COP 21
L’avis du CESER sur l’Éducation à l’Environnement et au Développement Durable (EEDD) est proposé au vote de notre Conseil à trois semaines de l’ouverture de la COP 21.
L’irréversibilité des effets climatiques qui s’annonce si les modes de développement mondiaux ne sont pas réorientés, sera fatale à l’humanité. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat en a fait l’analyse et le constat sans ambiguïté.
Il est indispensable de réduire à court terme et au niveau mondial, l’émission des gaz à effet de serre.
La transition écologique
Il appartient à chaque pays d’opérer la transition écologique nécessaire en fonction de son contexte. Les disparités de ceux-ci, illustrées par la Chine qui produit 25% des gaz à effet de serre et dont la première source d’énergie sera bientôt le charbon et la France qui produit 1% des GES et dont la source d’énergie essentielle est nucléaire, seront au centre des dynamiques de la COP 21. Pourtant, il n’y a pas d’autre alternative pour atteindre les objectifs imposés par les enjeux climatiques identifiés.
La transition écologique, c’est le processus par lequel notre société doit évoluer d’une organisation économique centrée essentiellement sur la consommation d’énergies fossiles, pour aller vers une économie de moins en moins énergivore et polluante.
La France doit y prendre activement sa part en substituant à terme les énergies fossiles par de nouvelles sources d’énergies et développer la sécurisation et la maîtrise de sa source nucléaire. Pour opérer cette transition écologique, le débat sociétal est central et ce serait préjudiciable d’en faire l’économie.
Comme le dit notre avis, la réussite de la transition écologique, « suppose que les diverses composantes de la société s’approprient les enjeux et adoptent de nouvelles références et de nouveaux comportements individuels et collectifs pour y faire face ».
Le développement durable en tant que conception pour appréhender les besoins croissants de l’Humanité et y répondre, vise à rééquilibrer en faveur de l’environnement et du social, les critères d’orientation des stratégies de développement.
Aujourd’hui, se pose de façon vitale la question de « que produire, quoi, pour qui, comment ? ».
La répartition à chacun selon ses besoins, de la terre, de l’eau et de l’air, redevient la question centrale de l’humanité sur cette planète. L’abondance inépuisable pour certains et chimérique pour la plupart, arrive à cette issue que même les plus privilégiés sont désormais en danger et doivent reconsidérer leur approche qui a conduit à la question de la survie.
Les enjeux sont audacieux car se heurtant à des logiques établies d’intérêts privés et de considérations à courts termes. Mais ces défis sont incontournables.
Cela impose la considération de l’intérêt collectif et du bien commun comme valeurs sacrées devant l’intérêt privé. Au-delà de l’éducation et de la responsabilisation qui sont indispensables pour tous les publics, les modes de production et les logiques marchandes sont avant tout au cœur de la question. Il faut produire autrement.
L’échec de la taxe carbone, l’hécatombe des insectes pollinisateurs et le récent scandale qui a révélé des pratiques de l’industrie automobile, témoignent, parmi tant d’autres, de ces logiques désastreuses.
L’intérêt commun de l’humanité doit s’affranchir de ces impasses qui laissent la production se déterminer de façon irresponsable. C’est le sens fondateur du Développement Durable.
Le temps est compté pour tous et la planète saura nous le rappeler bien avant l’heure.
Il faut remettre l’humain au cœur de sa planète et répondre à ses besoins de vie, de connaissances et d’émancipation et nous sommes là, loin des considérations marchandes qui prévalent et qui nous mènent à l’irréversible.
Car on le constate de plus en plus, c’est le système marchand tel qu’il s’est engagé qui détermine les comportements des consommateurs. On observe ainsi une dérive et une inversion de la « logique de marché » : En grande partie, aujourd’hui, c’est la production qui veut définir les besoins. Rappelons ici le budget mondial de la publicité qui s’élève à 500 milliards de dollars, soit 1 % du PIB mondial (Une étude de l’ONU estime que pour réduire la moitié de la faim dans le monde, 10% de cette somme suffirait) et celui du marketing à 120 milliards de dollars, rappelons les stratégies industrielles d’obsolescence programmée, rappelons les lobbyings institutionnels qu’opèrent les multinationales pour réglementer à leurs convenances, rappelons les traités de libres échanges commerciaux qui se construisent sans la souveraineté des peuples.
Responsabiliser les citoyens ? Oui mais en levant les ambivalences et les contradictions.
Avec l’EEDD c’est bien de la sensibilisation de tous aux ressources limitées de la planète dont il est question. En conséquence, la question du partage de celles-ci est centrale. Comment pourrait-on éduquer la plupart quand d’autres se livrent au gâchis ?
Apprendre à tous à manger des insectes, comme le préconisent plusieurs rapports de la FOA pour permettre à quelques-uns de continuer à manger de la côte de bœuf, ce n’est moralement pas tenable. C’est faire abstraction d’une reconsidération des modes de productions. Quand 30% des denrées alimentaires sont détruites chaque année, quand les stratégies de privatisation des organismes vivants par les multinationales privent les populations les moins développées de leurs ressources agricoles, il y a d’autres champs d’investigations que de poursuivre dans cette voie si l’on veut éduquer et remporter l’adhésion à de nouveaux modes de consommation protecteurs de notre environnement.
Le site national internet de « l’éducation au développement durable »* est symptomatique de cette approche. Le jeu interactif qu’il propose pour sensibiliser les jeunes à la « forêt durable » porte un message de responsabilisation au moment où la déforestation massive des forêts primaires est opérée de manière intense. Cela limite la portée du message et l’EEDD doit prendre en compte cette contradiction transversale à tous les dossiers environnementaux.
L’EEDD
Le défi de la dialectique qui peut se construire autour de la question de la responsabilité ne dois pas devenir controverse, au risque de rendre l’éducation inopérante.
l’EEDD, dont notamment le CESE et GRAINE Rhône-Alpes ont montré la portée encore limitée, doit s’engager vers un élargissement des publics et une responsabilisation des acteurs économiques, institutionnels et associatifs. Cela implique transversalité et appropriation des enjeux par tous.
Selon l’avis du CESE de 2013, l’EEDD doit « aborder des thématiques comme la modification des modes de vie, de consommation, distribution et production dans le but d’économiser les ressources, de réduire les impacts environnementaux et sanitaires de notre mode de développement ». Il engage donc sur cette voie en préconisant notamment « d’articuler l’EEDD avec la Responsabilité sociale des entreprises » et de la « diffuser dans le monde du travail ».
Certes, le périmètre régional de notre avis fait que celui-ci n’a pas d’incidence sur des décisions d’ordre national mais la CGT peut regretter, dans notre avis, la timidité des préconisations qui auraient pu donner davantage de prise aux salariés et aux citoyens dans les débats et les questions touchant à la production et à ses conséquences sur l’environnement.
Dans son avis, le CESE pose lucidement « la nécessaire appropriation par tous des finalités du développement durable » comme objectif affiché de l’EEDD. Cette appropriation, c’est en grande partie l’éducation et l’éducation c’est évidemment aussi l’exemplarité.
Éduquer les citoyens sur les enjeux du développement durable, c’est vouloir les rendre lucides, c’est vouloir les émanciper pour les rendre acteurs, c’est passer du concept « d’acceptation sociale » au concept « d’appropriation » puis « d’adhésion sociale ».
Le but de l’EEDD ne se limite pas à être informé pour responsabiliser, voire culpabiliser. Il n’est pas à terme d’obéir mais de participer à la vie de la Société et d’en mesurer ses enjeux de développement humain durable. Il s’agit pour chacune et chacun d’en prendre sa part de souveraineté. En effet il s’agit bien, comme le souligne le CESE, de « donner les moyens à tous les publics pour contribuer à un monde durable ».
Il est donc impossible de persévérer dans ce trop grand déséquilibre de pouvoir entre lieux de décisions économiques déterminantes pour l’environnement et les outils d’interventions citoyennes.
Au niveau régional, les conditions d’intervention dans les stratégies de filières, dans les stratégies d’entreprises et dans la définition des schémas régionaux, doivent être considérées avec des outils démocratiques qui restent à définir.
Oui, nous le préconisons dans notre avis, les prérogatives des CHSCT sont interpellées. C’est une cible pertinente. Cependant, elles doivent, au-delà des actions de sensibilisation des salariés, pouvoir donner à leurs élus, une vision sur les processus et les finalités de productions quant à leurs conséquences environnementales.
Oui, nous le préconisons dans notre avis, il faut prendre en compte l’EEDD dans les schémas régionaux en lien avec le monde économique. Cela va dans le sens de l’appropriation. Mais de façon complémentaire, il convient de prendre en compte le Développement Durable dans l’établissement de ces schémas et de définir la juste place de tous les acteurs, industriels et citoyens pour garantir l’adhésion sociale.
Oui, nous le préconisons dans notre avis, il faut inscrire l’EEDD dans l’évaluation des politiques régionales. Les moyens engagés, qualitatifs et budgétaires, sont voués à croître et dans ce domaine du Développement Durable, chaque euro dépensé au nom du contribuable doit garantir un euro pour sauver la planète. Les erreurs d’affectations seraient préjudiciables au temps qui nous est compté.
Pour la CGT, même si l’avis sur l’EEDD reste en retrait des indispensables conditions d’appropriation sociale que nous venons d’exprimer, il prend en compte les arguments de la CGT et prolonge l’avis du CESE en faisant des préconisations qui vont dans ce sens et applicables à notre territoire.
La CGT votera donc cet avis.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1079