Un plan de relance qui entre en application mais qui demeure insaisissable dans sa réalité et ses orientations et du fait que tout continue comme avant (multiplication de
plans sociaux, augmentation du chômage, des inégalités, de la pauvreté…). En mettant en relation l’évolution des politiques publiques et celle du capitalisme on peut éclairer l’apparente contradiction actuelle entre « moins d’Etat » et « plus d’Etat ».
Une intervention renforcée de l’Etat pour mieux déconstruire notre modèle social
L’Etat s’est construit, en France, comme républicain, garant de l’universalité des droits contre les hiérarchies de l’Ancien Régime. Cet universalisme théorique de la liberté, de l’égalité, de la citoyenneté s’est plus ou moins concrétisé selon les époques et les rapports de force et constituait un socle commun national.
Depuis les années 2000, l’Etat grignote les droits sociaux (retraite, sécurité sociale….) et en même temps se désarme face au capital (privatisation, suppression de fonctionnaires…). Les collectivités reçoivent plus de compétences mais dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint. Macron intensifie cette volonté de retrait de l’Etat. Elle se traduit par un droit à la différenciation dans l’application, voire dans la définition, des normes réglementaires et législatives pour les collectivités locales.
Le droit donné aux Préfets (décret du 4/8/2020) de déroger aux règlements (urbanisme, environnement, aide aux entreprises…) illustre bien ce changement de la nature-même de l’Etat : c’est la fin de la République une et indivisible. Comme
l’indiquent les propositions du Sénat (2/7/20), c’est la porte ouverte à des normes à géométrie variable selon les territoires, notamment régionaux y compris concernant l’économie, l’emploi, le travail (Wauquiez expérimente un partenariat avec Pôle Emploi, à quand un SMIC régional ?). L’« accord de partenariat Etat -Régions » (28/9/20) entérine « une approche territorialisée et différenciée de la relance », « une
approche partant du terrain, favorisant la différenciation territoriale », et les prochains Contrats de Plan Etat-Régions seront réformés dans cette logique.
Cette déconstruction « par le bas » que va officialiser la loi 4D décentralisation, différenciation, déconcentration, décomplexification) prévue pour 2021, s’effectue aussi « par le haut », au travers des transferts normatifs à l’Europe mais aussi de « l’économie de plateformes », de la domination sans frontière des GAFA, des
monnaies virtuelles (contre le monopole régalien)…
Une évolution correspondant à une nouvelle phase du capitalisme
Cette décentralisation / déconstruction concerne aussi le système de normes qui régissait le travail et l’emploi : les ordonnances Macron vont plus loin que la loi travail de Hollande dans la suppression de la hiérarchie des normes, la remise en cause du contrat de travail, la réforme de la formation professionnelle entérine le principe du salarié seul responsable de son employabilité, la mise en retrait des
branches du jeu des négociations pour réouvrir la concurrence entre entreprises dans cette phase où rien ne doit freiner la recherche de nouvelles positions dominantes.
Le rôle des institutions publiques devient flou alors que les décisions alimentant le libéralisme économique s’imposent comme allant de soi, le débat ne portant plus que sur le traitement de leurs conséquences. C’est notamment le cas des politiques régionales, dont l’impact semble dérisoire alors qu’elles tiennent toute leur place dans cette restructuration institutionnelle et sociétale.
D’où le recours sans cesse croissant à la force (répression policière de plus en plus violente, successions de lois sécuritaires) pour imposer ces transformations qui font de plus en plus de perdants et engendrent donc des contestations multiples..
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1583