Intervention des Organisations Syndicales CGT, FSU, CFDT, CFE-CGC, CFTC et Solidaires sur la Contribution “S’orienter, se réorienter” Volet 2 : L’orientation et l’accompagnement des parcours professionnels des adultes
La contribution présentée ce mardi 15 mars 2022 par la commission Orientation, Éducation, Formation, Parcours professionnels concernant “l’orientation et l’accompagnement des parcours professionnels des adultes” est l’aboutissement d’un travail de près de quatre ans sur le thème de l’orientation et de deux ans pour son volet 2.
Ce document arrive au moment où le CREFOP élabore le Contrat de Plan Régional de Développement de la Formation et de l’Orientation Professionnelle (CPRDFOP) 2022 – 2028. Dans un temps extrêmement contraint, il a manqué le temps d’une véritable évaluation objectivée de la mise en œuvre du plan précédent. Nous saluons d’ailleurs la contribution rédigée conjointement par les 7 Organisations de Salarié.es présentée le 28 février dernier lors de la plénière du CREFOP, note précisant à la Région et à l’Etat les attentes des partenaires sociaux en matière de formation professionnelle et donc de l’accompagnement des parcours professionnels des adultes, qui est le sujet de notre contribution.
Nous déplorons que n’ait pas eu lieu un processus s’appuyant davantage sur les travaux du CREFOP dès lors que celui-ci est utilisé par la Région comme un réel outil à sa disposition en matière d’emploi, de formation et d’orientation professionnelle.
La formation professionnelle fragilisée par les réformes et la crise sanitaire
Cette auto-saisine débutée mi 2018 pour son Volet 1 s’inscrit dans le contexte de 2 réformes successives : la réforme de la formation professionnelle, loi du 5 mars 2014 créant le Service Public Régional de l’Orientation tout au long de la vie professionnelle (S.P.R.O.) et de celle du 5 septembre 2018 “Pour la liberté de choisir son avenir professionnel”.
Cette dernière a bouleversé le paysage de la formation professionnelle et particulièrement la compétence de la Région par la place prépondérante accordée à l’apprentissage avec l’ouverture de ce marché à l’ensemble des organismes de formation, et par le transfert de cette compétence aux branches professionnelles.
La crise COVID depuis 2020 et ses conséquences sur le plan sanitaire, sociétal, environnemental et économique n’est pas non plus sans impact sur la formation professionnelle des jeunes comme des adultes.
Effectivement, des populations d’actifs ont été fragilisées du fait du stress et de l’isolement propres à cette situation exceptionnelle : les processus de recrutement et de formation devront prendre en considération la santé des actifs, en particulier les personnes en recherche d’emploi, qui doivent être accompagnées afin de ne pas être marginalisées donc précarisées sur le marché du travail.
Les organisations et les collectifs de travail ont été eux aussi fortement impactés amenant des salarié.es à s’inscrire dans un schéma de reconversion professionnelle subie ou choisie. Le rapport au travail les conduit à se questionner, se repositionner dans leurs attentes et leurs envies entre activité professionnelle et vie personnelle, remettant la qualité de vie et la reconnaissance au travail au cœur de leurs préoccupations. La formation a également subi de nombreux changements et aménagements : accélération de la dématérialisation des formations, aides à l’apprentissage, mise en place de dispositifs de transition collectives…
Un droit à la formation professionnelle de moins en moins effectif
Même si l’orientation et l’accompagnement des parcours professionnels des adultes est un enjeu croissant pour les politiques publiques, un enjeu d’après crise pour les acteurs régionaux, en l’état peut-on réellement parler de “liberté de choisir son avenir professionnel ?” pour chacun et chacune d’entre nous ? pas si certain.
Anticiper, s’émanciper, permettre de se réaliser en tant que citoyen.ne, s’insérer durablement dans un emploi, appréhender la diversité des situations de travail et répondre aux nouveaux enjeux du monde du travail, comme la transition écologique, la digitalisation, l’inclusion et la lutte contre les discriminations de toutes sortes devient alors un objectif des formations. Qu’elle soit initiale ou continue, nos organisations ont toujours revendiqué un droit à l’éducation permanente pour une formation émancipatrice tout au long de la vie. Malheureusement ce droit est loin d’être effectif, il est de plus en plus compliqué d’user de ce droit fondamental.
La commission a produit cette contribution, après de multiples auditions qui ont montré l’organisation du système en matière d’orientation et d’accompagnement des parcours professionnels, ce qui a permis à la fois de pointer les problèmes se posant pour les adultes salarié.es ou privé.es d’emplois s’inscrivant dans une démarche d’évolution professionnelle et de proposer 6 préconisations.
Après avoir auditionné l’ensemble du panel des organismes liés à la formation professionnelle en région (Via Compétence, CIBC, Transition Pro, Pôle emploi, Opérateurs de compétences…) au passage nous regrettons que la commission ait eu comme interlocuteur.trices les directions opérationnelles de ces organismes et non des représentant.es paritaires ce qui aurait peut-être permis d’échanger sur les aspects politiques et ne pas recevoir uniquement les données institutionnelles. Nous nous réjouissons que la commission ait aussi auditionné les principaux concernés à savoir des salariés élus d’entreprise de secteurs d’activité variés (TPE du bâtiment et grande entreprise de la micro-électronique) ainsi que des adultes inscrits dans un parcours de formation, ce qui a été un vrai plus dans notre contribution.
Un droit à la formation qui passe par des actes concrets
Tenant compte que dans le monde du travail, il existe un important phénomène de discrimination notamment en fonction du niveau d’étude, du sexe, de l’emploi occupé, de la taille de l’entreprise et que la formation est la clé de voûte de tout projet de société construit sur l’émancipation des citoyens et citoyennes, des travailleurs et travailleuses, nous considérons que la formation continue doit s’effectuer sur le temps de travail, à l’initiative des salarié.es, pour anticiper les mutations, élever les qualifications, permettre à chacune et chacun d’être acteur de son propre parcours, et simultanément ouvrir de nouveaux champs de savoirs et de culture. Elle doit être gratuite pour l’intéressé dans le cadre d’une réflexion sur la création d’une sécurité sociale professionnelle. Les budgets dédiés doivent être prévus et abondés en conséquence des besoins. Pour garantir le droit à formation, les employeurs doivent assurer la continuité du service en anticipant le remplacement des salarié.es, agent.es qui partent en formation. Nous nous opposons aux formations pendant les congés, jours de repos et durant les vacances pour les personnels concernés.
Le CESER préconise de garantir un accès égal et équitable à l’offre de services pour tous les adultes. Il est évident que l’on doit s’assurer que la sécurisation des parcours de formation doit s’adresse en priorité aux publics qui en ont le plus besoin. Le sujet de la formation des demandeurs d’emploi est une question centrale. Nous pouvons également mettre en questionnement le non-recours à la formation ou de façon beaucoup moins significative, des salarié.e.s les moins qualifé.e.s de 45 ans et + en milieu ou en fin de carrière. Rappelons aussi que les femmes vont beaucoup en formation d’adaptation à l’outil, voire un peu plus que les hommes, mais s’agissant des formations promotionnelles elles en sont quasi absentes. La discrimination perdure aussi dans le monde de la formation.
Un véritable service public de la formation professionnelle
Parce que la Formation Professionnelle comme l’Éducation sont des outils incontournables de transformation sociale et de progrès pour l’ensemble de la population, il est nécessaire de développer un véritable service public de la formation professionnelle. L’État doit redevenir l’acteur majeur de l’orientation et de la formation professionnelle par le biais de services publics ou de cahiers des charges et de contrôles clairs pour les organismes associés.
Nous déplorons que l’orientation ne soit jamais conçue comme un droit de transformer ses aspirations en projet réaliste et ambitieux, qu’il faudrait rendre effectif pour le salarié ou le jeune adulte, mais comme le moyen pour les pouvoirs publics de réguler les flux vers les besoins d’emplois immédiats dans une vision adéquationniste. La formation professionnelle des salarié.e.s dans le cadre de l’entreprise doit permettre à chacun et chacune de s’élever en termes de qualification et non pas être une simple adaptation au poste de travail. Nous regrettons de devoir rappeler que la base et le sens de la réforme sont le centrage sur l’individu, c’est-à-dire la personne dans la conduite de son parcours, professionnel, et non une aide aux dispositifs.
Former les jeunes et les salariés pour le long terme, leur permettre de s’adapter ultérieurement aux mutations, plutôt que seulement adapter à court terme leur compétence pour répondre aux besoins économiques à court terme, nous paraît la seule option légitime pour fonder une politique de formation et d’orientation.
De plus, il est indispensable de séparer l’acte d’orientation de la pratique des organismes de formation privés qui y voient le moyen de remplir leurs formations : on est alors bien éloigné de l’intérêt général d’anticipation des mutations.
La société a le devoir (pour utiliser le vocable de la Région) d’améliorer la qualification des salarié.e.s et d’assurer l’émancipation de chacun et chacune.
La marchandisation de la formation professionnelle est tout simplement inadmissible, elle ne fait qu’éloigner celles et ceux qui en auraient le plus besoin tout en garantissant à des organismes privés parfois peu scrupuleux la possibilité de s’enrichir. Se pose alors la question d’un véritable contrôle de ces organismes afin d’assurer la qualité de la formation, de l’accompagnement et du suivi : qualification des personnels, locaux et matériels pédagogiques et utilisation des fonds publics.
La préconisation 4 de disposer d’indicateurs de suivi et de tableaux de bord est indispensable si toutefois un travail d’analyse, de concertation et de remédiation est effectué par la suite.
Dès lors qu’il s’agit de répondre aux besoins des personnes en recherche d’emploi ou en activité et des entreprises l’installation d’une concertation quadripartite (Etat, Région, Entreprises et OS) doit être mise en place. Pour exemple Il est fort regrettable que ce ne soit pas le cas dans les Comités Régionaux Pour l’Emploi. A croire que les salarié.e.s et leurs représentants ne sont pas des acteurs emploi/formation !
Les formateur.trices et enseignant.es sont exclu.es des Commissions Professionnelles Consultatives, alors que les branches professionnelles y sont devenues hégémoniques. La réorganisation des certifications en blocs de compétences facilite la vente à la découpe des diplômes et affaiblit la place des savoirs généraux et professionnels dans les référentiels. Elle transforme progressivement les diplômes en certifications répondant aux besoins immédiats des employeur.euses en oubliant les dimensions culturelles, citoyennes et socialisantes de la formation.
Il est impératif, non pas de simplifier mais d’organiser
A plusieurs reprise la commission a demandé la simplification.
Or la complexité s’explique par l’existence d’une très grande variété des métiers et des qualifications avec comme conséquence une grande diversité des formations. A cette diversité s’ajoute le nombre impressionnant d’organismes de formations répartis de manière inégale sur le territoire, sans compter les différentes sources de financements, de ministères de rattachement .
La personne qui cherche une formation, qu’elle soit étudiant.e, demandeur d’emploi, salarié.e est-elle, lui aussi une personne singulière avec ses aspirations. L’idée qu’un étudiant ou un salarié puisse s’orienter de manière totalement autonome peut aussi être une source d’inégalité : en effet les mieux informés sont le plus souvent les plus aisés favorisés dans ce domaine, ce qui ajoute à l’inégalité des chances.
Il est donc impératif, non pas de simplifier mais d’organiser, ce qui est fait en partie seulement, l’orientation au sens de l’accompagnement (prestation niveau 3 du CEP).
Ce service public de l’orientation doit avoir la capacité :
- De maîtriser l’ensemble des environnements et de leurs changements perpétuels.
- De permettre à chaque interlocuteur, du fait de la compétence de ses professionnels, de faire émarger son projet réaliste et ambitieux de manière opérationnelle, ce qui est un travail complexe et chronophage.
- Garantir les moyens financiers et pratiques de réaliser cette orientation tout au long du parcours.
- D’assurer une couverture diversifiée territoriale complète géographique et professionnelle.
En conclusion, Imposée ou choisie, dans ou en dehors de l’entreprise, verticale ou horizontale, la mobilité des salariés s’accélérera. Ces évolutions font de la question de la formation professionnelle continue des travailleurs et travailleuses un enjeu majeur.
La formation ne doit pas se résumer à la seule adaptation à l’emploi immédiat mais favoriser l’accomplissement personnel et soutenir les projets de carrière et de mobilité.
Chacun et chacune doit pouvoir choisir sa formation pour déboucher sur une qualification. L’enjeu est de reconnaître des droits transférables à la personne et non plus au statut ou au contrat de travail, de construire une véritable sécurité sociale professionnelle.
Nous remercions la présidente de la commission Edith Bolf pour le climat de sérénité dans lequel les travaux ont pu se tenir et le chargé d’étude Tristan Desfresnnes pour la qualité de la contribution représentative de nos débats.
Nous voterons pour la contribution en souhaitant que les préconisations formulées dans cette dernière soient aussi prises en compte dans le CPRDFOP 2022 – 2028.