Depuis le 23 novembre, la CGT des industries chimiques est mobilisée avec les salariés sur la cession à l’euro symbolique du pôle Vinylique d’Arkema. L’unique but du chimiste français réside dans la rentabilité financière immédiate sans aucune garantie fiable pour l’avenir des emplois avec un tour de passe-passe pour sous-traiter un éventuel plan social qui ne dit pas son nom.
Article publié dans la Nouvelle Vie Ouvrière du 24 février 2012
Amarante, c’est le nom choisit par le groupe chimique Arkema pour la future entreprise des activités de son pôle vinylique. C’est également le petit nom d’un colorant alimentaire (E123) pourpre de son état et malheureusement hautement cancérigène, allergisant et interdit dans la plupart des pays occidentaux, sauf en France. Les deux noms ne sont certes point liés, mais les salariés du fameux pôle vinylique, qui élaborent notamment les produits PVC d’Arkema en apprécieront sans doute le symbole toxique.
Si l’on en juge par l’intensité des mouvements de colère du personnel, du 2 février dernier, jour de l’annonce officielle en comité central d’entreprise de la vente de ces activités, cette Amarante ne passe visiblement pas dans les usines. Le terme de vente n’est d’ailleurs pas vraiment approprié puisque c’est pour le montant de l’euro symbolique que le fond d’investissements américain Klesch Group, dont le siège social est à Genève en Suisse, fera l’acquisition de 2637 salariés, de 22 sites industriels dont 10 en France et de 12% du chiffre d’affaires d’Arkema.
Le chimiste français dont le résultat net a doublé dans le premier semestre 2011 pour atteindre 335 millions d’euros, se paye même le luxe de verser à ce repreneur financier une enveloppe de 100 millions d’euros en guise de trésorerie, sans que ce dernier n’ait à pâtir de la dette de 470 millions d’euros qu’Arkema conservera.
La colère des salariés ne cesse de s’exprimer depuis le 23 novembre lorsque le PDG d’Arkema a fait connaître les intentions de ses actionnaires. Et pour cause, dès cette information connue la cotation en bourse a bondi de 17%, alors que les véritables motivations du groupe Arkema sont d’atteindre les objectifs financiers prévus pour 2015 en 2012. Autrement dit le profit immédiat sans autre ambition, vaut mieux qu’une stratégie industrielle à long terme alors que le chimiste français annonce au même moment un chiffre d’affaires en hausse de 20% qui atteint en début d’année 2011 la bagatelle de 3,5 milliards d’euros (les Echos).
« … Les seules maigres informations qui sont distillées aux personnels, le sont par les directions d’établissement qui, vous devez le savoir, ont les pires difficultés à relayer l’enthousiasme de votre courriel du 23 novembre 2011. » Ont signalé les délégués CGT au Pdg du groupe Thierry Le Henaff dans un courrier signé de la coordination syndicale.
Quand au repreneur, qui n’est pas un industriel, sa sulfureuse réputation le précède. C’est le même qui reprit en 1998 la marque de chaussures et les magasins Myrys et dont les 180 salariés firent l’amère expérience d’une faillite suivit des licenciements de la totalité du personnel. Financier touche-à-tout, dont les investissements se concentrent dans des domaines totalement disparates, tels que le stockage, l’aluminium, le pétrole et le gaz où encore la chimie et la logistique ; Klesch Group se distingue également par une série de « casseroles » liées à des noms d’entreprises dont les actualités financières ont émaillées les années 90. On trouve ainsi des dossiers comme ; Eurotunnel, Quadrex holdings société qui fut dissoute en 1999, Euro Disney, ou encore la compagnie ferroviaire américaine Penn Central qui a fait faillite.
Devant le manque d’informations crédibles données aux représentants du personnel par Arkema, la CGT a réagi ;
« Votre courriel aux salariés vante les exemples réussis de rachats de sociétés dans un passé récent par monsieur Klesch » s’adressent ainsi les délégués CGT au Pdg d’Arkema ;
« En Allemagne où monsieur Klesch possède une raffinerie qui vient d’annoncer une réduction de 15% des effectifs, nous avons eu des échanges avec les organisations syndicales […] nous nous sommes rendus aux Pays-Bas pour écouter les salariés, aujourd’hui sans emploi, de la fonderie d’aluminium de Vlissingen, appartenant à monsieur Klesch. Rien, nous n’avons trouvé aucun des exemples auxquels vous faisiez référence dans votre courriel ! Au contraire, tel Attila, monsieur Klesch n’a semé que difficultés dans le meilleur des cas, ou misère sociale parmi les salariés employés dans les sociétés lui appartenant ou lui ayant appartenues » affirment les syndicalistes.
A ce manque probant de garanties de pérennité des emplois, s’ajoute en plus le sentiment d’humiliation de salariés ainsi cédés pour l’euro symbolique. Si l’on ajoute à cela que la direction de la future entreprise Amarante est rigoureusement la même que l’actuel pôle vinylique, il y a de quoi sérieusement inquiéter les salariés puisque, Thierry Le Henaff s’adressant au personnel jugea utile de préciser que cette équipe, basée à Lyon a échoué à tenir les objectifs qui furent fixés par la direction du groupe. Autrement dit on ne change pas une équipe qui perd !
Les fameux objectifs ne sont évidemment référencés que sur la période la plus récente, où en effet l’activité vinylique est passée de 25 à 12 % des productions d’Arkema ces dernières années. Or, en 2008 le bilan d’Arkema faisait état d’un chiffre d’affaires de 1,45 milliards d’euros ce qui représentait tout de même 26% de la totalité du groupe et alors que la progression était constante depuis 2006. 58% du chiffre d’affaires du groupe était alors réalisé sur le seul territoire européen et dans son bilan 2008, la direction du groupe se félicitait d’être ainsi parmi les premiers du secteur allant même jusqu’à saluer les équipes ; « la qualité de ses équipes qui ont démontré leur capacité à gérer avec succès des projets industriels complexes et à mener des restructurations rendues nécessaires par le retard de compétitivité qui existait dans certains métiers. Enfin, le Groupe peut compter sur des collaborateurs dont la loyauté, le professionnalisme et l’expérience sont reconnus. » Précisait dans son bilan 2008 la direction.
En moins de trois ans tout se serait ainsi écroulé. En Europe peut-être, mais certainement pas partout puisque de nouvelles unités chinoises inaugurées en 2007 ont rapidement progressées et même doublées le premier semestre 2008, alors que dans le même temps Arkema étudiait l’opportunité de nouvelles installations au Qatar. Précisons d’ailleurs que lorsque le groupe investissait dans d’autres parties du monde, les sites européens et notamment français comme à Saint-Auban (04), à Jarrie (38) ou à Saint-Fons (69) perdaient des activités par des fermetures d’ateliers. C’est ainsi que le groupe annonçait à l’époque un investissement global, mais limité, compte tenu de la crise, de l’ordre de 270 millions, mais avec un effort particulier sur l’Asie pour 50 millions. De là à en tirer l’idée d’une délocalisation partielle qui ne dit pas son nom, il n’y a qu’un pas.
Il faudra désormais que le nouveau propriétaire des activités européenne du pôle vinylique explique comment il s’y prendra pour rentabiliser un secteur réduit en moins de trois ans à un équilibre aussi précaire ? Les représentants de la CGT des industries chimiques ont de quoi s’inquiéter face à une stratégie financière à court terme dont a l’habitude un fond d’investissements comme Klesch Group. Un véritable scandale industriel en perspective.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article861