Le rapport présenté ce jour par la commission 4 est intéressant à plusieurs titres :
La diversité d’expertises croisées dont celle de près de 20 membres de la commission qui ont non seulement pu participer aux travaux mais surtout apporter par leurs témoignages une vision empirique de l’intelligence collective. En effet, nous n’avons pas tous la même vision des territoires et c’est ce qui fait notre richesse, notre patrimoine culturel, notre bien commun.
L’innovation méthodologique sur un temps long favorisent le temps de l’appropriation du sujet de manière collective, par l’apport d’experts externes, mais aussi un questionnement permanent, nous invitant à sortir de “zones de conforts” » pour interagir sur une approche globale concernant le territoire Auvergne – Rhône-Alpes, ses politiques régionales, ses leviers à mobiliser permettant de mobiliser tous les acteurs.
Le territoire : un concept multiforme
La notion de territoire peut se comprendre par le cumul de différents aspects : la première notion peut se relier historiquement aux enjeux de pouvoirs et de domination (la racine latine Jus terrendi : celui qui détient le rôle de terrifier) mais elle peut aussi s’enrichir du territoire comme espace social, espace de vie, de pensée, d’expression et d’action, qui incorpore la diversité des acteurs sociaux. Un espace social pouvant contribuer à un aménagement social, environnemental et économique équilibré de tous les territoires dans lesquels pourraient vivre et travailler les habitants d’une région. C’est bien la dimension de l’humain, des interrelations sociales avant tout qui doivent être retenues.
Égalité ou concurrence des territoires ?
L’action publique constituerait alors un maillon essentiel de cet équilibre territorial.
Néanmoins, les politiques publiques et leurs dispositifs sont désormais orientés vers l’innovation, la compétitivité, l’excellence, la créativité et l’attractivité. En focalisant sur la compétitivité, la conception d’égalité des territoires s’efface devant leur mise en concurrence quel que soit l’échelon.
Cette évolution de l’action publique influe sur l’aménagement territorial et la synergie des acteurs. En ce qui concerne notre région, la logique de projet de territoire s’est effacée au profit d’une logique de guichet.
L’implication de tous les acteurs du territoire : un enjeu démocratique
Nous ne pouvons que regretter la disparition des contrats de développement durable mis en oeuvre par la Région Rhône-Alpes sous la précédente mandature. En effet, par leur diagnostic partagé entre la Région et le territoire, par la mise en oeuvre de l’ingénierie ainsi que la gouvernance associant à différents niveaux les acteurs socio-économiques, les citoyens du territoire, le monde associatif, les partenaires sociaux et l’ensemble des forces vives du territoire, par la nature des projets, ces contrats étaient créateurs de dynamiques croisées, de dialogue et d’expression de la démocratie. Ils étaient, certes, perfectibles ainsi que le pointait le CESER, auraient pu être simplifiés dans leur organisation et fonctionnement, néanmoins, leur suppression par le nouvel exécutif a anéanti un processus important pour la Région dans le même temps qu’elle fusionnait avec l’Auvergne qui avait elle aussi développé une démarche innovante avec les contrats Auvergne +.
A l’heure où les capacités de diagnostics de notre territoire sont affaiblies par les conséquences de cette politique, ainsi que les solutions pouvant être élaborées et donc de permettre un rebond, l’avis de la commission propose 10 suggestions s’appuyant sur les expériences afin de promouvoir non seulement une intelligence collective, mais aussi collaborative.
Permettre la participation des citoyens-nes dans les décisions politiques
En effet, limiter l’action concertée aux seuls acteurs économiques et politiques semble vouer à l’échec au regard des récents mouvements de colère sociale qui ont explosé ces dernières années, qui ont permis à un ensemble d’acteurs d’horizons divers de se rassembler et de formuler des propositions alternatives pour rompre avec un modèle de société fondé sur le tout financier et le court-termisme.
L’éloignement des décisions, l’absence de leur transparence, l’omniprésence technocratique dans les échelons de décisions semblent détourner, de plus en plus, les citoyens des scrutins électoraux, alors que dans le même temps ils sont de plus en plus nombreux à porter des exigences de justice sociale et spatiale.
Ainsi, la multiplication des effets d’annonces des différents plans de relance aux différents échelons territoriaux, affichant des moyens financiers colossaux mais invérifiables, répartis au sein d’instances opaques sans contrôle démocratique pourrait être fatale à toute forme d’intelligence collaborative, dès lors qu’elle essaie d’exclure le rôle de certaines propositions disruptives dont celles des partenaires sociaux.
Dans le même temps, multiplier les appels aux citoyens actifs, voire responsables de leur destin, tout en les contrôlant ou les cadrant, dans des dispositifs de type conférence citoyenne est tout aussi dangereux si ces initiatives ne sont pas accompagnées de propositions d’interventions sur la production / redistribution des richesses avec de puissants mécanismes de péréquation.
Il ne s’agit pas d’avoir un projet pour le territoire et de vouloir l’imposer à tous. Il s’agit, avant tout, de le partager collectivement pour qu’il puisse être porté par tous les acteurs. Pour cela, il conviendrait de restaurer les lieux de dialogue et de négociation sociale au plus près des territoires et notamment dans les entreprises.
Des services publics au coeur d’un plan de rupture
La crise sociale, écologique économique et démocratique que nous traversons appelle à un changement systémique imposant non pas un plan de relance, mais un plan de survie, impliquant, à partir d’un diagnostic territorial partagé, une remise à plat des politiques publiques et des propositions fortes de cohésion sociale pour répondre avant tout aux besoins des populations afin de réduire les inégalités et de favoriser le vivre ensemble.
Cette crise a également pointé l’importance plus que jamais essentiel de la place des services publics au coeur de nos territoires. Ils constituent un marqueur essentiel qui doit prendre toute sa place dans le SRADDET, boussole de l’action publique. De même, l’élaboration des futurs CPER, outils de convergences de politiques structurelles : enseignement supérieur, transitions énergétiques et infrastructures de mobilité devra prendre en compte cette nécessaire évolution sociétale.
Il est par ailleurs extrêmement intéressant que cet avis soit présenté le même jour que celui de la section Prospective sur les mobilités, qui à travers les 4 scénarii proposés de territoire et de contexte met en perspective les évolutions d’enjeux collectifs de régulation.
La CGT votera l’avis.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1600