Une note de SYNDEX ( cabinet d’expertises) souligne la concurrence que se livrent les Etats européens autour du coût du travail considéré selon l’étude de ce cabinet comme un élément stratégique.
Il s’agit ni plus ni moins que la remise en cause de la négociation collective. Ainsi il est dit que la Grèce et le Portugal ont purement et simplement suspendu les conventions collectives interprofessionnelles et sectorielles ( secteurs public et bancaire) au grand dam des partenaires sociaux organisations syndicales. En Espagne, la réforme méconnue des années 2010-2012 est comparable aux coups portés en son temps par Mme Thatcher contre le mouvement syndical britannique. Ses conséquences se feront sentir bien au delà de la crise conjoncturelle à laquelle elle veut répondre. Le gouvernement du parti populaire a en effet fait voter une loi sur les relations sociales qui remet en cause la hiérarchie des conventions collectives ; désormais un accord d’entreprise prévaut sur un accord de branche. Les syndicats espagnol sont sous pression : les coupes sèches dans les budgets alloués par l’Etat forcent certaines organisations à fusionner entre elles, à licencier leur personnel.
Face au feu médiatique et à la criminalisation des actions collectives, les syndicats ont signé dos au mur, un accord en 2013 qui a permis le gel des salaires pour plusieurs années. Le pouvoir d’achat est sérieusement impacté, mais c’est le prix, selon certains, de la sauvegarde des emplois. De fait la relance par la consommation n’est plus à l’ordre du jour.
En Roumanie, le processus est relativement similaire. En 2012, le salaire annuel moyen est de 4 000 euros nets, soit 17,7%de la moyenne européenne. Pourtant, La négociation collective a été quasiment laminée par la remise en cause de la représentativité des organisations syndicales dans l’ensemble du pays. L’exigence légale de représenter plus de 50% des employés d’une entreprise ou d’une branche d’activité est simplement impossible à remplir dans des secteurs d’activité à forte présence des petites et moyennes entreprises. Seules sept conventions collectives de branches subsistent, essentiellement dans le secteur public à plus haut taux syndical d’adhésion.
Autre instrument de concurrence, la baisse des cotisations patronales, comme celle de 20 à 30 milliards d’euros accordée en France par le gouvernement socialiste. Mais aussi la remise en cause du contrat de travail et d’un salaire stable via des contrats de droit civil comme en Pologne ; les contrats “0 heure” ou le travail des indépendants au Royaume-Unis, ces derniers, selon les statistiques officielles, ont augmenté de 68 000 rien que pour l’année 2009.
“Syndex constate sur le terrain que les pays qui jouent la concurrence sur les salaires continuent d’encourager la perte de qualifications au profit des pays étrangers”.
Par delà ce constat un enseignement essentiel se dégage de ces éléments, qui prend aujourd’hui une résonance particulière, il s’agit d’une attaque frontale dans les pays sus-cités contre le contrat de travail dans sa forme actuelle. Il s’accompagne d’un déplacement de la hiérarchie des normes de la branche vers l’entreprise (nouvelles propositions du MEDEF EN France).
Ainsi en Italie le “Jobs Act” cher à Matteo Renzi ( qui intéresse particulièrement Manuel Vals) est un “contrat à protection croissante”, un Cdi plus flexible dans les premiers mois, sur une période encore non définie durant laquelle l’employé ne bénéficierait pas des protections contre le licenciement qui existent encore aujourd’hui pour les CDI classiques. Exit, donc l’article 18, qu’aucun leader -même Berlusconi il y aune dizaine d’années -n’a réussi à supprimer. L’ Cet article permet à une personne en CDI employée dans une entreprise de plus de 15 salariés et victime de licenciement abusif de saisir la justice afin d’être réintégrée. Si Matteo Renzi ne cite pas cet article dans le texte voté par le sénat le 8 octobre, il laisse le gouvernement libre de le modifier par décret, d’où la manifestation du 25 octobre à l’appel de la CGIL. Il n’est pas inutile de rapprocher ce dispositif de la loi HARTZ IV votée en son temps sous le gouvernement Schröder.
Trois éléments apparaissent jusque dans les toutes récentes propositions du MEDEF :
1) Rapporter à l’entreprise le niveau de la négociation et ce faisant éliminer tous les recours institutionnels et/ou juridiques qui réinscrivent cette négociation dans un périmètre plus large associées à des institutions qui en garantissent l’effectivité.
2) Versus patronal ; transformer le contrat de travail en contrat commercial où de gré à gré, étant entendu que cet objectif demeure une constante qui peut prendre des formes plus douces du type “contrat à protection croissante” déliant le contrat du travail pour l’arrimer aux possibilités supposées des moyens de l’entreprise.
3) Enjamber les organisations syndicales par la loi ( Espagne, Grèce, Portugal Roumanie, voir Pologne… et aujourd’hui Italie) pour modifier et remettre en cause des dispositions sociales ,des garanties sociales, des droits sociaux et du travail, qui fondent notre contrat social. Cette tentative est en cours avec la complicité du Patronat véritable instigateur et inspirateur des projets actuels qui visent ” à terme à se passer des organisations syndicales”.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article997