Dans la continuité de la contribution de décembre 2020 intitulée « quand la diversité des territoires dynamise AURA , la Commission 4 du Ceser a souhaité prolonger son travail et approfondir la thématique de l’ingénierie territoriale.
Par l’intermédiaire d’un groupe d’étude dédié qui a travaillé sur plusieurs mois, grâce au rapport sénatorial de septembre 2020 et de ses 25 propositions et de nombreuses auditions, le CESER est en mesure d’effectuer des propositions permettant d’optimiser l’ingénierie territoriale et la dynamique de projet collectives en territoire.
L’INGÉNIERIE TECHNIQUE : L’ABANDON D’UNE MISSION DE L’ETAT
Historiquement, les services de l’Etat ont géré des réseaux et mis à disposition des élus des missions très étendues d’appui technique et de conseil.
Dès le début des années 2000, le changement de régime juridique des prestations d’assistance technique a fait entrer l’ingénierie traditionnellement fournie par l’État dans le champ concurrentiel et les règles des marchés publics. Par la suite, les réformes successives tendant à la rationalisation et à la réorganisation des services de l’État à partir de 2007 (la Révision générale des politiques publiques -RGPP) ont conduit l’État à abandonner, entre 2012 et 2016, les prestations de maîtrise d’œuvre, l’ATESAT et, par exemple, les missions de régulation des services publics d’eau potable et d’assainissement
Ce recul – sous les quinquennats de Nicolas Sarkozy et de François Hollande – de l’ingénierie mise à la disposition des collectivités territoriales par l’Etat n’a été que très partiellement compensé par les acteurs locaux offrant des solutions d’ingénierie aux collectivités.
Ce désengagement a entraîné des pertes de compétences qui ont été particulièrement préjudiciables, notamment aux petites collectivités et aux territoires ruraux, l’expertise se concentrant dans les agglomérations, puis métropoles.
L’APPUI AUX PROJETS DANS LES TERRITOIRES : UNE POLITIQUE RÉGIONALE INNOVANTE ABANDONNÉE PAR LAURENT WAUQUIEZ…
Afin de pallier à ce recul et à l’instauration d’une logique de guichet, la Région Rhône Alpes a mis en œuvre les contrats globaux de développement, alors que la Région Auvergne intégrait au sein de l’Association régionale des pays d’Auvergne un dispositif d’appui au projet.
Le nouvel Exécutif en 2016, a alors choisi de revenir à une logique de guichet via les contrats ambition Région.
.. AU PROFIT D’UNE LOGIQUE DE GUICHET
Parallèlement, de nouveaux dispositifs ont émergé au niveau national, ainsi le dispositif « Action cœur de ville » visant à requalifier les villes moyennes pour lequel le CESER avait donné son avis.
Certains aspects du dispositif nous avaient alors interrogé :
L’absence des acteurs de terrain dans les Comités locaux de pilotage, puisque seuls les élus étaient sollicités.. En effet, tout en se désolant de l’état de leur centre-ville, nous voyions ces mêmes élus signer des autorisations d’implantation de centres commerciaux, de multiplex en périphérie directement concurrents des cinémas et des commerces du cœur de ville. De plus, le déménagement des services municipaux dans des quartiers excentrés décidés par ces mêmes élus, allant même dans certains endroits jusqu’aux lieux culturels contribuent à la désertification. Les communes visées par le dispositif n’étaient pas les dernières à pratiquer ce double langage.
L’absence d’évaluation concernant ce dispositif était aussi dommageable, ce n’est en effet qu’en 2020 que l’ANCT pour les accompagner dans cette démarche, met à disposition un kit d’évaluation locale comprenant : des conseils méthodologiques, un guide de critères et d’indicateurs et une cartographie des ressources mobilisables.
Inspiré par le dispositif « Action Cœur de Ville » concernant les villes moyennes depuis 2018, le programme « Petites Villes de demain » a été lancé en fin d’année 2020 par l’ANCT dans un contexte fortement marqué par la crise sanitaire ses effets économiques désastreux sur la vitalité commerciale des centres-villes. Les actions de soutien en ingénierie (financement des postes de chefs de projet, crédits d’études…) seront certes décisives pour la réussite de cette politique à la fois sectorielle et transversale de cohésion des territoires.
UN RENOUVEAU DÉMOCRATIQUE À CONSTRUIRE DANS LES TERRITOIRES
Néanmoins aucun dispositif ne peut s’affranchir d’une synergie collective associant tous les acteurs d’un territoire.
Lors de la précédente contribution, nous avons insisté sur la notion de territoire comme un espace social pouvant contribuer à un aménagement social, environnemental et économique équilibré dans lesquels pourraient vivre et travailler les habitants d’une région. C’est bien la dimension de l’humain, des interrelations sociales avant tout qui doivent être retenues.
L’action publique constituerait alors un maillon essentiel de cet équilibre territorial. Néanmoins, les politiques publiques et leurs dispositifs sont désormais orientés vers l’innovation, la compétitivité, l’excellence, la créativité et l’attractivité. En focalisant sur la compétitivité, la conception d’égalité des territoires s’efface devant leur mise en concurrence quel que soit l’échelon. Cette évolution de l’action publique influe sur l’aménagement territorial et la synergie des acteurs. En ce qui concerne notre région, la logique de projet de territoire s’est effacée au profit d’une logique de guichet qui a démontré toutes ses limites.
Dès lors replacer l’ingénierie comme moteur au service de l’intelligence collective est porteur de sens des lors qu’elle est au service d’un projet politique permettant de réinstaurer les dynamiques collectives et démocratiques associant tous les acteurs et pas seulement le monde économique et les élus territoriaux. Une autre ingénierie au service des besoins et des attentes des habitants afin de créer de la richesse en territoire grâce au développement des services publics, des transports…
Car, au regard du délitement du vivre ensemble ,de la montée des inégalités sociales et des enjeux environnementaux, c’est bien davantage de ces dynamiques collectives et démocratiques qu’ont émergé et qu’émergeront les nouvelles formes de richesses faisant l’attractivité d’un territoire, sans tout attendre d’un ruissellement de valeur depuis quelques grandes entreprises, « ruissellement » qui, de toute façon, n’aboutit que par les luttes sociales .
Dans les années à venir, les dispositifs gouvernementaux à destination des territoires s’inséreront au sein du CRTE pour bénéficier des dynamiques et des partenariats engagés. Ils sont annoncés comme un gage de gain de temps et de simplification des procédures pour permettre aux collectivités de répondre rapidement aux enjeux de la crise actuelle.
Nous ne pouvons dès lors que redire que sans contrôle démocratique, l’action publique pourrait être fatale à toute forme d’intelligence collaborative, dès lors qu’elle essaie d’exclure le rôle de certaines propositions disruptives dont celles des partenaires sociaux.
Dans ce contexte, nous partageons globalement les propositions du CESER concernant les préalables au soutien de l’action publique ainsi que des recommandations à la Région et l’Etat concernant la temporalités et les modalités comptables : à savoir d’ inscrire l’accompagnement à l’ingénierie comme une dépense d’intervention et d’investissement.