Sans procéder au moindre diagnostic, sans aucune concertation avec les Elus concernés, ainsi que notre CESER, le Président de la Région décide de mettre fin à un quart de siècle de politique contractuelle en matière d’aménagement et de développement des territoires qui la compose.
Au fil du temps, les ex-régions ont contribué à promouvoir une organisation du territoire régional en espaces de projets, dans le cadre d’un partenariat contractuel bâti sur la rencontre entre les stratégies de développement de long terme portées par les élus de chaque territoire urbain et rural d’une part, avec des objectifs inscrits dans les orientations et schémas stratégiques régionaux d’autre part, et reposant sur une large concertation avec l’ensemble des acteurs socio-économiques locaux.
Matérialisée en Rhône-Alpes au départ par les Contrats Globaux de Développement (CGD) puis les Contrats de Développement Rhône-Alpes (CDRA), cette politique territoriale en est actuellement à la troisième génération, initiée par délibération de l’Assemblée Régionale du 10 juillet 2008 et précisée par délibération du 29 mars 2012 : les Contrats de Développement Durable de Rhône-Alpes (CDDRA).
Au 1er janvier 2015, le territoire rhônalpin est maillé par 44 territoires de projet avec lesquels la Région est liée de la manière suivante : 3 Conventions de Fonctions d’Agglomération et de Centralité conclues avec la Métropole Lyonnaise, Grenoble Alpes Métropole et Saint-Etienne Métropole ; 33 Contrats de Développement Durable de Rhône-Alpes actifs (dont 10 comprennent un volet spécifique dédié aux communautés d’agglomération assumant, au sein des territoires, des charges de centralité spécifiques) ; 8 territoires bénéficiant d’un dispositif de soutien transitoire dans l’attente de la définition de nouvelles modalités de partenariat avec la région qui intégreront les évolutions institutionnelles en cours.
En complément de cette politique régionale, il a été fait le choix, dans le cadre du volet territorial du contrat de plan Etat – Région pour Rhône-Alpes 2015 – 2020, de couvrir l’ensemble du territoire régional par un dispositif distinct, cohérent avec les orientations de l’Etat et les dernières dispositions législatives avec les Orientations Régionales d’Aménagement et de Développement Durable du Territoire (ORADDT) définies par la région et articulées autour de contrats métropolitains, départementaux avec les huit départements de l’ex-région Rhône-Alpes ainsi que des contrats à enjeux spécifiques au nombre de dix.
En Auvergne, depuis 2005, se succèdent trois générations de contrats Auvergne plus passés entre la région, les pays, leurs EPCI et les conseils de développement. La 3ème génération de contrats vient juste d’être engagée pour la période 2015 – 2018.
On comprend pourquoi le Président de la Région veut renégocier le CPER.
L’ensemble du dispositif repose sur des projets structurants identifiés et en cours sur l’ensemble de la région et à partir des propositions des collectivités territoriales afin de répondre aux préoccupations des citoyens et des élus où chaque contrat est présenté à l’approbation des Assemblées délibérantes reposant ainsi sur un contrat démocratique.
Au travers de ce coup de force contre les territoires, contre les conseils de développement, c’est aussi une attaque frontale contre la démocratie.
Car on peut toujours, sur l’ensemble des projets de territoires, en trouver quelques-uns qui fonctionnent plus ou moins bien ou profitent des effets d’aubaine. Il n’empêche que le problème n’est pas là, il se trouve que pour parvenir aux objectifs électoraux, on est à la recherche des 800 millions d’euros d’investissements promis sur de nouvelles politiques pour l’ensemble de la mandature et pour cela, on est prêt à détruire l’existant. Ce sont aussi inévitablement aggravés les déséquilibres territoriaux.
Pour gagner en efficacité, il faut grandir en démocratie.
Le contrat démocratique repose sur trois piliers indissociables et complémentaires : une présentation politique forte, une participation citoyenne active et une délibération publique approfondie. La dégradation du contrat démocratique se produit dès lors que l’équilibre entre ces trois dimensions n’est plus respecté quand la démocratie de délégation prend le pas sur la démocratie de représentation, quand l’expertise technique cannibalise la participation citoyenne, quand la démocratie d’opinion prend le pas sur la délibération.
La plus grande efficacité de l’action publique doit se penser pour donner toutes les informations utiles aux citoyens qui sont porteurs d’une connaissance d’usage, d’une expertise du quotidien sur leur quartier, leur territoire.
C’est aussi un gage du vivre ensemble, de la cohésion sociale. C’est en faisant appel aux ressources de chacun par le dialogue, par la confrontation des idées, par l’affrontement d’intérêts contradictoires, par la participation à l’organisation de l’espace public que l’on construit le sentiment d’appartenance, du désir de mieux vivre ensemble, du désir d’agir ensemble pour penser l’avenir des territoires et construire une communauté de destin.
Voilà ce qu’on construit patiemment nombre de CDDRA et de contrats Auvergne plus avec le concours des conseils de développement et qui devraient disparaitre brutalement.
Hors en démocratie, personne ne peut se prétendre seul propriétaire de l’intérêt public et incarner la volonté générale.
Ce faisant, on confond la légitimité issue de l’élection qui donne la légitimité à gouverner sur la durée du mandat avec la légitimité de l’action qui est d’ordre substantiel. Car la légitimité n’est pas simplement de l’ordre d’un statut acquis une fois pour toute, elle est aussi une qualité qui doit s’approuver, se construire sur l’ensemble du fonctionnement démocratique. Il en va de même de la légitimité de la démocratie sociale qui ne se confond pas non plus avec celui qui se prétend aussi être le seul représentant de la généralité sociale. Il y a aussi une forme de représentation du monde social organisée (les syndicats), mais aussi du monde social diffus (les manifestations) qui vaut représentation démocratique légitime. La légitimité électorale n’absorbe pas toutes les autres formes de légitimité et de représentation. Ce sont là, les observations essentielles que le Groupe CGT avance sur ce dossier important.
Construit dans l’urgence, notre avis est le fruit des réflexions de nos ex-CESER, d’un débat intense de notre commission 4 avec au bout, l’expression d’une synthèse au seul service de l’intérêt général et nous nous en félicitons.
Nous partageons le constat et les observations qui devraient normalement conduire l’exécutif régional à revoir sa copie.
Le groupe CGT votera l’avis.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1165