi sur la transition énergétique de réduire la consommation d’énergie de 38 % à l’horizon 2020 pour la rénovation des bâtiments tertiaires et résidentiels.
Le rapport de la Cour des Comptes concernant les agences de l’eau
Le 11 février 2015, le rapport public annuel de la Cour des Comptes a consacré un chapitre conséquent sur les agences de l’eau.
A la suite des contrôles conduits sur la gestion des 6 agences de l’eau entre 2007 et 2013, la Cour a établi des conclusions et recommandations que notre avis reprend en annexe.
Je pointerais quelques-unes d’entre-elles.
1) Améliorer la gouvernance et notamment revoir la représentativité pour donner toutes leurs places aux premiers payeurs les usagers domestiques.
Une insuffisance transparence des décisions d’aides financières aux agriculteurs et industriels et un manque total d’évaluation.
2) Encadrer les redevances en revoyant la répartition
Pour l’Agence Rhône-Méditerranée, bien que 40 % du territoire du bassin représente un déséquilibre entre l’eau disponible et les prélèvements, le taux de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau se situe à un niveau très inférieur à celui des autres bassins, notamment pour l’irrigation et les prélèvements effectués par l’industrie. Il s’ensuit que le montant de la redevance pour les prélèvements destinés à l’irrigation ne représente que 3 % du montant total de la redevance prélèvement en 2013, alors que l’irrigation est à l’origine de 70 % des prélèvements dans les eaux de surface.
3) Appliquer plus strictement le principe pollueur – payeur
Entre 2007 et 2013, les redevances perçues par les agences de l’eau ont progressé de 24 % pour atteindre en moyenne 2,2 milliards d’euros. Seule l’agence Rhône-Méditerranée a limité cette augmentation à 12 % entre 2007 et 2013, ce qui a contribué à rendre son résultat net déficitaire.
Mais sur la même période et le même bassin, la Cour relève que la redevance acquittée par les industriels a diminué pour les pollutions de 33%, la redevance étant calculée non plus sur la base des rejets dans les cours d’eau mais après traitement par la station d’épuration publique.
Pour la même redevance pollution concernant les agriculteurs sur le bassin Rhône-Méditerranée la redevance acquittée a diminué de 84 % pour la période 2007 – 2013.
Le montant total de cette redevance pour toutes les agences n’était que de 3 millions d’euros en 2013 alors que le seul coût du nettoyage des algues vertes sur le littoral breton est estimé à 30 millions d’euros concernant la même année.
Pour la CGT, six enjeux majeurs concernent l’eau à tous les niveaux
1) Anticiper les impacts du changement climatique.
Les risques stratégiques pour une gestion quantitative et durable de l’eau en France sont pointés.
Cela passe notamment par une meilleure connaissance de l’évolution du climat et de ses divers impacts tant sur la ressource en eau que sur les activités humaines et par la mise en place de mesures d’adaptation adéquates.
Réussir la transition écologique, changer notre manière de vivre et repenser les critères d’une société de progrès.
2) Favoriser une agriculture plus économe en eau en accompagnant les mesures de la PAC.
3) Etudier dès à présent des solutions de sécurisation de l’approvisionnement en eau (barrage, réutilisation des eaux usées, etc.. pour les zones à risques bassin de Seine Normandie, Sud-Ouest et Sud-Est).
4) Faire appliquer au plus vite les conclusions et recommandations de la Cour des Comptes, notamment revoir complètement la gouvernance, en donnant leur vraie place aux représentants des usagers domestiques.
5) Devant le fait que 20 % de l’eau distribuée se perd du fait du délabrement du réseau, les collectivités locales se doivent de réduire les fuites dans les réseaux d’eau potable en s’emparant des outils techniques et règlementaires existants notamment les outils de télégestion du réseau et de clauses contraignantes dans les délégations de service public.
6) L’accès à l’eau est un droit, inscrit dans la loi, il s’agit de la faire appliquer
Depuis la révolution l’eau potable en France est une compétence confiée aux collectivités locales, la gestion publique de l’eau est donc un enjeu important.
Il faut appliquer le tarif social de l’eau pour répondre aux 100.000 coupures d’eau illégales au regard de la loi. Alors que cette facture ne peut représenter que 3 % des charges fixes d’un foyer, suivant les endroits où l’on vit cette facture peut représenter jusqu’à 10 % des charges fixes.
Nos analyses, commentaires, propositions, pour argumenter notre position, ayant été faits, le Groupe CGT votera l’avis.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1024