“anticiper les transitions et favoriser les dynamiques territoriales pour un développement économique humain et durable”
Témoignage de ST Microelectronics
La logique financière contre la stratégie industrielle
ST Microelectronics, entreprise de microélectronique née en 1987 de la volonté des Etats français et italien d’assurer à l’Europe la maîtrise de la conception et la fabrication des composants microélectroniques. Il est important de rappeler ici quelle était la mission donnée à l’origine à STMicroelectronics.
En mai 2015, le PDG de ST Microelectronics, Mr Carlo BOZOTTI a annoncé publiquement que les pertes devenaient intenables, et que toutes les options étaient envisagées. Il n’a pas à ce jour précisé ses intentions mais les organisations de salariés craignent à juste titre que cela signifie à terme l’abandon de la microélectronique.
Cette situation est d’abord la conséquence d’une logique strictement financière, axée sur la réduction des coûts et la distribution de dividendes (360 M$ versés en 2014, 150 M$ de rachats d’actions en 2014), pas d’investissement d’avenir. Mais l’affaiblissement du numérique, les politiques de court terme auront forcément rapidement un impact sur l’ensemble de l’industrie de la microélectronique.
Les pouvoirs publics doivent intervenir pour obtenir un changement de cap radical. Il faut remettre en place une stratégie industrielle ambitieuse, de moyen et long terme, portée par une nouvelle équipe dirigeante. Les liens entre la France et l’Italie dans ST doivent être renforcés.
Au niveau européen, il faut oeuvrer activement en faveur d’un programme industriel pour la microélectronique, un “airbus de la microélectronique”. Il faudrait dans la partie technologique renouer les liens affaiblis avec les grands labos européens. Développer des alliances aussi dans le logiciel. Créer des filières industrielles (ex médical).
C’est une industrie stratégique pour l’ensemble des secteurs industriels. Il y a besoin de moyens pour développer de nouvelles technologies et installer de nouvelles capacités de production en Europe. Au niveau européen, il y a besoin d’investir pour de nouvelles technologies et de nouvelles usines. Pour cela, il y a besoin de forts investissements et de recapitalisation.
Mais tout cela n’a de sens que si ST met tout de suite en oeuvre une stratégie industrielle ambitieuse, tournant le dos à son orientation calamiteuse, tournée depuis des années vers la rentabilité à court terme, avec des dividendes importantes au détriment des investissements.
Un travail croisé entre les syndicats français et italiens
La CGT de ST-France entretient des liens anciens avec les syndicats de ST-Italie, notamment la CGIL. Devant ce qui est une menace majeure pour tout ST, nous avons décidé d’intensifier ces liens par des rencontres mais aussi par des initiatives de lutte communes.
Le 15 octobre, des camarades italiens sont venus témoigner leur solidarité aux salariés français lors d’un rassemblement devant le site de ST Grenoble. Leur présence a été très appréciée par les salariés, car cela traduit la solidarité entre salariés italiens et français. Il y avait aussi des camarades de ST Crolles, des responsables syndicaux de laboratoires de recherche, d’université, d’industries fortement utilisatrice de la micro-électronique. Les media ont bien rendu compte de cette journée qui avait beaucoup de sens. Cela a redonné confiance aux salariés.
Le 26 octobre, une délégation de la CGT s’est rendue devant le site de ST Agrate pour participer à une assemblée générale organisée par l’ensemble des organisations syndicales italiennes. Les salariés italiens ont aussi beaucoup apprécié notre présence.
Les messages envoyés par les syndicats italiens et français aux salariés ont été les suivants :
- Les dirigeants de ST ont une politique de court terme avec des objectifs financiers. On va droit dans le mur. L’industrie microélectronique est importante pour l’Italie et l’Europe. C’est un joyau industriel, avec des savoir-faire reconnus internationalement. Il faut le défendre.
- Les Etats français et italien doivent intervenir ensemble pour imposer une autre stratégie à ST, et contribuer à une action concertée au niveau européen.
- C’est un problème commun à la France et à l’Italie, c’est un problème de niveau européen.
Au sujet de l’Europe, il y a la prochaine rencontre d’IndustryAll à Bruxelles mi-novembre.
Comme on le voit, il s’est construit une vraie unité concrète entre salariés italiens et français, grâce à l’intervention des organisations syndicales qui ont impulsé des luttes communes. Cela donne un sens concret à la solidarité et à l’action commune.
En France comme en Italie, il va y avoir des annonces le 29/10. Nous espérons que rien de grave ne sera annoncé. Mais nous ne pouvons pas nous contenter de cela. Car même si rien de grave ne sera annoncé, nous avons besoin d’une autre politique pour ST. Le maintien de la politique actuelle nous mènera toutes et tous dans le mur.
Un tel changement de stratégie demande un renouvellement de la direction au profit d’une équipe à même de porter un projet industriel de développement, avec une vision à moyen et long terme. Ce serait un signal fort pour redonner confiance dans STMicroelectronics à ses salariés.
“Un airbus de la microélectronique”
Dans l’immédiat, STMicroelectronics a les moyens de faire face aux pertes du secteur numérique et de financer une stratégie de développement : utilisation des ressources financières actuellement détournées vers des activités financières (dividendes, rachats d’actions), utilisation de la capacité de fort endettement.
Il faut réorienter la stratégie de ST en faveur du développement industriel. Les pouvoirs publics français et italien en ont les moyens, car ce sont des actionnaires majeurs, décisionnaires.
Il faut qu’il y ait un “airbus” de la microélectronique. Les contacts que le comité de groupe européen a eu au niveau de l’Europe nous ont dit qu’il manquait une impulsion forte des états français et italien.
En plus de cela, au vu de l’impact fort de cette industrie sur les territoires où elle est implantée, il est
logique qu’il y ait de fortes initiatives politiques au niveau des régions concernées pour interpeller les
pouvoirs publics français et italien.
En conclusion, nous devons avoir de fortes ambitions et défendre ensemble notre avenir commun.
Mariano BONA
Délégué Syndical CGT ST Microelectronics
Synthèse de l’atelier
Participaient notamment à ce débat des représentants de Catalogne, de la Lombardie et de plusieurs syndicats de Rhône-Alpes.
Bruno Bouvier a présenté un diaporama situant les enjeux de l’industrie et de la recherche pour nos quatre régions ainsi que des propositions de travail pour la poursuite de notre coopération.
La situation de STMicroélectronic présentée par un des élus de l’entreprise est bien l’illustration des stratégies patronales auxquelles sont confrontés les syndicats : vision courtermiste, rupture entre l’activité de recherche et la production, suppression ou délocalisation d’emplois, réduction des investissements…. Les syndicats italiens et français ont su organiser une solidarité de lutte en organisant échanges et soutien aux actions respectives.
Les situations vécues par les salariés de Lombardie, Catalogne et Rhône-Alpes ont les mêmescaractéristiques : recul de l’industrie, perte d’emplois, chute des investissements publics et privés, abandon des politiques industrielles publiques, remise en cause des acquis sociaux et du code du travail, recherche de la rentabilité financière au détriment de l’emploi et de l’innovation.
Pour autant, les écarts entre régions s’accroissent : la Lombardie souffre d’un déficit important d’investissement, par exemple dans le secteur des télécommunications, d’abandon d’activité de recherche.
La Catalogne subit une crise importante dans la construction (-2000 emplois cette année), l’abandon de l’intervention publique au profit de la loi du marché, un retard important dans la formation professionnelle, un déficit énergétique.
La cohésion du développement territorial est un enjeu crucial et les fonds structurels européens ne jouent plus ce rôle.
Dans chaque région, les syndicats ont élaboré des propositions alternatives à ces politiques destructrices, s’appuyant sur le programme de la CES, ils partagent la revendication d’une nouvelle politique industrielle, de mise en oeuvre de coopérations entre régions pour s’opposer à la mise en concurrence.
- Peser sur les stratégies des entreprises pour maintenir le lien entre recherche, innovation, industrialisation
- Agir auprès des autorités publiques pour une formation professionnelle répondant aux besoins d’emplois des jeunes et aux besoins de développement de la recherche, de l’industrie et des services dans nos territoires
- Exiger que les financements publics régionaux, nationaux et européens contribuent au développement équilibré des territoires et à l’emploi durable.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1098