Déclaration des organisations CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT, FSU, UNSA, Solidaires sur la contribution du CESER “Gigafactories, une des réponses à la dynamique de la réindustrialisation ?” (cliquer pour lire la contribution)
Le rapport de la Commission 1 sur les gigafactories sort quasiment en même temps que l’ouverture, en Europe, des premiers sites de production de batteries nécessaires à l’électrification des véhicules. Impliquant de lourds investissements, dans lesquels des fonds publics sous différentes formes interviennent pour une part importante, laissant entrevoir la perspective d’importantes créations d’emplois, ces nouvelles unités de production sont la réponse apportée à la mutation à marche forcée d’une industrie particulière :
– Tant par la nature et l’impact sociétal et environnemental de ses produits,
– Que par les process qu’elle a contribué à introduire et développer (le fordisme, le Lean, …),
– Ou encore par son poids dans l’histoire sociale,
Industrie qui représentait encore 12,8 millions d’emplois en Europe en 2018, selon l’ACEA. Mais les créations d’emplois annoncées dans ces projets occultent les projections d’une étude réalisée pour les équipementiers automobiles européens : Ce sont près de 501.000 emplois qui sont menacés dans la filière “moteurs thermiques” ,face à la perspective de 236.000 emplois possibles si l’Europe réussit à se doter d’une filière “traction électrique”.
Nous partageons donc largement le choix fait dans le rapport d’ouvrir la focale pour promouvoir une approche systémique en “recontextualisant” ce “retour” des grandes unités de production, et d’évaluer l’opportunité pour la Région de mobiliser des moyens spécifiques sur ces projets, dans le nouveau paradigme qui s’esquisse en réponse :
– Aux ruptures brutales des chaînes d’approvisionnement expérimentées lors de la crise Covid , puis avec l’agression russe en Ukraine et aux risques résultant de la montée des tensions géopolitiques sur fond de rivalité Chine / USA et de “repolarisation” du Monde.
– Aux multiples enjeux environnementaux, et, notamment, celui du réchauffement climatique posé depuis longtemps et largement documenté, notamment par le GIEC.
Ce nouveau paradigme :
– Pose la nécessité de combiner décarbonation des activités productives et prise en compte des enjeux de “souveraineté économique”, sous la forme de la recherche de la maîtrise publique des filières stratégiques (et notamment celle, transverse, des microprocesseurs) ainsi que celle des nouvelles filières de l’économie décarbonée.
– Redonne donc aux activités de “fabrication”, à partir d’unités de tailles diverses en fonction des contraintes technico-économiques propres à chaque activité, toute leur importance, après la longue séquence de domination du modèle “fab less”.
– Implique d’accompagner ce mouvement en anticipant les évolutions des métiers et des compétences qu’il va provoquer.
– Nécessite d’organiser les formes de coordination et de coopération, aux échelles pertinentes au regard des tickets d’entrée annoncés, afin que la région y prenne toute sa place.
Dans une région marquée par un poids important de l’activité industrielle, ce nouveau paradigme est porteur de risques et d’opportunités :
– Risques notamment dès lors que de nouvelles unités de production sont à implanter et que, au-delà des éléments plus courants (disponibilité du foncier, des ressources humaines, …) sur lesquels l’échelon Région entend renforcer son “offre”, les “cahiers des charges” présentent des contraintes plus particulières (insertion logistique amont et aval de la nouvelle unité s’agissant de produits lourds ou volumineux, coûts et disponibilité de l’énergie, des matières premières, enjeux sociaux …), sur lesquelles la Région a peu de moyens d’action.
– Risque sur les filières “carbonées”, fortement présentes sur la Région, ainsi qu’en atteste la dotation de 120 m€ obtenue au titre des “Fonds Territoriaux Transition Juste” pour anticiper la reconversion des bassins d’emplois et des personnes affectées.
– Opportunités résultant de la richesse de certains écosystèmes régionaux, locomotive pour le développement des entreprises déjà implantées et facteur d’attraction pour de nouvelles activités.
– Opportunités résultant d’une activité industrielle diversifiée, implantée sur des territoires eux-mêmes divers dans leurs trajectoires et leurs attentes, permettant de développer des réponses différenciées pour s’inscrire dans ces nouvelles filières et permettre un développement équilibré de la Région.
Tirer parti, ce nouveau paradigme nécessitera aussi de requestionner les forces et les faiblesses de la Région au regard de ce nouveau cadre pour :
– Définir les axes possibles de développement à partir du tissu régional existant,
– Identifier les besoins de consolidation par développement endogène (soutien à certaines filières et / ou actions de diversification d’entreprises existantes) et / ou par développement exogène plus ciblé, dans une région présentée comme très attractive.
– Structurer l’offre de formation, initiale et continue, pour répondre tant aux évolutions des métiers qu’aux attentes des étudiants et des travailleurs-ses de la Région en matière d’orientation et d’évolution tout au long de la vie.
– Anticiper les mutations pour permettre que les reconversions attendues ne se fassent pas au détriment des territoires, des travailleurs-ses et, plus globalement, des habitants de ceux-ci.
Pour répondre à ces lourds enjeux, une proposition a été faite par les partenaires sociaux lors du Forum de l’Industrie de novembre 2019 de mise en place d’un Observatoire Régional. Reprise comme préconisation dans la présente contribution, elle doit enfin trouver une réponse de la part de l’Exécutif Régional. A de nombreuses reprises, et notamment lors de nos interventions sur le S.R.D.E.I.I. ou sur le plan de relocalisation lancé par la Région, les organisations syndicales signataires ont confirmé leur disponibilité pour s’engager et apporter leur expérience et leurs analyses et contribuer à une réindustrialisation réussie sur le plan de la maîtrise des enjeux environnementaux et créatrice d’emplois de qualité. Elles le feront en ayant le souci constant que celle-ci contribue également à renforcer la cohésion sociale, la réponse aux besoins afin de bien vivre durablement en région. Elles rappellent également leur demande de mise en place de conditionnalités des aides publiques, conditionnalités répondant aux mêmes critères que les fonds européens et qui seraient proportionnées aux montants obtenus, portant sur le suivi des engagements en matière d’impacts environnementaux et d’évolution des emplois, suivi passant notamment par l’implication des C.S.E. dans le cadre de leurs prérogatives déjà reconnues en matière d’Information-consultation.
Les organisations syndicales signataires voteront favorablement cet avis, construit à partir d’auditions complémentaires ayant permis une approche plus large, des échanges ouverts sous la conduite de notre Président Éric Le Jaouen et mis en forme par notre chargé de mission Laurent de Pessemier que nous remercions.