L’obligation de formation des 16-18 et l’accompagnement des mineurs
La commission « Orientation, éducation, formation et parcours professionnels » a souhaité, en automne 2022, travailler sur le dispositif « Obligation de formation pour les 16-18 ans » instauré en 2019 dans le cadre de la loi « Pour une école de la confiance » afin d’approfondir la préconisation n°6 du volet 1 de la contribution S’orienter, se réorienter qui portait sur le lien entre orientation et décrochage scolaire.
Après un an de travail, la commission a donc abouti à cette note.
Qu’on ne s’y trompe pas l’obligation de formation pour les 16 – 18 ans n’est pas un dispositif qui concerne exclusivement les jeunes « sortis » du système scolaire mais bien l’ensemble de la classe d’âge des 16 à 18 ans dont celles et ceux qui sont scolarisé.es aussi dans les établissements de l’éducation nationale ou agricole.
En effet l’article 15 de la loi dit : « cette obligation est remplie lorsque le jeune poursuit sa scolarité dans un établissement d’enseignement public ou privé, lorsqu’il est apprenti ou stagiaire de la formation professionnelle, lorsqu’il occupe un emploi ou effectue un service civique ou lorsqu’il bénéficie d’un dispositif d’accompagnement ou d’insertion sociale et professionnelle ».
A notre sens, la commission a fait l’amalgame entre l’obligation de formation et le décrochage scolaire, en focalisant sur les NEETS (ni en Emploi, Etudes ou formation), en excluant de fait toutes celles et ceux qui sont scolarisé.es dans les établissements scolaires.
A la lecture de la note et de la référence faite aux données du Comité de pilotage régional sur l’obligation de formation des 16-18 ans, on pourrait croire que seulement 30.000 jeunes relèvent de cette obligation., pourtant en AURA 213.000 jeunes sont scolarisés dans les lycées.
Nous devons donc comprendre que sur les 30.000 jeunes de 16 à 18 ans qui quittent le système scolaire avant 18 ans, 12 000 d’entres elles et eux sortent des radars.
Qui sont les jeunes décrocheurs ?
Si la réalité des NEETS et de leur accompagnement doit bien naturellement être une préoccupation de la commission, n’aurait-il pas été préférable de s’interroger au préalable sur ce qui constitue les éléments précurseurs au décrochage ? Qu’ils soient de l’ordre de l’individu : relation à l’école, histoire familiale, difficultés psycho-sociales, d’apprentissage, ou d’ordre structurel : mobilité, manque de moyens dans les établissements pour permettre d’encadrer et suivre les jeunes de manière plus personnalisée.
De même, ne peut-on pas accepter que dans certains cas un jeune puisse bénéficier d’un temps de réflexion personnel plus ou moins long, temps que certains peuvent qualifier de paresse ou de l’ennui et qui parfois est nécessaire à l’adolescent, adulte en devenir. Le temps du choix comme celui de l’orientation, est un temps qui ne doit pas être pris à la légère, il ne paraît pas anormal qu’un élève ait besoin de temps pour effectuer un choix d’orientation qui lui corresponde. Pour prendre un raccourci s’orienter c’est un métier !
Ce qui est qualifié de « décrochage » ne doit pas forcément être vécu comme un échec personnel pour le jeune. Or le risque de cette obligation d’être inscrit dans un dispositif peut être perçu par ces jeunes comme culpabilisant et stigmatisant.
Le manque de recul par rapport à la loi et son application n’ont pas permis à la commission de déterminer l’efficience de celle-ci d’autant que seuls trois dispositifs ont été vus (AFPA, EPIDE et école de la deuxième chance) et que les différents organismes ou administration auditionnés n’étaient pas encore en capacité de fournir un bilan précis.
Nous avons pu au travers de nos visites rencontrer et échanger avec des jeunes en formation suite à un décrochage scolaire. Les témoignages des jeunes sur le retour à la formation à travers l’AFPA, l’école de la seconde chance ou encore l’épide étaient majoritairement positif. Chacun chacune d’entre elles et eux nous ont fait part de la satisfaction de se sentir reconnu et accompagné.
La commission devait investiguer sur l’obligation de formation des 16 à 18 ans afin de faire un état des lieux et effectuer des préconisations. Or elle a élaboré sa note en partant du postulat que le décrochage équivaut au décrochage de l’éducation nationale et agricole. Il en résulte que les dispositifs liés à l’obligation des 16-18 ans dans le système scolaire ont été abordés de manière rapide. Il aurait été intéressant, voir déterminant pour nos travaux, de développer tout ce qui est proposé en amont de la sortie du système par les acteurs de l’Éducation Nationale et agricole.
Les préconisation du CESER
Tout d’abord l’axe 2 « Soutenir les structures d’accueil et professionnaliser l’accompagnement des jeunes », préconisation qui doit porter toute notre attention. En effet, il est indispensable pour ces structures qu’elles soient adaptées aux jeunes mineur.es. Public avec lequel elles n’ont pas forcément l’habitude de travailler et qui demande des formations spécifiques.
Lors de nos visites, nous avons noté que ces structures, support au dispositif, sont de tailles moyennes voire « familiales » avec un taux d’encadrement élevé et diversifié (éducateurs, formateurs, personnels de santé…)
Mais alors , ne serait-il pas plus judicieux de redonner la main aux Établissements Publics Locaux d’Enseignement pour proposer des nouveaux parcours d’accompagnement et de formation adaptés aux jeunes les plus éloignés de la culture scolaire ? Mais cela nécessite des moyens supplémentaires et transférer une partie des sommes allouées à ces dispositifs à l’Education Nationale.
Concernant l’axe 1 « Améliorer la visibilité, l’information et le suivi de l’obligation de formation »
S’il est important d’avoir les informations sur l’efficacité de l’ensemble des dispositifs liés au décrochage, il est aussi important d’avoir une vison globale de la situation des jeunes à 18 ans : Exemple, sur le nombre de jeunes inscrits dans ces dispositifs 16-18 hors école combien sont-ils à sortir sans diplômes ? Même question pour des élèves scolarisés en lycées ?
A notre sens, la note n’est pas assez restrictive sur les éléments d’échanges de données entre les différentes bases. La réglementation RGPD (« Règlement Général sur la Protection des Données ») seule est insuffisante car elle ne prend pas en compte deux éléments qui nous semblent importants : le droit à l’oubli et la proportionnalité des données en fonction de l’objet, ceci au regard des éléments qui touchent à l’intimité de personnes mineures voir vulnérables.
Enfin l’Axe 3 « Mobiliser les acteurs régionaux, travailler ensemble »
Nous sommes favorables à l’implication de la région dans les dispositifs de formations et dans le cadre du SPRO (service public régional de l’orientation) tel que présenté dans la note. Mais nous tenons à rappeler que la région a un rôle à jouer en matière de prévention du décrochage. En effet, c’est elle qui a la capacité de dotation budgétaire des équipements des lycées, des bâtiments et du cadre de vie et d’apprentissage des lycéens.
Dans cet axe, en page 33, il est fait état des différentes réformes du lycée professionnel. Nos organisations syndicales ont souhaité que la commission ait un regard sur la nouvelle réforme de la voie professionnelle sous statut scolaire. Contrairement aux annonces du gouvernement, elle ne nous parait pas être une réforme de lutte contre le décrochage scolaire, bien au contraire. Cette réforme arrive après celle de 2019 dont aucune évaluation n’a été effectuée. En fait, ces réformes successives ont comme ultime but seulement de mettre en emploi le plus rapidement possible le jeune. Si la note dit bien que « Le CESER restera attentif aux modalités et aux conséquences de la mise en oeuvre de la réforme en cours de la voie professionnelle en région » Nous aurions aimé que la commission investigue davantage sur les conséquences que ces réforme ont sur la partie la plus fragile de la jeunesse notamment dans le cadre de l’obligation de formation et du décrochage scolaire.
Pour terminer, à plusieurs reprises, il a été demandé, particulièrement par la CGT de prendre un temps sur France Travail afin que la commission puisse prendre en compte le futur cadre dans lequel ces dispositifs se développeront, en particulier pour les missions locales. En effet, la loi dite « de plein emploi » prévoit une refonte des contrats d’engagements y compris pour les Missions Locales.
Les missions locales, et plus particulièrement les conseillers et conseillères, se retrouveront fortement impactés par cette loi. Déjà avec le Contrat Emploi Jeune leur travail s’éloigne de plus en plus de l’insertion et de l’accompagnement pour se centrer sur un accès rapide à l’emploi dans un cadre d’obligation pour l’instant volontaire. Le quantitatif ne doit pas devenir la norme, le remplissage d’un tableau Excel ne peut en aucun cas se substituer à un accompagnement personnalisée du jeune, accompagnement qui demande du temps et des moyens.
Vous l’aurez compris, au vu des remarques que nous avons émises, nous nous abstiendrons.