La question de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche relève directement de la conception que nous avons de la société et pour ce qui nous concerne, du pacte républicain. Il n’est pas inutile de le préciser à chaque fois que nous devons y travailler, afin de ne pas perdre la finalité de celle-ci.
Aujourd’hui où le CESER doit donner un avis sur le Schéma Régional de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, il convient de regarder, sous l’angle de nos bases sociales, si ce schéma peut apporter des réponses aux enjeux qui s’annoncent.
Le développement économique et l’emploi ne peuvent être les seuls objectifs de l’enseignement supérieur et de la recherche. Quand bien même ce schéma régional y répondrait favorablement, ce ne serait pas suffisant pour le qualifier de « stratégique » au regard des défis pour lesquels il est impératif de diffuser les savoirs, les connaissances, les lumières dans la Société.
Face au développement des croyances et des obscurantismes qui menacent le socle républicain et donc le progrès, la considération étriquée d’une finalité mercantile de l’enseignement supérieur et de la recherche, risque fort d’abandonner à terme, les connaissances aux croyances, le progrès économique et social, à la régression.
Mais rien d’étonnant, ce SRESRI s’intègre dans une conception libérale dessinée par l’Europe et les Nations qui la constituent. La stratégie annoncée est une stratégie de marché dans un contexte identifié de concurrence internationale. Cet angle de vision étroit n’apporte aucune réponse aux besoins croissants d’émancipation des populations par les connaissances. Alors que les fracturations sociales et culturelles sont croissantes, on néglige que les sciences unissent quand les croyances divisent. En s’appliquant à ne considérer que la rentabilité économique de l’enseignement supérieur et de la Recherche, ce Schéma régional ne favorisera aucune éclaircie sous le soleil de la raison.
Conséquence de la loi NOTRe, la Région par la définition d’un SRESRI, ne peut plus se permettre de « bricoler » pour arroser çà et là, parmi l’irrigation de fonds publics européens et nationaux, quelques projets identifiés prometteurs sous le critère de l’excellence ou de la rentabilité économique supposée. Elle doit répondre aussi à des enjeux d’un autre ordre, elle en a davantage les moyens et porte donc une responsabilité accrue pour les aborder.
La CGT le disait déjà dans sa déclaration concernant l’avis du CESER du 20 septembre 2016, « le déséquilibre est conséquent » entre l’orientation « entreprises » et les enjeux liés aux besoins de notre société, même si l’avis précisait que l’ESR devait « répondre à de nouveaux défis économiques et sociaux », les « nouveaux défis » qu’il pointait se rapportaient presqu’exclusivement à l’économique.
Aujourd’hui, l’avis du CESER soumis au vote, est lucide sur les limites du schéma régional et reconnait « une dimension anticipatrice insuffisamment prise en compte » (chap.3.1), même si les « besoins socio-économiques » (chap.2.2) restent surtout d’ordre économique dans l’ensemble du document.
N’est-ce pas difficile d’articuler dans un même texte, la mise en concurrence non contestée des outils de recherche et d’enseignement supérieur, avec la volonté « d’équilibres territoriaux et de maillage territorial » ? Cette volonté affirmée qui répond à une nécessité de solidarité et d’égalité, se heurte à des logiques évidemment antagonistes. Mais, l’évolution du CESER sur le concept d’excellence, sa prudence à la mettre désormais en avant, est un levier favorable pour considérer le besoin social, au sens le plus large, comme un déterminant incontournable dans nos prochains travaux sur l’enseignement supérieur et la recherche.
Corrélativement à la conception première du Schéma Régional, l’innovation reste très appliquée aux marchés et aux entreprises. Or les mutations et ruptures technologiques transforment déjà les modes de production, les rapports de production et les cadres collectifs relatifs au travail. Aujourd’hui peu considérée par notre assemblée, l’anticipation de celles-ci avec l’ensemble des forces productives conditionne pourtant leur réussite. Gageons que cette question sera un des axes de travail du groupe « Industrie » que le CESER se proposera de mettre en place dans les prochains mois.
Dans cette idéologie maîtresse qui dessine l’ensemble des politiques publiques dans lesquelles s’inscrit le SRESRI, la CGT ne peut qu’en relever des constats de déstructuration et de démantèlement des outils, de dénaturation des finalités.
Les fonds publics européens, nationaux, régionaux et métropolitains, à travers les crédits d’impôts, les projets d’excellence, la SRI-SI, les CPER, le schéma métropolitain, posent des questions de cohérence et d’articulation qui s’ajoutent à celles de la pertinence économique et morale de l’utilisation de ceux-ci. On sait notamment combien le CIR peut alimenter l’actionnariat avant d’aider les TPE et PME dans leurs activités industrielles.
C’est une somme de politiques publiques qui participent d’une conception libérale cohérente mais limitée aux besoins du marché, ce qui rétrécie le champ d’intervention du politique et réduit la nature des enjeux à l’économique.
Dans ce cadre, les effets qui devraient être bénéfiques sur l’emploi des chercheurs, ne sont pas du tout ceux qui devraient être, en regard des fonds engagés. Combien de chercheurs devraient être embauchés dans notre région avec le milliard d’euros versés au titre du CIR ? Le SRESRI alimentera cette logique de la même façon, sans en prévoir l’évaluation. Que dit notre avis sur cette question ?
Dans cet ensemble, l’enseignement supérieur subit la marchandisation des enseignements et la remise en question du statut de la fonction publique d’Etat. Les pressions sont importantes sur les chercheurs quand 7,5% des projets sont financés par l’ANR. Leurs moyens accordés à courts termes, sur projets, sont des financements précaires qui développent la précarité des personnels de recherche. Est-ce ainsi que l’on envisage l’horizon et la liberté d’exploration ?
Au-delà des mutations et ruptures technologiques qui peuvent être des objets d’étude pertinents, il s’agit de garantir à l’ES et la recherche publique leur liberté d’exploration, d’appréhension et de conception du monde.
Le manque croissant de démocratie dans la mise en œuvre des politiques de restructuration de l’enseignement supérieur ajoute au malaise. L’IDEX portée par les COMUES est ainsi pilotée par un COMEX et un COPIL dont les membres ne sont pas élus, ce qui interpelle les personnels chercheurs et enseignants et au-delà, les citoyens.
L’Université a un double rôle dont on efface aujourd’hui le premier : la citoyenneté et l’emploi. Se proposer de développer l’alternance et l’apprentissage, si cela peut promettre à l’étudiant un emploi immédiat, ne construira pas le citoyen. Il nous faut modérer cet engouement pour le lien avec l’entreprise en convenant qu’il peut être bénéfique mais qu’il n’est pas l’essentiel.
Le CESER marque son intérêt pour la vie étudiante, la proximité des enseignements, l’irrigation des connaissances dans les territoires pour contribuer à l’« égalité des chances » (CESER 09.2015). La CGT souhaite que nous poursuivions à interpeller la Région pour qu’elle s’engage résolument sur ces incontournables de la réussite estudiantine.
Sur l’ensemble de l’avis qui apprécie essentiellement l’aspect économique du SRESRI, la CGT s’abstiendra en notant une évolution positive du CESER, par la prise en compte des aspects de solidarité territoriale.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1306