Le Ceser a adopté la contribution, lors de sa plénière du mois de novembre 2020 « Migrations en Auvergne-Rhône-Alpes comment accueillir dignement les migrants et enrichir nos territoires ». A cette occasion, la Cgt s’est exprimée.
Pour la CGT, il est important que notre CESER se soit saisi de cette question maintenant dans un contexte où l’immigration prend de plus en plus de place dans le discours politique avec des tonalités souvent loin de la fraternité inscrite aux frontons de la République.
La contribution, que nous allons voter ce jour, a une dimension qui dépasse largement celle de la région, les choix en matière de politiques d’immigrations relèvent des niveaux national et européen. Pour autant c’est dans des territoires (le plus souvent non choisis) qu’arrivent les migrants et c’est là que peut se réussir ou non leur intégration. C’est bien cette approche qu’a choisie la commission en partant de l’idée qu’une installation réussie était bénéfique tant aux territoires accueillants et qu’aux migrants eux-mêmes. Ce qui nous a conduit à en examiner les conditions de réussite et aussi les obstacles.
Tout au long des mois passés sur cette contribution est apparu un contraste saisissant entre
D’un côté : une Europe dans l’incapacité de secourir des migrants en péril sur des bateaux rejetés de port en port, et une politique nationale qui de règlementation en règlementation durcit les conditions d’accueil des étrangers, restreint leurs droits sociaux.
Et d’autre part un engagement de nombreux citoyens bénévoles, syndicalistes, élus, associations engagés dans une solidarité active considérée parfois comme passible de sanctions judiciaires.
Un accueil rendu aléatoire par des législations régressives
Nous avons d’abord dû démêler l’écheveau d’une législation complexe à l’application aléatoire, des statuts juridiques compliqués, des structures multiples, ce qui produit les situations ubuesques et dramatiques de migrants sans droits, sans toit, sans protection et livrés à eux-mêmes avec tous les risques que l’on connait.
Et au fil des auditions c’est bien la question de l’accueil dans toutes ses dimensions qui est devenue centrale. C’était aussi l’objet de l’avis adopté par le CESE le 25 mai 2018. Jacques Toubon alors défenseur des droits qui avait été auditionné lors des travaux était invité à s’exprimer à la tribune. Je reprends quelques-uns de ses propos : « cette question (migratoire) n’est pas un problème, elle est simplement une donnée du monde actuel (…). Ne croyons pas que nous vivons des temps exceptionnels (…). Contrairement à ce qu’on dit, ce n’est pas l’appel d’air qui fait la migration, c’est la situation intenable qui existe dans un certain nombre de pays… la migration est une force irrépressible qu’aucun mur ne pourra empêcher…«
De son point de vue de défenseur des droits, il considère que les réglementations en vigueur ne prennent pas en compte le respect des droits fondamentaux. C’est pourquoi il fait des recommandations fortes que notre avis reprend à son compte concernant la politique européenne de l’asile.
Un droit au travail nécessaire
Une des conditions essentielles d’une intégration est l’emploi : or, la lenteur des procédures met les demandeurs d’asile dans l’impossibilité légale de travailler pendant de longs mois dans l’attente de leurs papiers, ce qui est source de travail clandestin, d’exploitation par des employeurs sans scrupules, de précarité et d’insécurité pour ces salariés.
La CGT a su de longue date venir en aide aux travailleurs migrants confrontés à ces situations : à partir de leur engagement dans la lutte au sein de leur entreprise se sont créés des solidarités, des syndicats se sont constitués. L’appui persévérant de la CGT a souvent abouti à des régularisations et ces salariés ont trouvé une place et une dignité parfois mise ensuite au service d’autres collectifs de migrants.
Nombreux sont ceux qui ont trouvé leur place dans la société en accédant à des responsabilités dans le monde associatif comme dans la lutte syndicale.
Le CESE préconise d’autoriser l’accès à l’emploi aux demandeurs d’asile dès 3 mois après leur enregistrement et d’organiser des concertations professionnelles en vue de favoriser l’intégration par le travail. Notre avis préconise la mise en place d’une expérimentation régionale encadrée par les partenaires sociaux, la Région et l’Etat afin de réaliser cet accès à l’emploi dans de bonnes conditions.
Comme le CESE qui demande un minimum de 600 heures de formation au français, notre avis met l’accent sur la nécessité de renforcer cet apprentissage, souvent préalable à un intégration réussie, ce qui existe aujourd’hui est notoirement insuffisant faute de moyens et le budget régional de formation doit répondre à cette nécessité.
Un droit au logement décent
L’autre volet de l’intégration est le logement : chacun de nous a rencontré sur son chemin des campements, des squats, des hommes, des femmes, des enfants vivant dans la rue et a vu aux journaux télévisés des évacuations souvent musclées qui n’aboutissent pas toujours à une solution durable. Des élus locaux ont reçu un jour un avis du préfet les informant de l’arrivée dans leur village ou leur ville d’un car de migrants installés dans un bâtiment de leur territoire, comme ce fut le cas quand la jungle de Calais a été démantelée.
L’assimilation de l’immigration à la délinquance, voire au terrorisme que véhiculent certains médias et discours politiques, de même que l’image des longues files de migrants fuyant leur pays ne favorise pas la solidarité et la bienveillance.
Mais pourtant au cours de nos auditions, nous avons reçu des témoignages d’associations, de réseaux, d’élus, de particuliers qui ont participé à l’accueil temporaire ou permanent de familles ou de personnes isolées. C’est souvent une aventure humaine où le partage des expériences et des cultures enrichit tous ceux qui la vivent. C’est la démonstration que la condition à l’intégration est la connaissance mutuelle.
Pour autant, le gouvernement ne prévoit pas de nouvelles places en hébergement alors que les besoins sont loin d’être couverts.
Une implication militante dans les territoires
Ce sont les réseaux de bénévoles et de salariés dans un réseau associatif multiple qui assurent aujourd’hui l’essentiel des actions concourant à l’accueil des populations migrantes avec des financements publics insuffisants, soumis à des postures idéologiques et donc pas toujours pérennes, alors que ces actions nécessitent un suivi dans la durée. Le champ est vaste et la contribution a fait le choix de limiter ses recommandations et préconisations.
Nous avons eu connaissance par la ville de Villeurbanne du réseau « Villes et territoires accueillants » dont font partie deux Régions : Occitanie et Centre Val de Loire et quelques communes : son objectif est d’accompagner les territoires volontaires à se mobiliser autour des politiques migratoires. La Région Auvergne-Rhône-Alpes, terre d’immigration historique aurait toute sa place dans ce réseau contribuant à une communication qui développe l’image positive de l’immigration loin des discours trop nombreux aujourd’hui qui véhiculent méfiance, racisme et repli sur soi.
La crise sanitaire que nous vivons frappe plus durement encore les plus démunis de nos concitoyens, parmi eux les migrants vivant dehors ou dans la promiscuité. Les règles de distanciation sociale fragilisent les réseaux associatifs et donc les aides existantes.
Le groupe CGT votera la contribution.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1576