La crise sanitaire a, sans surprise, confirmé la fragilité industrielle de notre pays et notre incapacité à faire face aux besoins des populations et des territoires.
Pourtant, depuis les Etats Généraux de l’Industrie au lendemain de la crise financière de 2008, les décideurs politiques et économiques ont multiplié les annonces concernant une relance de la politique industrielle en France . Force est de constater que , malgré ces déclarations, l’érosion préoccupante de notre appareil productif se poursuit .
Renforcer la place de l’industrie en France et en Europe supposerait un changement significatif des critères d’investissement. Les urgences sociales et environnementales exigent de donner une place nouvelle à la démocratie sociale et politique pour que le « quoi produire ? », le « où produire ? », le « comment produire ? » ne soient pas seulement décidés dans les conseils d’administration de quelques grands groupes avec la valorisation boursière comme seule boussole.
C’est avec cet objectif que la Cgt , avec de nombreuses organisations au sein du collectif “plus jamais ça”, ont publié ces derniers jours 25 propositions pour de nouvelles ambitions économiques, sociales, environnementales et de redynamisation démocratique.
Ces propositions rejoignent, pour nombre d’entre elles, celles retenues dans le rapport du Cese de février dernier concernant les filières stratégiques et les priorités à définir et à mettre en œuvre .
Nous souhaitons, dans cette intervention, insister sur 4 objectifs principaux :
1er objectif : Produire pour répondre aux besoins sociaux et environnementaux
Les plans de relance , s’ils sont cohérents dans leur contenu et entre eux comme le souhaite notre contribution , peuvent devenir de vraies opportunités pour répondre à ces besoins. Cela supposerait notamment 2 éléments essentiels : Construire des logiques de coopération de filière, inter filières mais également des logiques de coopération territoriale , infra régionale, inter régionale, nationale et européenne. d’une part et imposer des conditionnalités à ces aides d’autre part . Or, aujourd’hui , le fil directeur de ces plans de relance demeure profondément la logique de mise en concurrence exacerbée et ils ne contiennent aucun critère de contrepartie contraignante.
2ème objectif : Développer les services publics, définir des biens communs.
Les enjeux de l’eau, de l’énergie, des transports, de la santé, des services financiers constituent des biens communs qui doivent échapper aux appétits du marché, des multinationales. Ils constituent des enjeux majeurs pour développer l’industrie, pour réduire les inégalités sociales et territoriales. Ces services publics, ces biens communs contribuent grandement à l’attractivité des territoires ,ce que ne pointe pas notre avis.
Aujourd’hui 18 mai, les salariés de l’énergie, réunis en intersyndicale et avec le soutien de nombreux élus et citoyens, manifestent pour s’opposer à l’éclatement du service public de l’énergie voulu par Bruxelles et le gouvernement français. Notons aussi que des industriels ,soucieux de la compétitivité de leurs entreprises , se mobilisent également contre ce projet. Cette mobilisation, sur les questions de production de l’énergie et d’accès à l’énergie, engagée depuis de longs mois, est au coeur des enjeux de relance industrielle, au coeur des enjeux sociaux et environnementaux. Tout comme la mobilisation que la CGT soutient ,avec la très grande majorité de nos concitoyens, pour un ambitieux plan d’investissement pour la santé et l’action sociale.
3ème objectif : La souveraineté économique
Le rapport du Cese en février dernier sur les filières stratégiques insiste notamment sur l’entrée par les besoins sociaux et environnementaux pour identifier les filières concourant à notre souveraineté. Il insiste sur le rôle que peut jouer le commissariat au plan pour définir une démarche planificatrice ,engager une programmation pluri annuelle de ré-industrialisation. Le rapport laisse également une large place aux enjeux de formation, de G.P.E.C. afin d’anticiper les mutations à venir . En plus de ces grandes priorités, que nous partageons, nous insistons également sur l’urgence de stopper les logiques de dérégulation, d’abandonner les accords de « libre échange », pour imposer des règles sociales et environnementales strictes , mutuellement profitables aux pays exportateurs et importateurs.
4ème objectif : Droits nouveaux et sous traitance :
Voici 40 ans, avec les lois Auroux , les salariés, leurs représentants, leurs organisations syndicales obtenaient des droits nouveaux pour intervenir sur les choix stratégiques des entreprises. Ces droits nouveaux contribuèrent alors à une amélioration importante de la démocratie sociale , même si la Cgt aurait souhaité des évolutions législatives plus conséquentes. Les lois travail de 2015/2016 et 2017/2018 ont réduit de façon drastique les capacités syndicales à intervenir sur les stratégies au grand bonheur du patronat.
Et, aujourd’hui, les Comités Economiques et Sociaux des entreprises sont les grands oubliés des plans de relance. Au fond, ce qui ressort des modalités de mise en œuvre des plans de relance européens et français , c’est que seuls les employeurs ont légitimité à définir les choix économiques. Compte-tenu de la structuration en place du tissu économique, déjà modelée par les choix financiers des grands donneurs d’ordre , c’est donner à ces derniers un poids exorbitant sur le devenir du tissu industriel existant au moment où celui-ci doit engager une transformation de grande ampleur. Ce qui se passe en ce moment entre les constructeurs automobiles et leurs sous traitants en fonderie l’illustre de façon édifiante, entre fermetures pures de sites et projets de transfert sur des structures de « défaisance » . Seules, des actions syndicales très déterminées permettent de faire bouger les lignes.
C’est cette réalité qui constitue le quotidien de nombreuses entreprises de sous-traitance. Nous réaffirmons que les rapports donneurs d’ordre / sous traitants ne s’amélioreront que si ceux – ci deviennent transparents. Pour cela, la CGT formule depuis longtemps la proposition de création de comités inter entreprises, rassemblant une fois l’an les employeurs DO et ST et les CSE de ces entreprises , afin de débattre des besoins, des perspectives de production et des conditions pour la satisfaction de ceux – ci afin de « co-construire » ensemble les conditions d’évolution de chacun et de compétitivité de tous.
Nous regrettons vivement que la note sur cet enjeu de la sous traitance en reste à des préconisations de bonne conduite qui ne changeront pas la situation existante.
En raison principalement de cette insatisfaction, la CGT s’abstiendra.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1624