La participation du Secrétaire Général de la CGT au congrès de l’ARF à Tours en novembre dernier était une première. Sa contribution à la table ronde en plénière d’ouverture des travaux a créée un évènement très apprécié par l’ensemble des présents (Présidents de Régions et leurs exécutifs, membres des CESER, chargés de missions…). Plus d’une trentaine de camarades de la CGT principalement des conseillers CGT des CESER (dont une délégation de trois membres de Rhône Alpes) participaient à cette manifestation
Acteur de l’Avis, le journal Cgt du Conseil Economique Social et Evironnnemental national et des Ceser publie le compte rendu de l’intervention de Bernard Thibault :
Décentralisation et cohérence Nationale
Pour la CGT le thème de ce congrès « nouvelle étape de la décentralisation » est un vrai sujet… Il y a incontestablement en France un souhait, une aspiration à davantage de décentralisation pour mettre en œuvre les politiques au plus près des populations mais en même temps une volonté forte à ce que l’Etat ne se désengage pas, qu’on n’abandonne pas la cohérence nationale permettant une égalité de traitement, une certaine équité entre les citoyens.
Avec une approche régionaliste exclusive il est évident que les capacités de développement d’investissement, d’aménagement de réponse au besoin des populations seraient de plus en plus inégales si on ne se dotait pas d’outils de péréquation indispensable à la solidarité entre territoires. Par exemple en matière de santé les besoins des populations ne sont pas identiques sur l’ensemble du territoire il y a des spécificités. Elles sont liées d’ailleurs au niveau d’activité aux ressources au taux de chômage à des éléments locaux il faut donc des politiques qui garantissent une réponse aux besoins de l’ensemble de la population et qui apportent des solutions adaptées en fonction des particularités identifiées dans telle ou telle région.
Enjeux de la démocratie sociale
Il faut que les élus à tous les niveaux intègrent dans leur politique des moyens, du temps des procédures pour mettre ne place une véritable démocratie sociale au niveau territorial pour permettre la définition de politiques équilibrées. Si je prends le terrain économique il n’est pas logique que l’entreprise se résume trop souvent pour les Régions au seul employeur. L’entreprise c’est aussi des salariés qui y travaillent. Il n’y a pas aujourd’hui d’institutions d’outils pouvant permettre le dialogue social. Disant cela je ne néglige pas la présence des CESER qui sont des assemblées réunissant des acteurs beaucoup plus importants que les seuls partenaires sociaux.
Contrôle et évaluation de l’utilisation des aides publiques
La CGT formule une exigence pour avoir beaucoup plus de transparence sur l’utilisation des aides publiques données aux entreprises au nom de l’emploi. Elles s’élèvent à 172 milliards d’euros de l’Etat mais proviennent aussi des collectivités territoriales. Il est temps aujourd’hui comme le préconise la Cours des Comptes de procéder à une évaluation contradictoire de l’utilisation de ces aides. Cela vaut pour l’état mais aussi pour les collectivités territoriales.
L’AFPA doit demeurer le pivot de l’action publique en matière de formation professionnelle :
Dans le contexte actuel on ne peut pas accepter qu’un outil national de formation professionnelle des adultes soit confronté à une réduction de ces effectifs salariés de l’ordre de 800 à 1000 personnes avec la suppression de plus de 50 agences ! C’est pour vous alerter et s’opposer à cette perspective que les salariés de l’AFPA étaient présents ce matin devant les portes du congrès. En effet si les Régions laissent se dérouler ce genre de scénario la politique de l’emploi ne sera plus du tout la même notamment après ce qui a été fait de manière catastrophique à Pôle Emploi. On pourra toujours dire que les Conseils Régionaux ont la compétence de l’emploi et de la formation professionnelle, ils n’auront plus les outils pour concevoir les politiques de manière harmonisée.
Industrie, avenir des filières et GPEC territoriale
A propos de l’industrie nous avons une approche régionale des problématiques industrielles. La balance industrielle de notre pays atteint un déficit de 56 milliards alors que nous étions à l’équilibre voir positif dans les activités industrielles de notre pays. Il y a urgence à penser des anticipations, des mesures politiques sur l’emploi pour prévenir les conséquences, notamment les départs en retraite dans les secteurs industriels car nous allons nous priver de compétences. Ce sont les représentants des salariés qui peuvent le mieux mettre cette problématique en évidence parce qu’ils voient dans les entreprises ce qui est en train de se passer, il y a incontestablement un problème dans la gestion de la pyramide des âges.
En même temps qu’il faut avoir ces politiques industrielles régionales l’industrie appelle une dimension nationale notamment sur des secteurs qui nécessitent des synergies de plusieurs régions. L’heure est à redéfinir cette bonne articulation entre Etat et Région. J’insiste pour que dans ce cadre on intègre plus les moyens, les outils, les instances permettant au point de vue des salariés de s’exprimer cela ne devrait être que des points d’appui pour les élus régionaux.
Le temps de la démocratie et celui du pilotage économique
Concernant les décalages entre le temps de la démocratie sociale et le temps du pilotage économique, quand on arrive à une situation où dans un pays en Europe, un premier ministre annonce qu’il va organiser un référendum et que trois jours après ce sont des agences de notation qui désignent indirectement un autre premier ministre je trouve qu’on a un problème de démocratie majeure… Messieurs les Présidents de Conseils Régionaux je me demande si demain se sont les électeurs qui vont vous désigner méfiez vous de vos comptes ! Nos sociétés sont traversées par de graves crises de démocratie du fait de la crise économique, on ne peut pas continuer d’accepter qu’il n’y est plus de temps à la réflexion, aux débats pour confronter avec le point de vue des citoyens, des salariés.
De même, il n’est pas admissible d’être dans une économie pilotée à la milliseconde par des marchés boursiers. Lorsque l’on parle investissement tout comme en Région lorsqu’on aborde les questions d’aménagement des territoires, d’infrastructures on ne décide pas ça à l’échelle d’un seul mandat. S’agissant de la formation pour avoir des compétences en matière industrielle cela s’appréhende pour plusieurs générations, or on est une économie qui impose des choix à la milliseconde il y a là des choix qui sont antagoniques à l’aspiration à plus de démocratie. Il revient aux élus, notamment Régionaux, d’y réfléchir. Les représentants des organisations syndicales sont là pour leur redirent combien le temps citoyen, le temps social doivent être pris en compte dans les décisions politiques qui structurent la vie des populations.
Innovations et négociation sociale, l’enjeu des territoires
La régionalisation des transports voyageurs en matière ferroviaire a démonté que la voie syndicale avait permis d’éclairer les élus sur les conditions qu’il fallait réunir pour s’inscrire, toujours au sein d’une entreprise publique nationale, dans un processus qui confère du pouvoir de mise en œuvre et d’organisation en territoire. Faut-il par exemple imaginer un niveau de négociation régional sur les questions sociales, sur les questions du droit ? C’est un sujet que je pose de manière ouverte. Mais il faut plusieurs conditions pour y arriver. Il existe dans la construction et la métallurgie des conventions collectives locales qui portent y compris sur les salaires, elles sont encadrées dans les conventions de droit national. Mais faut-il aller plus loin, pour cela il faut des outils, des moyens et il faut une volonté politique des interlocuteurs en l’occurrence patronaux. Or il n’y a pas aujourd’hui de volonté de contracter sur des sujets récurrents qui traversent la société aujourd’hui. Au plan national et interprofessionnel il n’y a plus de négociation dans un pays comme la France sur des questions d’emplois !
Je ne présente donc pas la négociation territoriale en substitution des négociations sociales nationales, je n’attends pas que l’échelon régional vienne combler un vide, mais il ne serait pas aberrant que sur l’application du droit on puisse avoir des adaptations, voire des accords spécifiques aux régions mais cela veut dire créer des niveaux et des moyens spécifiques.
Les enjeux de financement de l’activité économique
La CGT a une proposition pour aller vers des fonds régionaux pour le développement, l’emploi et des activités durables à l’échelon régional. On est un pays avec une dette énorme mais en même temps où l’épargne des français est à 19 %. Il ne serait pas aberrant que le pays réfléchisse à tous les niveaux, au plan national mais aussi au plan régional, pour permettre à l’épargne existante d’être réorientée vers l’investissement productif. Cela suppose une intervention publique plus structurée, plus utile pour la collectivité. Cela nécessite naturellement d’intégrer le point de vue social, le point de vue des salariés dans l’utilisation de ces fonds aussi bien sur la définition des actions que sur le contrôle des fonds en question.
Aller plus loin pour les droits et les moyens syndicaux
Le droit syndical ne nous reconnaît pas le dialogue à un échelon interprofessionnel local ou régional. Il est confiné à l’utilisation interne à chaque entreprise or on est sur des sujets de société, globaux, transversaux. En tant qu’élus régionaux vous avez sans doute une responsabilité, comme les élus nationaux bien sûr, pour faire en sorte que la législation évolue afin de reconnaître la nécessité d’instaurer des lieux de concertation de dialogue dans lesquels les dimensions économiques et sociales soient beaucoup plus développées qu’elles ne le sont aujourd’hui. Ainsi on pourra mieux discuter des questions d’anticipation, de formation, de nombreux sujets sur lesquels nous prétendons avoir une « dimension d’expertise au titre de salariés » ayant l’expérience de ce qui se passe dans l’entreprise. Or encore une fois il ne faudrait pas que les élus s’enferment dans un dialogue déjà omniprésent avec les seuls chefs d’entreprise.
__
Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article844