La question de la mesure de la richesse est posée de façon récurrente depuis des années. Dans tous les pays, la mesure utilisée est le Produit Intérieur Brut : le PIB. Il sert à comparer les pays, à les classer selon leur niveau de développement. Il mesure la production de richesses matérielles (la valeur ajoutée), qui donne naissance au revenu des agents économiques : salaires, profits, impôts. Ce sont les prix de marché des biens et des services qui fixent la valeur et donc le montant du PIB. Par exemple la richesse créée par les services publics est calculée sur la somme des salaires des agents publics et non par leur utilité sociale.
La remise en cause du PIB comme instrument de mesure
De par sa construction, le PIB est forcément limité. En effet, ce qui n’a pas de prix, n’a pas de valeur dans le PIB. Par ex. le travail domestique est considéré comme n’ayant pas de valeur : « épousez votre femme de ménage et vous ferez baisser le PIB » (Alfred Sauvy). La question du coût de la destruction de l’environnement n’est pas du tout prise en compte par le PIB, au contraire, cette destruction le valorise : la catastrophe de l’Erika a augmenté le PIB grâce aux travaux de reconstruction, réparation, indemnisation…
Le PIB ne s’intéresse pas non plus aux inégalités dans un pays : il s’agit d’une moyenne par habitant, sans tenir compte de la répartition des richesses. Au niveau mondial, même si la richesse augmente, on constate que 20 % de la population se partage 80% de la richesse, 40 % de la population se partage 4 % de la richesse. En France, 10 % des ménages les plus riches se partagent 50 % de richesses, 50 % des plus pauvres ont 7 % du patrimoine.
Enfin, le lien entre le bien être des habitants et l’évolution du PIB de leur pays n’est pas probant. Etude d’Easterlin : La comparaison entre l’évolution du PIB par tête et des enquêtes subjectives sur le bien être montre qu’il n’y a pas de lien.
Ce paradoxe a instauré une réflexion autour de la remise en cause du PIB
comme unique indicateur de richesse, comme indicateur du « bonheur ».
D’où vient l’idée que l’accumulation des richesses matérielles rend plus heureux ?
Le 18ème siècle voit l’émergence des « politiques du bonheur ». Le bonheur ne vient plus uniquement de la sphère du privé, de l’ordre privé, mais devient un objet de politique. Le développement du libéralisme économique et politique va de pair avec la recherche individuelle du bonheur. Ex. : la déclaration d’indépendance des Etats-Unis présente le bonheur, à la fois comme un droit pour les individus et comme un but politique. Voir aussi la Déclaration des droits de l’homme de 1789, Constitution de 1793.
L’utilitarisme est une philosophie prend pour fondement le principe d’utilité publique. Se pose alors la question de la mesure et de l’évaluation du bonheur pour guider l’action politique. Le bonheur devient alors une préoccupation de nature économique : la monnaie est l’instrument de mesure pour quantifier le plaisir et la peine. On gère le bonheur comme un placement financier. Derrière ces principes, il y a la question de la valeur.
Pour Adam Smith, la croissance et l’enrichissement des nations sont un moyen d’assurer la prospérité et le bonheur de tous.
D’autres indicateurs sont-ils possibles ?
Le gouvernement Sarkozy a mis en place une commission Stieglitz chargée de faire des propositions sur ce sujet. Mais cette commission composée majoritairement d’économistes libéraux n’a pas fait l’unanimité.
D’autres travaux ont eu lieu, on peut citer le Conseil Economique Social et Environnemental sur les indicateurs écologiques ou le réseau d’alerte sur les inégalités. Celui-ci produit a produit un autre indicateur le BIP 40. Il est composé d’indicateurs différents pondérés, avec une moyenne arithmétique… ex chômage, santé, logement, précarité, revenu…
D’une part, les indicateurs existants ne révèlent pas la richesse réelle. Mais il faut quand même des chiffres pour être audibles, pour « compter ». L’enjeu c’est compter ce qui compte et non pas compter ce qu’on a l’habitude de compter. Si on résume, il faut produire des chiffres les moins bêtes possibles, même si on sait que tous chiffres présentent de risques importants et des limites : compter c’est résumer et transformer la réalité.
Le choix des indicateurs de bien être et de richesse d’un pays est forcément subjectif et politique, en effet, en fonction des choix des éléments mesurés, la photographie est différente. Pour que les chiffres soient les moins bêtes : une discussion collective et démocratique est nécessaire
__
Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article970