Nous partageons globalement le postulat du CESER concernant les thématiques abordées lors des travaux de la commission : L’habitat et le logement ne peuvent être traités isolément des problématiques de l’emploi, des déplacements, de la précarité et des services publics.
Au niveau national, 15 millions de personnes sont touchées par la crise du logement avec de réelles répercussions sur la vie de famille, l’accès ou le maintien dans un emploi, l’accès aux soins et à l’éducation, etc… Le nombre de personnes sans domicile a triplé depuis 2001. Celui des personnes en hébergement contraint chez des tiers a augmenté de 19 % entre 2002 et 2013. Le nombre de personnes en surpeuplement accentué a augmenté de 17 % entre 2006 et 2013. (Sources INSEE).
Nous partageons globalement les préconisations émises par la commission concernant l’amélioration de la connaissance, l’adaptation du parc existant, le développement et le renforcement de l’accompagnement. Ainsi, nous soutenons la nécessité d’un renforcement de l’accompagnement social lié à l’accès et au maintien dans le logement mais dans le même temps, il apparaît important de préciser qu’aucun accompagnement, aussi qualitatif soit-il, ne pourra pallier à la pénurie de logements adaptés à chacun dans le cadre d’un parcours résidentiel respectueux des droits humains et des parcours de vie.
De même, nous souhaitons accentuer les propositions en insistant particulièrement sur certaines problématiques :
En premier lieu, le désengagement financier de l’État.
Depuis 2017, l’État ne se contente pas de poursuivre son désengagement financier, il prend des mesures politiques qui infléchissent durablement la croissance et la nature de la construction des logements sociaux. Les bailleurs sont contraints de chercher d’autres voies de financement au détriment de leur vocation sociale généraliste et de mixité. Ainsi, le gouvernement envisagerait de ponctionner sensiblement le dispositif Action-Logement dans le projet de loi de finances pour 2023.
L’État doit être le garant du droit au logement digne, accessible et durable sur tout le territoire. Le droit au logement, à travers une politique de la ville repensée au regard notamment du phénomène de métropolisation, doit aussi être un droit à la ville garantissant l’égalité d’accès et la proximité de services publics de qualité en termes de transports, de soins, d’éducation et de culture. Cela suppose de réorienter les politiques budgétaires et fiscales, et de décider de financements nouveaux dédiés en priorité au logement social, tout en contribuant à l’aide à l’accession sociale à la propriété.
Or, la politique relative aux aides au logement depuis une vingtaine d’années a contribué à accentuer la pression budgétaire sur les ménages locataires. En proportion des loyers, les aides au logement ont ainsi fortement chuté entre 2002 et 2007, notamment du fait de sous-revalorisations d’éléments du barème de calcul des aides, comme cela a été le cas pour les prestations familiales.
La conséquence directe pour les locataires est que les aides au logement représentent aujourd’hui 20,6 % de la masse des loyers contre23,3 % avant 2017 (source : Ires, mai 2021). La réforme de l’APL ayant bien évidemment accentué cette baisse.
Dans le même temps, en 2020, on estime à 1,2 million, le nombre de locataires en impossibilité de payer leur loyer ou leurs charges s’exposant ainsi à une procédure d’expulsion locative. Ces dernières ont augmenté de 164 % depuis 2001 pour atteindre le chiffre record de 16.700 en 2019. D’après l’ANIL, 58 % des situations d’impayés ont pour cause une diminution de ressources liée à un évènement imprévu : perte d’emploi (31 %), problème de santé (10 %), séparation (6 %). Ces statistiques démontrent bien que ce sont, avant tout, les conditions relatives à l’emploi qui constituent le déterminant le plus important de l’accès et du maintien dans l’emploi pour la population active.
Par ailleurs, pour lutter durablement contre la précarité énergétique, la priorité serait d’agir fortement sur les 4,8 millions de passoires énergétiques (17 % des résidences principales du parc résidentiel privé)[1], en rénovant d’abord les deux millions occupées par des ménages aux revenus précaires.
Que dire du projet de loi instituant un nouveau délit “d’occupation frauduleuse d’un local à usage d’habitation ou à usage économique” visant le squat mais aussi les locataires défaillants qui se maintiennent dans un logement une fois la procédure judiciaire d’expulsion terminée ? Ces deniers risqueraient jusqu’à 6 mois de prison et 7.500 euros d’amende ! La sécurisation des petits propriétaires étant censée sans doute relancer l’investissement locatif, dans la continuité idéologique des lois visant à accélérer et sécuriser les licenciements pour favoriser l’emploi.
Il nous parait aussi important de rappeler concernant la construction de logements, que l’actuel gouvernement a décidé de prolonger au-delà de 2025, l’application de la loi SRU sans pourtant tenter d’en corriger les défaillances : bon nombre de communes préfèrent en effet payer une amende plutôt que de construire du logement social, renforçant par-là, les inégalités territoriales et les phénomènes de ségrégation spatiale.
Ainsi, entre 2017 et 2019 : 469 communes sur 1.035, soit 44 % d’entre elles, n’ont pas atteint leur objectif quantitatif triennal. Qui plus est, le gouvernement envisage de mettre en place un processus de “rattrapage glissant” permettant aux communes carencées de produire à un rythme plus lent en laissant à la charge des communes les plus volontaires de continuer d’assumer les besoins en logements sociaux (art. 14 du projet de loi 3DS).
Depuis les années 2000, l’État s’est progressivement désengagé, obligeant les bailleurs et les collectivités locales à se substituer à lui. Ainsi, dans le plan de financement moyen du logement social, la part des fonds propres du bailleur est passée de 5 à 15 % entre 2000 et 2018.
Dès lors, il apparaît plus que jamais primordial de mettre en avant la création d’un grand service public de l’habitat et du logement en capacité de produire des logements publics locatifs sociaux pouvant porter les enjeux liés à la rénovation du parc existant au regard de la problématique liée à l’explosion des coûts énergétiques, et aux enjeux environnementaux, de contrôler l’utilisation des aides fiscales accordées au privé pour la production de logements conventionnés, dans le respect des dispositions relatives au “zéro artificialisation des sols”.
Enfin il conviendrait de développer la démocratisation de la gestion du logement.
Dans les organismes HLM et de logements intermédiaires, le rôle des représentants des organisations syndicales et des locataires au sein des conseils d’administration doit être préservé et renforcé ; à tous les autres niveaux de discussion. Dans le cadre du dialogue social territorial, les organisations syndicales et les associations représentatives doivent être associées à l’élaboration des politiques locales de l’habitat, aux études liées et participer à la concertation préalable à leurs définitions, aux conventions de mise en œuvre dont elles font l’objet, au suivi de leurs réalisations.
La CGT votera l’avis.
[1] Chiffres extrait du rapport du mal logement en France 2021 par la Fondation de l’Abbé Pierre