Intervention sur la contribution du Ceser “économie et biodiversité : un avenir commun indissociable” au nom de la Cgt, la Fsu et solidaire
La contribution de la commission 2 sur la biodiversité et l’économie établit bien les liens d’interdépendance entre ces deux secteurs. L’impact de notre modèle productif et notamment agricole dans l’effondrement de la biodiversité a été largement illustré dans ce rapport, nous n’y reviendrons pas.
Nous soutenons les préconisations de la contribution qui proposent de franchir un cap en matière d’information, d’acculturation de la population mais qui posent également l’importance de conditionner et d’évaluer les aides publiques attribuées aux entreprises et à l’industrie agricole à des indicateurs sociaux et environnementaux. Si les préconisations vont dans la bonne direction elles nous semblent toutefois insuffisantes face à l’urgence d’agir tout en planifiant dans la durée. Le conseil régional au côté et avec les différents acteurs publics, sociaux et économiques sont convoqués pour la protection et la préservation du vivant, pour penser et traduire en actes la transition écologique. La transition écologique est une évolution vers un nouveau modèle économique et social, un modèle de développement durable qui renouvelle nos façons de consommer, de produire, de travailler, de vivre ensemble pour répondre aux grands enjeux environnementaux, ceux du changement climatique, de la rareté des ressources, de la perte accélérée de la biodiversité et de la multiplication des risques sanitaires environnementaux.
C’est pourquoi nous souhaitons faire un pas de côté sur ce rapport en faisant appel au concept porté largement par l’OMS, l’ONU et la France à travers l’ANSES, les travaux du CESE, celui de One Health, qui lient santé humaine et santé de la biodiversité.
Afin d’illustrer notre propos, nous évoquerons l’exemple très médiatisé des PFAS, plus connus sous le nom de “polluants éternels”, au sujet desquels la préfecture de notre région vient de décider un dispositif de gestion de crise. Plusieurs études scientifiques reconnaissent la toxicité et la pollution invisible et durable de ces substances très nocives pour la santé et la biodiversité, avec la particularité de leur extrême persistance dans l’environnement. Plus de 600 sites industriels sont concernés en AURA, 15 d’entre eux font l’objet d’une surveillance active par la DREAL.
Des journalistes ont réalisé avec l’aide de scientifiques, un travail de lanceurs d’alerte et d’investigation en faisant des prélèvements de PFAS au sud de Lyon, encore près de Rumilly, en Haute-Savoie Ils ont mis en évidence, via un appel au volontariat pour analyses sanguines, que les riverains des sites industriels étaient sept fois plus exposés au PFAS que le reste de la population.
À la suite de ces examens très préoccupants, la Préfecture de région AURA a décidé d’engager une étude, montrant que le taux de PFAS est d’un niveau 20.000 fois au-dessus des taux moyens mesurés en France. Ainsi, par exemple, des PFAS ont été retrouvés dans le lait maternel, ou encore dans des œufs issus de poulaillers d’habitants de plusieurs communes du Sud-Ouest Lyonnais.
Ces résultats illustrent l’ampleur de la toxicité et de la pollution de ces substances chimiques à l’origine de nombreuses pathologies : maladie thyroïdienne, hypertension, cancer du foie et du rein ainsi qu’une atteinte à la fertilité, une efficacité amoindrie des vaccins chez les enfants…
A la fin de l’été 2022, à la suite de prélèvements alarmants, des concentrations élevées de l’un de ces composés ultratoxiques, le PFOA, étaient détectées par l’agence régionale de santé (ARS) dans les eaux souterraines, conduisant la municipalité à couper l’alimentation en eau de 12 000 habitants à Rumilly en Haute-Savoie. D’autres zones, à proximité de sites industriels, connaissent une pollution inquiétante dans notre région, contraignant les collectivités concernées à mettre en place, des solutions de traitements des eaux potables, dans un contexte de raréfaction de cette ressource vitale.
Cet exemple confirme que les risques se multiplient pour la biodiversité et la santé humaine. Entre toutes les études récentes, nous évoquerons également le lien entre la présence de vignes traitées et la leucémie chez l’enfant. C’est pourquoi, au-delà des propositions de la commission, il est essentiel que des mesures règlementaires d’interdiction de certaines substances, ou de suspension lorsque des doutes existent, soient prises de façon urgente, pour stopper et prévenir les contaminations et leurs conséquences.
La prolongation de l’autorisation du glyphosate malgré un grand nombre études scientifiques indépendantes, le report sans date de la révision de la règlementation REACH qui devait permettre d’interdire ou de restreindre massivement l’usage d’une multitude de produits chimiques dangereux, présents dans de nombreux produits de consommation courante : jouets, emballages et contenants alimentaires, vêtements, meubles, appareils électroniques, cosmétiques, peintures, produits d’entretien, etc.… sont le signe que la santé de la biodiversité, pèse d’un poids bien léger face aux enjeux économiques et financiers. Renverser cette logique est primordial pour prévenir et supprimer les risques afin de nous protéger toutes et tous.
Comme le préconise l’avis du CESE “Travail et santé – environnement : Quels défis à relever face aux dérèglements climatiques“, ne serait-il pas opportun de repenser ensemble les politiques publiques de santé au travail et de santé-environnement, au moment où s’élabore le Plan régional de Santé environnement 4 ? ; d’associer les représentants des salarié.es et les organisations syndicales sur les lieux de travail, les territoires aux investigations, dispositions et suivi des mesures prises ; d’investir dans la recherche, avec la participation financière des entreprises concernées afin de passer d’une gestion de crise à la planification de la dépollution et de la prévention des risques en garantissant la traçabilité des données par les services de l’Etat.
Pour conclure, tout confirme l’urgence de convoquer les acteurs du travail et des politiques publiques à anticiper et à construire, ensemble, les réponses adaptées aux défis de l’adaptation du travail au dérèglement climatique, conjugué à l’effort d’atténuation de l’impact des activités humaines sur le climat. Cette stratégie d’adaptation et d’atténuation devra prendre en considération la transition énergétique, les nouvelles technologies, l’évolution des normes et les choix dans l’attribution des financements publics. Quelle belle occasion de regarder le travail comme l’un des champs majeurs du développement humain et de la préservation du vivant pour repenser notre modèle de développement, afin de bifurquer pour que la justice sociale et environnementale soit au rendez-vous de l’histoire pour préserver un monde habitable.
Les organisations syndicales voteront favorablement cet avis.
En cette fin de mandature, nous souhaitons saluer et remercier l’ensemble des conseillères et des conseillers de cette commission 2, pour le travail réalisé dans le respect mutuel et nos différences, de nos désaccords, sous la présidence avertie de Georges EROME, ainsi que la qualité de l’écoute et du très bon travail de nos chargé.es de missions.