Notre CESER examine une contribution concernant l’accès des jeunes à l’emploi où moment où s’organise une mobilisation européenne sur ce sujet : le conseil européen des 27 et 28 juin a décidé d’allouer un crédit de 8 milliards d’euros, qui devrait concerner en France 300 000 personnes pour un montant de 600 millions d’euros destinés aux 12 régions françaises où le taux de chômage des jeunes atteint 25%, ce qui n’est pas le cas de Rhône-Alpes.
L’emploi des jeunes : un enjeu européen
5 millions et demi de jeunes sont au chômage en Europe, le taux de chômage des jeunes (23.4%) y est deux fois plus élevé que le taux moyen de chômage général (10.7%) avec d’énormes inégalités car les jeunes paient le prix fort dans les pays les plus touchés par la crise et l’austérité : 60% en Grèce, 56% en Espagne, 38% au Portugal ! L’objectif de ces financements est la mise en place d’une garantie jeunesse qui prévoit d’offrir un emploi, une formation ou un stage à chaque jeune au bout de quatre mois d’inactivité. Cette question a fait l’objet d’un sommet qui a réuni à Berlin mercredi dernier l’ensemble des ministres du travail européens.
Parmi les propositions avancées par Madame Merkel. L’une concerne l’organisation d’une mobilité européenne, non pas en terme d’échanges tels qu’ils existent déjà, mais en vue de répondre à la crise démographique que connait l’Allemagne : il s’agit de faire venir des pays du sud de l’Europe, des jeunes déjà dotés d’une bonne formation de base acquise dans leurs pays respectifs pour qu’ils soient intégrés dans les firmes allemandes. Lors de la récente réunion des quatre moteurs à Stuttgart, le DGB a exprimé son indignation contre l’amplification d’une immigration sélective qui ouvre la voie à un pillage organisé des cerveaux et des bras des pays déjà les plus exsangues et qui aggraverait encore les déséquilibres entre les Etats-membres. Avec les syndicats des pays concernés nous partageons cette appréciation et cette indignation.
L’utilisation de la jeunesse comme variable d’ajustement des politiques économiques dans une perspective de compétitivité prend une dimension européenne. Les politiques françaises pour l’emploi des jeunes, inscrites dans cette même logique sont en échec depuis 30 ans…
Le défilé des emplois aidés
Depuis le rapport Schwartz qui, en 1982 préconisait la mise en place des missions locales, les dizaines de types de contrats aidés se sont succédé au fil des alternances gouvernementales, mesures plus ou moins opérationnelles, mais avec des caractéristiques communes :
Leur accompagnement par des mesures d’exonération sociales et fiscales
La mise à contribution importante des collectivités territoriales, du monde associatif
Leur durée de mise en œuvre limitée à celle des financements publics et donc sans effet durable sur l’emploi des jeunes
L’absence de critères d’efficacité et d’obligation d’évaluation. C’est d’ailleurs ce dernier élément qui a conduit notre organisation à ne pas signer l’engagement rhônalpin pour l’emploi des jeunes proposé par la Direccte et la Région Rhône-Alpes.
On peut raisonnablement penser que l’état des lieux de l’emploi des jeunes présenté dans la contribution est le résultat de ces politiques : la majorité des jeunes ont intégré l’idée qu’ils commencent leur vie professionnelle par des stages, des contrats courts, des bas salaires, des mauvaises conditions de travail et cela malgré un niveau de qualification général qui s’élève.
En 2006, les jeunes et le mouvement social avait fait reculer la tentative gouvernementale d’imposer un SMIC jeune, le CPE. Malgré cela, l’étude « génération » du CEREQ » montre que les jeunes sont massivement confrontés à un phénomène de « déclassement », c’est-à-dire qu’ils sont rémunérés bien en deçà de leur niveau de qualification.
La contribution l’indique en, reprenant une donnée de l’étude de la Direccte : 90% des emplois des jeunes bénéficient d’exonérations, en particulier celle qui concerne les salaires inférieurs à 1,6 SMIC.
Pour les jeunes non qualifiés, c’est la pression du chiffre qui conduit à les orienter vers des formations courtes, des emplois aidés, des stages qui ne constituent pas un parcours vers la qualification et l’emploi stable.
Un net recul de l’accès à la formation
La création par la Région d’un service public de la formation professionnelle instituant le principe d’un référent unique conduisant pour chacun un parcours de formation et d’emploi menant à une qualification reconnue est une avancée, pour autant, l’union régionale des missions locales dans son bilan 2012 fait le constat d’un net recul pour l’accès à la formation et à l’emploi des jeunes suivis par les missions locales : baisse du nombre de contrats de travail signés, de l’intérim, des entrées en formation, notamment des moins qualifiés.
Parmi les raisons de ces évolutions : la déstructuration de l’AFPA, l’organisation des appels d’offres, la réforme des bacs professionnels supprimant les BEP….
Deux nouveaux types de contrats aidés assortis une fois encore de financement public et d’exonérations sociales entrent en application avec difficultés, victimes de la situation économique des entreprises privées et des difficultés budgétaires du secteur non-marchand.
Investir dans l’emploi et la formation, c’est faire le choix de l’homme contre la finance
La contribution fait état des nécessaires mesures d’accompagnement des jeunes dans l’emploi stable et conclue sur la nécessité d’une démarche globale de relance de l’activité économique.
L’existence dans notre pays d’une jeunesse nombreuse et plutôt qualifiée est un atout pour assurer le renouvellement générationnel nécessaire au maintien et au développement de l’emploi dans les industries et les services. Ceci suppose un engagement résolu des entreprises privées et publiques dans la formation, l’accompagnement dans la durée et l’embauche de jeunes salariés. L’exemple d’une telle démarche nous a été présenté en commission par EDF où un accord a été signé dans l’entreprise incluant l’apprentissage, le recrutement et la formation continue des salariés.
Investir dans l’emploi et la formation, c’est faire le choix de l’homme contre la finance, or les résultats de la grande conférence sociale qui vient de se tenir ne vont pas dans ce sens.
Notre organisation n’a pas cessé de demander un débat sur les salaires qui sont pourtant au centre de la crise que nous traversons et qui pénalise particulièrement les jeunes.
Les mesures dites en faveur de l’emploi des jeunes contribuent à la pression sur la masse salariale et à l’aggravation des déficits des budgets sociaux.
Une récente enquête dans le cadre du dossier « retraite » montre que les jeunes actifs âgés de 30 ans aujourd’hui valident en moyenne 31 trimestres pour leur retraite contre 42.6 trimestres pour leurs ainées de la génération de 1950. UN appel vient d’être lancé par 14 associations de jeunesse qui revendiquent un autre avenir.
Même si des mesures spécifiques sont nécessaires pour accompagner leur entrée dans le monde du travail, les jeunes sont des salariés à part entière, ils doivent relever de dispositifs de droit commun et cesser d’être considérés comme variables d’ajustement ou porteurs d’exonérations sociales. Ils constituent un potentiel et une richesse indispensables au développement économique de notre pays.
Or, c’est à l’aggravation de l’austérité et de la récession que conduisent les choix budgétaires d’un gouvernement plus sensible aux revendications du Medef qu’à celles des organisations syndicales.
Une autre politique économique et sociale, une vraie justice fiscale, des investissements publics et privés sont nécessaires pour donner aux salariés jeunes et moins jeunes les emplois d’aujourd’hui et de demain.
Offrir un avenir à la jeunesse nécessite un changement de cap qui ne sera possible aujourd’hui qu’avec la mobilisation et l’irruption des salariés dans le débat social. La CGT y travaille résolument.
Nous voterons la contribution.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article982