Le Conseil économique, social et environnemental régional Rhône-Alpes s’est réuni en assemblée plénière le mardi 10 mars dernier. Cette séance était l’occasion pour le CESER d’une Réflexion collective sur la question de l’exclusion en Rhône-Alpes :
Le CESER, « La société civile dans sa diversité », a produit ces dernières années différents travaux sur la question de l’exclusion
En lien avec ces travaux, il souhaite aujourd’hui mettre en perspective sa réflexion. Pour cela, il a fait un point sur la situation de l’exclusion en Rhône-Alpes avec notamment la présentation du rapport de la MRIE Rhône-Alpes (Mission régionale d’information sur l’exclusion). Des représentants d’association ont également présenté des exemples d’actions de lutte contre l’exclusion.
Cette séance plénière a fait l’objet d’un débat sur « Le CESER et l’exclusion, aujourd’hui et demain ».Plusieurs interventions de la cgt à l’occasion de cette plénière ont permis de développer le positionnement de notre organisation.
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Intervention de Christine Canale, membre Cgt au Ceser
30 ans déjà que les Restos du Cœur existent, qui aurait pu dire à l’époque que le nombre de repas servis dépasserait le milliard.
Avec 600 000 pauvres supplémentaires par an, plus personne ne peut ignorer que la précarité affecte une partie importante de la population tant ses effets sont visibles dans la vie quotidienne. Elle a atteint une telle ampleur qu’elle touche non seulement les catégories les plus défavorisées mais également les couches sociales qui bénéficiaient encore, il y a peu de temps, d’une relative stabilité de l’emploi, d’un revenu et d’un travail décent. Aussi la précarité ne caractérise pas une catégorie sociale particulière mais est le résultat d’un enchainement d’évènements et d’expériences qui débouchent sur des situations de fragilisation économique, sociale et familiale.
Enfin avec 10,4 % le taux de chômage actuel atteint désormais son niveau historique le plus haut depuis 1997.
Nul n’est besoin de rajouter chiffres, statistiques en tout genre et se réduire à une nouvelle lithanie de constats. Le réel d’une société française éclatée, fracturée, il faut bien le chercher dans le vécu des millions de salariés en souffrance qui voient leurs garanties collectives , leur pouvoir d’achat rogné, de plusieurs millions de précaires, d’exclus de l’emploi, de centaines de milliers d’abonnés aux restos. Ces millions de situations, de personnes sont là comme autant de témoins, de rappels démontrant que les décideurs économiques et politiques font fausse route depuis longtemps.
L’austérité, quelle qu’en soit la dose, n’a jamais résolu les problèmes, le débat en prospective du CESER sur Europe et investissements l’a largement confirmé. Ne nous trompons donc pas de diagnostic ! C’est la crise qui a creusé les déficits, pas les excès de dépenses et la majorité des réformes structurelles sont destinées à accroitre la précarité, les flexibilités, à réduire le pouvoir d’achat, à limiter l’effort de redistribution.
Peut-on légitimement défendre l’idée que le meilleur moyen de protéger le niveau de vie est de mettre en œuvre des mesures qui l’amputent ? En effet, les ajustements de compétitivité pour favoriser les exportations s’inscrivent dans une logique déflationniste des salaires et des prix pour répondre aux exigences du marché, à la pression financière. Les résultats sont connus en Europe, récession sans fin, tout, sauf l’accroissement et le développement économique et social attendu.
Dans le même temps la BCE inonde de liquidités à bas taux le secteur bancaire en maintenant évidemment le cap de l’austérité. Du coup, les bourses montent, les grandes entreprises distribuent des dividendes comme jamais et le CAC 40 bat des records. Dixit les Echos « les résultats de ces groupes bondissent de plus de 64 milliards et la hausse n’est pas modeste à + 37 %.
Le renversement d’une telle logique est appelé et doit se concrétiser par la mise en œuvre de propositions de rupture : le travail ne doit plus être considéré comme une marchandise, une variable d’ajustement. Il nous faut repenser la dignité et l’activité humaine en valorisant la place du travail dans une visée de développement humain durable.
Mais manifestement, ce n’est pas la voie choisie par le gouvernement. Après l’assouplissement des plans de sauvegarde, de l’emploi et la réforme des prud’hommes contenus dans la loi Macron, beaucoup ayant déjà été fait en matière d’allègement du coût du travail, vient maintenant sur la table l’idée d’assujettir le contrat de travail au résultat de l’entreprise. Dans un marché du travail déjà dual, cette nouveauté serait de nature à réduire le fossé entre contrats précaires d’un côté et CDI classique. Ce contrat de travail s’il voyait le jour rajouterait une dose de précarité, d’insécurité, d’incertitude pour le salarié placé en permanence à la subordination des aléas économiques et résultats de l’entreprise et voué donc à tout moment à rejoindre la cohorte des licenciés, précarisés, exclus.
Avec la fameuse prime d’activité, qui fusionne le RSA et la prime pour l’emploi qui va concerner les personnes touchant jusqu’à 1,2 le Smic soit 1400 euros pour une personne seule, elle va effectivement élargir le champ des bénéficiaires éligibles et est présenté par Valls lui-même comme « un coup de pouce pour le pouvoir d’achat des travailleurs aux revenus modestes ». Mais au fond n’est-ce pas aussi quelque part reconnaitre que pour les millions de salariés payés au SMIC, il faut revaloriser celui-ci, en particulier en mettant aussi en place un dispositif incitatif à la renégociation des minimas-hiérarchiques professionnels, dont les premiers niveaux de salaires sont toujours en dessous du SMIC.
Parallèlement, le désengagement de l’état, la baisse des moyens aux collectivités se traduit par une baisse des dotations de 3,7 milliards de 2015 à 2017. Cela se traduit concrètement par l’abandon de politiques sociales touchant à la protection de l’enfance, au vieillissement, aux aides et accompagnements sociaux de ceux qui sont en difficulté. Le travail social est directement impacté et déjà de nombreuses structures sont remises en causes, l’emploi qualifié menacé et les conditions d’exercice de ces missions sociales fortement dégradées. Il en est de même sur tout le champ de la santé qui induit des difficultés d’accès et de renoncements aux soins.
Au moment où la société est en prise avec de multiples violences économiques et sociales, avec des formes de radicalisations qui remettent en cause notre société du vivre ensemble.
Il faut impérativement redonner sens et moyens aux SOLIDARITES.
Dès lors, conquérir « le pouvoir d’agir » du monde du travail et plus largement, pour enfin repenser la création de la valeur et sa répartition comme facteur d’émancipation constitue un horizon majeur de la transformation de notre société.
Prendre soin du travail, des créateurs de richesses, c’est soigner la société et permettre au monde du silence, des invisibles, de celles et ceux qui vivent le retour « du vivre au jour le jour » dans l’incertitude du lendemain de retrouver confiance et espoir !!!
En trouvant le temps pour l’écoute, le partage dans cette réflexion collective du CESER, que nous saluons, nous souhaitons que le syndicalisme aux côtés d’autres acteurs du champ social, de la société civile participent à la reconstruction des valeurs d’éthique, à l’accès et à l’effectivité des droits de tous pour tous, à l’exercice ,si précieuse, de la DEMOCRATIE.
Intervention de Daniel Bland Brude, membre Cgt au ceser
Les 10 et 11 décembre 2012, la Conférence Nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale avait livré ses conclusions concernant les mesures nécessaires pour lutter contre une pauvreté devenue endémique. Les mesures annoncées avec le RSA, la CME, l’accès au logement, l’insertion professionnelle des jeunes, le surendettement, si elles allaient dans le bon sens, demeuraient très insuffisantes au regard de la garantie de l’accès aux droits fondamentaux.
La création d’une prime « d’activité » annoncée par le 1er Ministre et qui devrait remplacée le RSA ainsi que la prime à l’emploi, devrait pour le Gouvernement clore le débat engagé dans notre pays depuis 2008 avec la réforme de Martin HIRSCH et adoptée au début de l’ère SARKOZY.
Pourtant une fois de plus le mal n’est pas traité à sa racine, la prime nie toujours la relation profonde qui existe entre l’état du marché du travail, les transferts sociaux et la régulation de la pauvreté, réduite à n’être que l’appendice d’un ensemble de débats depuis 15 ans qui n’y sont que pas ou peu reliés. Seule la loi sur la transition énergétique y échappe. Mais QUID dans les débats et mesures concernant les autres lois : financement de la protection sociale avec les retraites, la famille, la dépendance, le logement, les transports, l’emploi et la formation… ou la loi « MACRON », l’accord national interprofessionnel, le dialogue social…. ne sont pas mis en relation avec la pauvreté, on mesure là, la profondeur du fossé qui sépare la manière dont la pauvreté est appréhendée par les politiques publiques et les rapports sociaux qui la produisent.
Avec près de 15 % de pauvres, un dixième des salariés vivant dans un état d’insécurité structurelle, un taux de chômage de longue durée en constante augmentation, une exclusion des jeunes des quartiers populaires, la vulnérabilité sociale a pris racine et structure des conflits larvés.
Les grands ensembles se paupérisent en même temps qu’ils s’ethnicisent.
En même temps, les « avantages » dont ils bénéficient (la politique de la ville) sont contestés.
La dépendance des jeunes envers des familles déjà fragilisées n’est pas remise en question. Le sort des familles monoparentales est réglé à coup de majoration des prestations sans que les dimensions familiales de la précarité soient énoncées, sinon combattues par des mesures de soutien aux jeunes parents.
A force de négliger la dimension sociale des problèmes de la société française, ceux-ci sont déplacés sur le terrain de la racialisation ou de la morale comme le précise Nicolas DUVOUX, sociologue maitre de conférences, chercheur associé au laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques.
Dès lors des solutions souvent fantasmées et inopérantes se substituent ainsi à la mise en relation de la pauvreté avec les autres problèmes de la société.
Cet oubli du social dans une société fracturée n’aide pas à entrevoir les voies et les moyens d’une gestion productive des antagonismes qui traversent notre pays et sapent notre démocratie.
Exprimer sans excès ni caricature le lien entre la pauvreté et de nombreux autres débats permettrait d’intégrer un critère déterminant de justice sociale dans leur gestion. Cela contribuerait, en outre à sortir de la crise de l’avenir qui traverse la société française.
Tout en partageant les propositions de mes collègues de la CFDT et de la CGT, je propose que notre CESER (Conseil Economique Social et Environnemental Régional) fasse de la question de la dimension sociale, un axe majeur de sa contribution sur la problématique de la pauvreté et de l’exclusion
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1014