Le SRDEII définit la feuille de route de la Région pour 5 ans en matière d’aides aux entreprises, comme le soutien à l’internationalisation, à l’investissement immobilier et à l’innovation, ainsi que les orientations relatives à l’attractivité du territoire régional. Il comporte un volet dédié à l’économie sociale et solidaire, c’est l’un des premiers documents stratégiques définis à l’échelle des nouvelles grandes Régions, nées en janvier 2016.
Avec le schéma régional de développement économique, à l’innovation et l’internationalisation c’est l’affirmation des choix stratégiques, des politiques publiques, des modes de financements publics qui vont irriguer, structurer le futur et un type de développement en Auvergne Rhône-Alpes sur les 5 ans à venir 2017 – 2021.
Les activités économiques, les territoires, les salariés, les populations sont donc particulièrement concernées et impactées ou pas par les ambitions retenues.
Le SRDEII sera-t-il à la hauteur ou pas des besoins futurs et défis auxquels nous avons à faire face ?
Le diagnostic reprenant forces et faiblesses de notre économie régionale est donc essentiel pour les choix stratégiques à faire. Faut-il parler de diagnostic incomplet ou de diagnostic jugé inutile par l’exécutif, dès lors que l’action économique régionale s’oriente très largement sur une politique de guichet et vise à en déléguer l’essentiel à des organismes extérieurs.
Mais plus que le caractère incomplet du schéma proposé, c’est l’objectif de faire du SRDEII un des éléments fondateurs de l’impulsion d’une nouvelle dynamique régionale et de mobilisation de l’ensemble des acteurs que le document nous semble insatisfaisant.
Pour autant le schéma décloisonne et intègre tous les secteurs de l’économie régionale : agriculture, tourisme, transfrontalier, il porte en transversalité le numérique, l’orientation-formation et s’articule donc avec les schémas d’enseignement supérieur recherche et d’aménagement du territoire et le CPRDFOP, tous sont impactés par les dynamiques d’innovation y compris sociale.
Cette mise en relation, en cohérence porte donc l’enjeu d’une vision intégrée d’une nouvelle chaine de valeur pour renforcer l’industrie, l’attractivité du territoire, la création d’emplois, trois objectifs auxquels nous adhérons. Concept et démarche que la CGT portent depuis fort longtemps en lien avec les filières, l’interdépendance et synergie des secteurs industrie-service-services publics, les relations donneurs d’ordre-sous-traitants, l’anticipation des mutations , des transitions , la création d’emplois, le renouvellement des qualifications et l’équilibre territorial… en un mot le Développement Humain Durable.
Cette stratégie du faire ensemble nécessite la mobilisation de tous les partenaires concernés : Etat-entreprises-branches professionnelles-organisations syndicales et patronales, affirme le CESER. OUI cette conception renforce les logiques collectives de projets et nous y souscrivons. C’est pourquoi nous nous interrogeons d’ores et déjà sur une contradiction majeure et l’incohérence du retour au développement des aides directes aux entreprises, à la logique de guichets.
Il ne suffit donc pas d’afficher page 6 du schéma « une vision intégrée du modèle de développement que porte la région avec développement des territoires et créations d’emplois » encore faut-il y adjoindre une démarche rassembleuse, d’ensemblier des politiques publiques, des dispositifs pour faire vivre ce décloisonnement, atteindre les ambitions affirmées et jouer pleinement son rôle de chef de file économique.
Car il y a urgence pour une nouvelle croissance de l’économie régionale, la CGT rappelle que l’évolution du chômage sur les 28 zones d’emplois RA est de 32,59 % entre 2012 et 2016.
Le volet emploi formation
En accord avec le CESER qui souligne que l’intégration des dimensions économiques et l’orientation-formation préconisée dans plusieurs contributions est une évolution majeure. La CGT considère aussi que le volet orientation-formation ne peut pas seulement coller aux besoins des entreprises comme le prescrit le schéma page 51 « afin d’encourager les entreprises à développer les compétences de leurs salariés, la région cofinancerait aux côtés des OPCA des plans de formations en entreprise. Ce n’est pas son rôle ! Par contre nous renouvelons notre demande pour une mise en place d’Observatoires de branche afin d’identifier les modifications des métiers, les besoins dans les domaines de la formation et de la reconnaissance des qualifications en synergie avec les COEF. La recherche de synergie entre ces deux politiques constituerait un levier fort vis-à-vis des entreprises dans une démarche d’anticipation des mutations et transitions.
Et s’il faut effectivement développer les compétences des salariés, les entreprises doivent conduire une vraie réflexion sur la GPEC avec leurs IRP, les salariés, pour anticiper les besoins de formations, de qualifications, afin de faire face aux mutations économiques, technologiques, sociales, sociétales. Il y a aussi nécessité d’anticiper le transfert de compétences au vue de la démographie du travail et des nombreux départs à venir.
Il s’agit donc de réorienter les plans de formation en y consacrant plus de moyens. Cet engagement des entreprises devrait d’ailleurs figurer comme contrepartie à toutes aides directes de la région. Et c’est donc bien aux 531110 salariés hors les murs des entreprises que le volet orientation-formation devra aussi s’adresser.
Ainsi page 9 de son avis, le CESER porte une appréciation juste sur les mutations en cours et demande de renforcer l’action régionale autour des nouvelles formes de travail, l’économie de la fonctionnalité, la transition écologique et énergétique. Sur l’emploi il insiste sur la nécessité de plus de créations nettes d’emplois pour réduire le chômage dans une région où la progression démographique, le vieillissement est plus élevé qu’ailleurs. On ne peut qu’être d’accord avec cette appréciation. Cela nécessite de jouer collectif Etat-Région et autres CL à commencer par la mise en œuvre du plan 500 000 qui fait l’objet d’une posture politique de refus de l’exécutif.
Quand le CESER indique partager l’objectif affiché de promouvoir une image dynamique des professions, des métiers, des entreprises, il indique également qu’image et réalité sont liées. Si le document émanant de la région cite une enquête de Pôle Emploi qui souligne que 35 % des projets de recrutements sont jugés difficiles par les employeurs, il occulte le fait que le même document précise que sur les 242600 projets de recrutement identifiés, 43 % concernent des postes saisonniers. La difficulté de recruter n’est-elle pas proportionnée à la difficulté à vivre de son travail pour les candidats potentiels ? La région qui entend porter le potentiel touristique et agricole d’Auvergne Rhône-Alpes secteur grand utilisateur de saisonniers doit s’impliquer dans la recherche de solutions permettant de lever ces difficultés plutôt que s’en remettre à la mise en place de mesures plus ou moins coercitives.
J’ouvre une parenthèse, car nous avons été alertés dernièrement que désormais le conseil régional fait état de punitions aux bénéficiaires du RSA, avec suspension possible de l’allocation formation, privation de son droit à la formation pendant deux ans et suspension de la gratuité des transports. Ceci en contrepartie, car là il y a contrepartie, du co-financement Région-Département sur la formation si l’allocataire refuse plus de deux formations ou si manque d’assiduité. Sur le plan éthique, sur le plan économique, Mesdames et Messieurs de la Société Civile quel pacte social défendons-nous désormais ? Je referme la parenthèse pour revenir au SRDEII !!!
Économie et territoires
Ce schéma se recentre davantage sur la notion de filières. Les huit domaines d’excellence, les pôles de compétitivité, et les clusters font partie intégrante de la chaine de valeur et compose la nouvelle stratégie d’innovation. Mais selon le CESER, reste toujours posée la question majeure sur l’irrigation du tissu économique et des territoires dans son ensemble. Depuis la SRI-SI la CGT a toujours attiré l’attention, y compris du CESER, sur les risques de déséquilibre territorial, d’abandon d’une partie du potentiel économique au profit de l’excellence, la concentration et la spécialisation. Cela n’étonnera donc personne que dans ce schéma nous confirmions cette position en partageant le point de vue du CESER.
Nous considérons aussi que les domaines d’excellence articulés à « Industrie du futur et production industrielle « d’une part « numérique « d’autre part doivent être positionnés comme levier et alimenter tous les autres secteurs productifs dans une perspective de redéploiement industriel et retombées territoriales.
Tout comme sur la convergence entre l’économique, le social, la chaine orientation-apprentissage-formation continue professionnelle- enseignement supérieur, autrement dit les ressources humaines sont au cœur du moteur développement des entreprises, des territoires. Le CESER préconise l’intégration de la sécurisation des parcours professionnels des salariés et le retour à l’emploi des demandeurs d’emplois comme axes de performance de la région et afin d’assurer la cohésion sociale nécessaire au développement de la société. La CGT ne peut que souscrire à l’avis sur ce point.
Notons aussi que sur l’international la Com 8 du CESER apporte une contribution particulièrement positive, porteuse d’échanges culturels, de partenariats solidaires, de soutien à la mobilité des jeunes. Sollicitant ainsi les entreprises, au-delà du seul Marché et business, à apporter leur contribution à part entière sur des projets culturels ou solidaires pour favoriser le rayonnement de notre région. Cette richesse d’approches, d’ouvertures nous la partageons et souhaitons vivement sa prise en compte dans la feuille de route.
La démocratie sociale est absente dans la nouvelle région
Dans la dernière partie de l’avis sur la gouvernance, après discussion dans la commission 1 il a été rappelé et relevé la nécessaire implication des organisations syndicales complètement écartées des espaces de concertation, d’implication , suppression des multiples instances, dispositifs dans lesquels elles étaient contributrices et impliquées sur les choix stratégiques. La démocratie sociale est absente dans la nouvelle région. Les corps intermédiaires sont niés, la gouvernance devient sélective. Les partenaires sociaux sont objet de propos démagogiques, dans un article de Challenge du 2 novembre, le président considère « qu’on ne peut pas réformer le pays si on s’assoit à la même table que les partenaires sociaux, car tous les syndicats y compris le Medef sont d’accord pour ne rien faire et se goinfrer » … je cite !!!
Mauvaise représentation du réel, de la démocratie, de la gouvernance et de l’apport incontestable dans cette région où depuis 15 ans le dialogue social et le quadripartisme a fait ses preuves sur tous les enjeux économiques, sociaux et sociétaux.
Le CESER termine justement son avis par le choix de la gouvernance, la conclusion de chartes d’engagements réciproques, la démarche d’évaluation et ses modalités, le tout restant à construire avec tous les partenaires, pour l’efficacité et l’efficience du SRDEII. Nous ne pouvons que souscrire aux remarques concernant les enjeux de pilotage du SRDEII et de la future agence économique qui en sera un dispositif essentiel avec la place des partenaires sociaux dans l’un et l’autre.
Au vu des éléments développés, vous comprendrez que nous aurions aimé que l’avis prenne une forme plus incisive. Les « marqueurs idéologiques » forts sont présents ou sous-jacents dans le texte, les clins d’œil clientélistes appuyés parsèment le document. Beaucoup d’affichages, d’affirmations mais aussi beaucoup de contradictions entre le dire et le faire qui s’affichent chaque jour davantage dans la pratique.
Mais à partir des nombreux points de convergence entre l’avis et certaines de nos visions, propositions, nous voterons l’avis.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1281