Intervention de la Cgt pour la contribution du CESER « urgence pour nos montagnes, état des lieux économiques et sociaux pour une sortie de crise durable »
L’avenir de la montagne, de nos montagnes, nous le redisons ne peut se faire sans que cela bénéficie et fasse vivre les habitants et acteurs du territoire. Il faut que cet avenir permette de vivre et travailler au pays.
Lors de la crise sanitaire, la montagne a bénéficié d’aides que nulle autre activité économique a eues. Plus de 7,2 milliards d’€uros (chiffre affirmé par le ministre du tourisme à Grand Ski tenu à Chambéry début mars) sur un chiffre d’affaires estimé d’après DSF à 8 milliards d’€. Certaines entreprises ont réalisé des excédents sans avoir travaillé l’hiver passé.
Une situation sociale dégradée pour les salariés saisonniers : entre conditions de travail et réforme du chômage
Pourtant et cela est souligné dans le rapport, peu de saisonniers ont été embauchés et rémunérés prouvant là aussi comment sont considérés ces salariés précaires qui portent pourtant cette activité économique florissante. Petit rappel, seulement 25 % d’entre eux ont pu en conséquence bénéficier de l’activité partielle. Cela aurait pu être évité si cet argent qui coulait à flot pour les employeurs avait été conditionné. Que nenni, même cela nous n’avons pu le faire écrire dans cet avis. Pourtant nombre d’acteurs, pas seulement syndicaux le réclament.
Dans le même temps, le gouvernement prenait 2 mesures, appuyées par le patronat concernant l’indemnisation chômage (un nouveau mode de calcul du montant de l’indemnisation et un rallongement de la période minimale de travail pour en bénéficier).
Ceux qui refusent de parler de la conditionnalité et du contrôle des aides publiques pour les entreprises sont souvent les mêmes qui demandent à une personne touchant une maigre indemnisation de la justifier avec mille tracasseries administratives.
Tout cet ensemble a eu comme conséquence que bon nombre de saisonniers ont dû vivre la saison dernière 2020 – 2021 de la solidarité amicale ou / et familiale, etc. Nous avons plus de 400 témoignages à ce sujet. Pour beaucoup, ils ont pour la saison en question, trouvé un autre emploi dans leur région ou / et ont quitté la montagne loin de la terre où ils sont nés, comme le chantait Jean Ferrat.
Le retour du « business as usual »
Concernant la saison actuelle, l’hiver de toutes les attentes se transforme en hiver de tous les records. Il n’y a pas assez de superlatif pour la qualifier.
Finalement, pour nombre d’acteurs, l’histoire reprend là où elle s’était arrêtée en mars 2020. Pour faire bien, on repeint un peu en vert l’activité, dameuses à hydrogène, panneaux solaires sur les remontes pentes, etc.
Quelques petites voix soulignent quand même, que la clientèle française est largement revenue et que les habitants de la région AURA ont bien compensé l’absence de la clientèle étrangère. Quelques esprits chagrins font remarquer que cela n’a pas compensé les dépenses moyennes mais bon, l’an prochain, pour eux, si tout va bien, les avions vont tourner plein pot et les volontés d’expansion des domaines skiables sont toujours là.
Pourtant, les pratiques ont aussi évoluées, le tout ski est remplacé par nombres d’autres activités. C’est une excellente orientation, le rapport sur le sujet en fait le tour, nous ne nous y attarderons pas.
La question des mobilités est importante car la majorité de la production des gaz à effet de serre est faite par les trajets pour venir en station.
Sur ce sujet, la préconisation 5 aurait pu être plus incitative pour développer le ferroviaire et le hub pour les marchandises comme cela a été indiqué par des intervenants.
Respecter les droits des travailleurs : une nécessité
Sur le volet social, non seulement aucune leçon n’a été tirée, mais les conditions de travail se sont dégradées. Derrière les difficultés de recrutement mises au premier plan, que constatons nous ? Le turn-over, l’augmentation des accidents du travail et les conditions de travail indécentes avec des horaires jamais vus et des heures supplémentaires non payées. C’est ce que nous rapportent et que nous voyons dans nos permanences juridiques sur l’ensemble du territoire. Alors que le nombre de salariés est quasiment multiplié par 10, l’hiver dans certains massifs, le nombre d’inspecteurs du travail, déjà insuffisant en période normale, reste identique. Les situations indécentes, indignes perdurent car il manque de contrôles et de contrôleurs et de sanctions à la hauteur.
Ce n’est pas révolutionnaire d’indiquer qu’il faut respecter la loi et que pour cela, il faut des contrôleurs et des sanctions pour le faire.
Nous estimons que la contribution reste insuffisante sur toute la partie axe social, mais également sur le logement, où les préconisations existent déjà, nous l’avions indiqué, par contre, nous aurions pu parler de la réhabilitation des lits froids pour les saisonniers, des m² nécessaires comme l’a souligné l’accord Savoie et la chasse aux marchands de sommeil, la modification de la réglementation pour éviter que des drames comme par exemple, celui en janvier 2019 de Courchevel ne se reproduise, etc..
Sur la maison virtuelle (préco 7), rappel cela a déjà existé et payé par le Conseil régional. Cela n’a pas marché, cela s’appelait question saison coutait cher et ce que veulent des saisonniers, c’est de la présence humaine et des réponses rapides.
Une gouvernance à inventer
Une fois, ce constat fait, si nous voulons modifier le modèle, la question de la gouvernance et des lieux de prises de décisions est essentielle. La contribution l’aborde, mais nous aurions dû la muscler pour rendre ces instances de gouvernance incontournables, que ce soit en matière de stratégie à long terme mais aussi d’attribution des subventions régionales ou locales, de conditionnalité et de leur évaluation. De même, pour répondre aux besoins des travailleurs de la montagne pour vivre et travailler au pays, tant sur la sécurisation du statut du travail que sur les conditions et moyens de travailler (logement, garde enfants, écoles et renforts enseignants, mobilité…), cela nécessite que cette question soit intégrée à part entière dans les enjeux de la transition et dans les acteurs de la gouvernance.
Pour conclure, pour répondre à l’urgence dans nos montagnes, cela passe par un changement de modèle et une transformation de la logique en marche. Alors que 80 % du tourisme se concentrent sur 20 % du territoire, que le prix d’un séjour au ski pour une famille le rend inabordable pour la majorité de la population, nous avons besoin de rendre la montagne plus accessible à toutes et tous, et pour cela d’un changement urgent en associant l’ensemble des habitants des montagnes et non pas uniquement les stations.
Car les habitants veulent aussi pouvoir travailler, vivre, étudier, se loger, se déplacer toute l’année. Pour cela, les services publics, les transports collectifs, d’autres activités sont essentiels, en résumé une activité au service des habitants.
Lors de la mise à place du groupe de travail, nous étions convenus d’un rapport innovant, tenant compte des enjeux environnementaux, sociaux, proposant des ruptures par rapport au modèle actuel. Porté par notre avis courageux sur le plan montagne, nous aurions pu espérer une transformation après ce bel essai.
Au constat, nous ne nous retrouvons pas dans cette contribution, majoritairement tournée sur la perpétuation d’un système économique à bout de souffle, maltraitant les travailleurs et la nature. Nous aurions pu nous distinguer sur une activité qui emploie énormément de précaires dans cette société où les inégalités se creusent mais l’occasion est ratée.
Nous sommes d’autant plus déçus que la délégation C.G.T. s’y est beaucoup investie, nous avons trouvé des intervenants, réalisé une contribution, etc. et fait des propositions.
Nombre d’acteurs attendaient que le CESER soit l’aiguillon qui permette de regarder avec optimisme l’avenir de nos montagnes et surtout de celles et ceux qui y vivent et la font vivre.
Il serait dommage de continuer à favoriser ceux et celles qui en épuisent les richesses qu’elles soient humaines, environnementales et financières.
La CGT qui a beaucoup contribué, le regrette, en conséquence, nous voterons contre.