Le syndicat Cgt de Valeo à Issoire s’est engagé, avec l’aide de l’ADEES (outil d’études et de recherches créé par la Cgt en Rhône-Alpes), dans une démarche d’appropriation des évolutions technologiques dans leur entreprise et de leurs conséquences pour ses salariés.
Une visite de l’entreprise a été obtenue ; elle a eu lieu le 10 octobre 2016, suivie d’une réunion syndicale. Le 16 janvier 2017, une nouvelle réunion s’est tenue chez Valeo avec 10 syndicalistes, suivie d’une autre à l’UL avec douze personnes, permettant d’élargir la réflexion à des syndicalistes de Constellium, de la formation professionnelle, des responsables de l’UD, de l’USTM et de l’UL.
On parle beaucoup actuellement de « révolution numérique » et le gouvernement finance les entreprises pour qu’elles passent à « l’usine du futur ». Certains disent qu’aucune des technologies concernées (informatique, machines à commandes numériques, robotique…) n’est nouvelle. Mais ce qui est vraiment nouveau c’est la connexion qui peut être réalisée entre les machines et les énormes banques de données (« big data ») qui centralisent des milliards d’informations concernant les produits, les consommateurs, les expériences de travail, la résolution des pannes, etc. Et ça, c’est en train de changer fortement la situation en matière d’emplois, de métiers, de qualifications, et la Cgt se doit d’être à l’offensive sur ces questions.
L’intérêt de la démarche de la Cgt de Valeo est de montrer que ces évolutions sont déjà largement à l’oeuvre, qu’on peut se les approprier en partant des attentes concrètes des salariés concernant leur travail, et que des revendications syndicales intégrant ces questions peuvent changer la donne.
Le fait que plusieurs générations d’équipements (certains ont 25 ans, d’autres sont tout récents) se côtoient dans les mêmes locaux montre bien que quand on parle « d’usine du futur » cela ne signifie pas qu’il y a des « industries du passé » et des « industries du futur », majoritairement ce sont les usines actuelles qui se transforment.
C’est la logistique qui semble concernée en premier par le passage à « l’usine 4.0 », avec la numérisation des données concernant les produits, leurs flux, la gestion des stocks, la circulation des produits, les arrivages et expéditions… Aujourd’hui on peut constituer une « image camion » pour le client 24 ou 48 h avant de lancer la production. Une connexion directe des machines avec les commandes client et le plan de production pourrait être mise en oeuvre dans 4-5 ans, ce qui supprimerait des emplois administratifs…
C’est par l’organisation que passent l’essentiel des changements et la Cgt en a fait un axe de revendication : elle a obtenu l’abandon d’un contrôle horaire des tâches et s’est opposée à la pratique des « opérateurs tournants » sur certains postes.
Les innovations ont une influence très contradictoire sur les compétences demandées aux salariés : une simplification des tâches et une standardisation qui font naître de la frustration, plus d’autonomie en apparence mais avec une domination des procédures (« aujourd’hui on est plus autonome, par contre, c’est le programme qui indique la bonne réponse ! ». Même chose concernant la maintenance (« ce n’est plus le même métier, pour l’opérateur la maintenance se transforme en simple nettoyage »). En fait, une partie importante des savoirs et savoir-faire passe dans les compétences « d’intelligence collective » (polyvalence, gestion du collectif de travail, coordination avec l’amont et l’aval…), celles qui justement ne sont pas reconnues par l’entreprise. Il y a donc là « du grain à moudre » pour obtenir des avancées collectives utiles aux salariés, en les sortant de la confrontation directe avec la hiérarchie.
La Cgt de Valeo veille à ce que les innovations ne conduisent pas à ce que quelques salariés seulement « restent dans le train ». Elle s’est battue pour « repêcher » des salariés que la direction voulait sortir de leurs postes et pour exiger des conditions de travail adaptées à leur situation. Elle est le moteur d’une refonte du système d’évaluation et agit depuis longtemps pour obtenir une grille de classification qui reconnaisse davantage les compétences transversales (en 2003, une grève a permis des avancées en ce sens). Elle revendique une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et un plan de formation ambitieux, donnant aux salariés plus de lisibilité sur les évolutions à venir des métiers.
Les autres entreprises d’Issoire sont évidemment également concernées par ces évolutions. Chez Constellium est installé un contrôle par caméra et ordinateur qui devrait peu à peu remplacer le contrôle visuel et les postes correspondants. Pour la Cgt, « plusieurs choses se mettent en place, on ne comprend pas toujours où ils veulent aller, quelles peuvent en être les conséquences, d’où l’intérêt de mieux s’approprier ces questions ».
L’Union Syndicale des Travailleurs de la Métallurgie et l’Union Départementale du Puy de Dôme jugent donc important de poursuivre ces échanges d’expériences et de réflexions, qui s’inscrivent bien dans la campagne lancée par la Cgt pour la reconquête de l’industrie.
__
Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1307