Pour la CGT, cette contribution « Former (les demandeurs d’emploi) pour travailler » est le résultat d’un exercice nécessaire sur la relation formation-emploi. Nous partageons de nombreux constats, cependant :
L’adéquation emploi formation n’est jamais fixée. Pour nous c’est plutôt un bien : si les entreprises expriment des besoins, des pronostics d’embauches à court terme, les personnes en recherche d’emploi doivent pouvoir, avec les structures d’orientation existantes, garder le choix de leur devenir professionnel, en relation avec leurs aspirations, leurs moyens et leur projet professionnel. Si les emplois proposés s’avèrent accessibles et attrayants, les personnes privées d’emploi s’y inscriront. La formation professionnelle continue, deuxième chance après l’école, ou unique dispositif de maintien ou promotion dans l’emploi si on considère la vitesse des changements technologiques, est un levier essentiel du patrimoine culturel des hommes et de la société. Le SRDEII n’a pas manqué de le rappeler.
Il y a lieu alors d’interroger la réalité des obligations du code du travail, qui imposent aux employeurs de maintenir ce qu’on appelle très communément l’employabilité : Article L6321-1 du code du travail : « l’employeur veille au maintien de leur capacité (aux salariés) à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. » Il ne s’agit donc pas de maintenir ces compétences uniquement dans l’entreprise, mais aussi lorsque le salarié a été privé de son emploi ou s’il souhaite en changer.
Par conséquent, l’adéquation emploi-formation est très réductrice dans le sens où entrer en emploi ne signifie plus autre chose que satisfaire un emploi (très) précaire. Cette expression permet d’évacuer les contenus du métier, de la qualification transportable d’une branche prof. à l’autre (ex : le CQPI) ou de la carrière, c’est à dire de la qualité du travail pour celui qui l’exerce. Tant que cette situation de formation opportune pour un emploi précaire sera installée, il sera inutile de prétendre démultiplier l’appétence des demandeurs d’emploi pour un lourd investissement en formation.
La CGT ne voit rien dans la contribution qui confirme l’intention initiale de porter une attention particulière aux problématiques de genre, notamment aux problèmes spécifiquement féminins que constituent les différence de salaire, les conditions de travail, la garde des enfants ou l’insertion des femmes dans les formations ou métiers réputés masculins. Cependant l’apparition d’une population senior parmi les demandeurs d’emploi, ainsi que la montée du chômage de longue durée sont justement évoquées.
Dans les marchés publics de formation, la Région pourrait intégrer dans son offre de marchés publics, des critères minima d’attribution : plateaux techniques et conditions de vie en stage, (médecine du travail, renforcement des savoirs de base spécifiques, difficultés cognitives et/ou relationnelles, difficultés financières et sociales, animation ), mais aussi maillage territorial, qualité de l’offre de formation, mesurée en succès aux épreuves de qualification/certification et en taux d’insertion en emploi durable, statut d’associations ou équivalent (GIP, EPIC…) plutôt qu’entreprises à but lucratif. Les ressources qui ne sont pas mises dans les bénéfices sont, dans les associations ou établissements publics, mises à la disposition des stagiaires et de leurs employeurs. Le CICE, par exemple, malgré son ampleur, n’a pas servi à la gestion prévisionnelle des compétences et des emplois.
Enfin, le Ceser préconise de renforcer l’implication des employeurs dans les parcours des demandeurs d ‘emploi. Nous insistons sur l’implication de tous les acteurs, pas seulement les entreprises. C’était le rôle des CTEF et des COTEF, capables de monter et partager des projets. Pourquoi détruire et refaire ce qui associait des élus régionaux, des représentants de l’Etat, les partenaires sociaux et des élus locaux ? Pourquoi ne pas y associer les acteurs de l’orientation de la zone d’emploi ? Agir au coup par coup, comme c’est le cas avec le projet de création d’une école de formation aux métiers industriels chez Michelin, ou en mettant en place des quotas départementaux d’allocataires du RSA à envoyer en formation, relève du seul fait du prince. Les portraits de territoires réalisés par le CARIF OREF, les utilisateurs de ces statistiques, c’est-à-dire tous les acteurs et représentants civils du domaine de la formation professionnelle, seront les premières victimes de cette désarticulation.
S’il faut renouveler les Contrats d’Objectifs Emploi Formation (COEF), il faut que le quadripartisme y prenne toute sa place. Il a fallu par exemple batailler pendant des années pour être admis au PIPA : Parc Industriel de la Plaine de l’Ain, qui se contentait d’être un club d’entreprises.
Quand, au niveau national, les partenaires sociaux et en particulier les organisations syndicales puisque les salariés génèrent les richesses qu’ils investissent dans le renouvellement de leur propre qualification, dépensent 14,30 Mds€ pour la formation professionnelle, dont une partie est redistribuée vers les demandeurs d’emploi via le FPPSP (Fond paritaire de sécurisation des parcours prof.), les Conseils régionaux n’y consacrent que 4,6 Mds (Jaune budgétaire PLF pour 2017, résultats 2014). Il ne s’agit pas de les « concerter », mais de prendre leurs avis en compte, et pas seulement au niveau du CREFOP, mais également dans les niveaux territoriaux. Ceux qui paient ces taxes qui sont les ressources des Collectivités territoriales, ce sont surtout des salariés !
Comprendre ce qui se passe dans les entreprises, c’est comprendre ce qui se passe dans le territoire. Etre présent dans les lieux de décision, c’est un enjeu de démocratie sociale cher à la CGT, attachée à la sécurité sociale professionnelle tout au long de la vie.
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