Le Conseil Syndical Inter Régional, regroupant les organisations syndicales françaises et italiennes des régions alpines, a organisé le 2 février un débat sur le chantier du Lyon Turin
Il s’agit là d’un projet global, à l’échelle européenne (Est/Ouest, Lisbonne/Barcelone/Lyon/ Milan/Kiev), avec le contournement de Lyon. Cette liaison qui rentre dans la démarche de la convention alpine, est une nécessité, et reconnue, revendiquée comme telle par le CSIR depuis de nombreuses années.
Nécessité économique afin de faciliter les échanges et de répondre aux besoins futurs, car il faut 30 ans pour réfléchir sur du long terme, décider et réaliser une liaison ferroviaire de ce type et de cette importance. Cette liaison est une priorité pour le fret, mais elle permettra aussi de répondre aux besoins de transport des voyageurs. (L’Italie est le seul pays voisin non connecté au réseau « grande vitesse »). Elle permettra également de libérer des sillons pour faire passer davantage de trains TER répondant ainsi aux besoins et demandes des usagers locaux.
Nécessité sociale et environnementale
Pollution dans les vallées alpines, report modal et relance du fret ferroviaire. Sur la ligne existante passe environ 4 millions de tonnes avec la possibilité d’en passer au maximum 10. L’objectif d’en passer 20 à 30 millions ne pouvait être envisagé que par la construction du tunnel. A l’heure actuelle, 80% du trafic est réalisé par la route.
Petit rappel : les coûts externes supportés par la collectivité et le contribuable (pollution, nuisances, congestion, atteinte à l’environnement, accidentologie, non-paiement par les utilisateurs des infrastructures,…), sont chiffrés au niveau européen à 650 Milliards d’€ et pour la France à 87 milliards d’€ par an dont 92% sont générés par le mode routier.
Chaque année en France, il y a 48 000 morts à cause de la pollution. C’est la troisième cause de mortalité. Ces chiffres au regard de la pollution récente sur Paris, Lyon, Grenoble, vallées Alpines et au-delà, sont désormais mieux connus de tous. Un chiffre aussi, le coût social du bruit en France : pas moins de 57 milliards d’euros par an ! Le coût sur la santé du bruit des transports s’élevant à 11,5 milliards d’euros par an en France, dont 89% induit par le trafic routier.
Un financement atteignable
Le coût de la section transfrontalière est estimé à un montant de 8,6 milliards d’€, un coût identique au tunnel suisse du Gothard. Ce que la Suisse a fait seule, la France, l’Italie avec l’appui conséquent de l’Europe peuvent bien évidemment le supporter. L’espérance de vie et d’utilité publique d’un tel ouvrage socialement, environnementalement et économiquement est au bas mot d’un siècle. Cela nous mène en 2130 !
Le financement est assuré à 40% par l’Europe, à 35% par l’Italie et 25% par la France. Ce qui fait pour la France, un coût annuel, tenant compte de l’échéance de mise en service prévu vers 2030 à moins de 500 millions d’€ sur un budget d’Etat qui est de l’ordre de 380 milliards d’€, soit (sauf erreur de ma part) moins de 0,13%. Chiffre à mettre en parallèle aux effets attendus.
A noter aussi qu’une indispensable procédure « anti-mafia » a été mise en place.
Point d’actualité sur le chantier
Il fait actuellement travailler autour de 500 personnes côté français. La moitié des salariés sont des locaux dont une majorité de la vallée de la Maurienne. Il y a 10% de salariés italiens, et c’est normal car le groupement d’entreprises qui a obtenu le marché est composé d’Eiffage – Spie – Ghella – CMC – Cogeis.
Ce chantier occupera plus de 2000 personnes par an côté français sur les 5 années les plus importantes et 1000 du côté italien. En exploitation, le volume d’emplois durables tournera autour de 300.
En ce qui concerne le tunnel de base, il a été percé à plus de 13%. ce n’est donc plus un projet, c’est un chantier qui mérite une présence syndicalement au quotidien.
L’action syndicale du CSIR
Le C.S.I.R. est engagé depuis le début en faveur de cette liaison. D’ailleurs, grâce à l’action des organisations qui composent le C.S.I.R., des modifications de tracé, de priorités, de traitement social, de démocratie ont été faites. Rappel : au départ, la liaison était priorité voyageur, nous avons fait inverser la priorité et le tracé a été adapté en conséquence.
Le C.S.I.R. a été aussi très attentif à la démocratie soit en organisant des moments de débats, en participant à de nombreuses réunions publiques, aux débats sur l’utilité publique du tunnel ou en intervenant avec toutes les structures du C.S.I.R. concernées et ce à tous les niveaux.
Dans le CSIR, nous avons à plusieurs reprises acté notre accord pour le Lyon-Turin à la suite d’un colloque à Montmélian en 1999, en portant aussi ensemble des exigences sociales fortes, comme par exemple une procédure grand-chantier et un comité d’hygiène et de sécurité transfrontalier (voir dernière prise de position à l’AG de 2015). Nous avons travaillé avec les syndicats italiens sur un protocole social pour le chantier.
Des exigences sociales fortes
La vérité m’amène à dire, vous avez mieux réussi côté italien que nous côté français car vous avez signé en 2012, un protocole « di intesa per Venaus – Maddalena » qui définit les niveaux de relations sociales, les conventions applicables et l’organisation du travail. Vous avez aussi signé un protocole « d’intensa ai fini della prevenzione dei tentativi di infiltrazione della criminalita organizzata ». Et plus récemment, vous avez signé un accord de chantier sur la sécurité au travail, les jours de repos, fériés et dernièrement un accord sur la durée du travail. Du côté français nous n’en sommes pas là. D’où l’utilité de la rencontre de ce jour, et de l’utilité à l’avenir d’encore plus et mieux travailler ensemble. Vous êtes sur ces sujets, sans conteste, en avance sur nous.
Nous pourrions demander un comité de suivi regroupant tous les acteurs, l’Etat, les organismes de contrôles, avec les dirigeants des entreprises du chantier et TELT qui permet de faire le point tant sur le social, les salariés détachés, le respect de la réglementation, la sécurité, les nuisances, le logement, les retombées sur le territoire, etc. Tout cela comme nous demandons un CHS CT international.
Malgré cela beaucoup d’initiatives restent à prendre, et d’actions à mener :
L’impérieuse nécessité d’une véritable politique de report modal en avançant l’idée de plus de contrôles sur le routier car nous avons un vrai problème de respect des règles sociales dans le transport routiers de marchandises mais aussi la mise en place de l’Eurovignette comme cela se fait en Suisse ou en Allemagne.
La nécessité de développer le fret ferroviaire (en France, la part modal du fret ferroviaire est passé de 26% en 1984 à 10% en 2015) à travers les entreprises historiques, (SNCF et FS) y compris en multipliant les lieux de transfert des camions de la route vers le rail pour l’AFA et le nombre d’aller et retours. Il faut travailler encore sur la question de l’interopérabilité.
Au niveau syndical, nous nous devons de remettre le social et la sécurité sur le devant de la scène. Car il y a, à travailler ensemble sur le chantier (salariés détachés, sous-traitance, etc) cela nous permettra aussi de participer à la construction de l’Europe sociale.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1400