Suite à la crise sanitaire, le Ceser a souhaité travailler sur ses conséquences sur le travail, en présentiel ou en télétravail.
Dès la fin du mois de mars 2020, le CESER a souhaité travailler sur les enseignements de la crise sanitaire : quelles analyses, quelles conséquences, quelles pistes d’actions ? Le groupe de travail B s’est vu proposé la question suivante “Quelles sont les conséquences de la crise du COVID-19 sur l’organisation du travail en présentiel dans les entreprises et autres activités humaines ?” Sans être exhaustif, de nombreux mois de travail, d’auditions ont permis d’aboutir au rapport qui vous est présenté aujourd’hui.
La période a conduit certaines activités à s’arrêter. D’autres ont dû s’adapter, non sans conséquences pour le quotidien des salariés et particulièrement parmi les plus précaires, et travaillant dans les très petites entreprises. D’autres d’activités devront nécessairement évoluer, se transformer, pour répondre aux nouveaux besoins comme à l’urgence climatique, en privilégiant les circuits courts, de proximité.
La clé d’entrée du travail est donc essentielle. “Le travail est une activité de production de biens ou de services qui est prescrite, implique un effort intelligent, durable et contraint, vise la satisfaction des besoins et la réalisation des capacités et de projets du travailleur ou du prescripteur, et contribue à la reproduction et à l’organisation des institutions d’une société” nous enseigne Alexis CUKIER.
Cette définition du travail, bien que très générale, permet de rendre compte de ses fonctions sociales d’individuation (le travail contribue à déterminer la personnalité et l’identité sociales), de division (le travail contribue à différencier les groupes sociaux), d’intégration (le travail inscrit l’individu dans un collectif porteurs de valeurs, affects et pratiques spécifiques) et de régulation (le travail contribue à régler le rapport entre ces valeurs, affects et pratiques dans les relations sociales des individus). Elle met aussi en relief la fonction politique du travail : travailler, ce n’est pas seulement produire des biens, des services et de la valeur –c’est sa fonction économique– mais aussi reproduire, en les maintenant ou les transformant, les rapports sociaux et les institutions.
Si l’objectif du groupe de travail était d’analyser les conséquences tentaculaires de cette crise sanitaire sur l’organisation du travail en présentiel et en télétravail, la poursuite de la pandémie n’aurait pas permis de répondre entièrement aux
questions posées dans le cahier des charges, en raison du manque de recul nécessaire pour apprécier et analyser l’ensemble des transformations en cours.
En effet, la période reste marquée par cette pandémie qui ne fait que trop durer, aux conséquences multiples et inquiétantes, sans réelles perspectives à court terme malgré l’arrivée de plusieurs vaccins. Elle permet néanmoins de nous questionner sur notre modèle de société, sur l’évolution du travail, son organisation, sa finalité. Elle est aussi un accélérateur de la transition numérique.
Pour autant, la grande diversité de situations de travail observées se traduit par une aggravation des inégalités parmi les catégories socioprofessionnelles, les secteurs d’activité, les statuts, le genre. Il apparait important de souligner la
surexposition des femmes, davantage exposées aux risques, en raison des métiers de première ligne en contact avec le public qu’elles exercent, en majorité dans le social, l’éducation, la santé, les services.
Le confinement a par ailleurs, contraint entre 5 et 8,3 millions personnes à télétravailler, dans des conditions trop souvent improvisées et dégradées, sans accompagnement réel. L’augmentation de la charge de travail ajoutée à un sentiment d’isolement ont conduit à d’importants risques psychosociaux, de troubles musculosquelettiques, et de dommages pour la santé en général.
Même si l’expérience du télétravail massif a répondu à certaines aspirations, elle a révélé un certain nombre de problématiques, cristallisé un vécu d’iniquité entre salariés éligibles et non éligibles, ou encore mis en exergue la fracture numérique.
Ce rapport sans être exhaustif présente une image assez précise des enjeux. Nous devrons cependant avoir le souci permanent de l’évaluation ainsi que de l’adaptation de nos préconisations. En effet, les nouvelles formes d’organisations du travail interrogent aussi la démocratie sociale, la nécessité de les encadrer par la négociation, au plus près des réalités du travail, légitimant
pleinement le rôle des organisations syndicales de salariés. Le développement des tiers lieux, par exemple, questionne le principe de communauté de travail, de représentation, de dialogue social pour penser et structurer les organisations du travail, préserver et prévenir la santé des travailleurs.
Pour autant, l’isolement contraint dans l’exercice son travail a été vécu de manière contradictoire. Le sentiment d’abandon, de perte de repères et de sens, de manque de lien et de relations sociales a côtoyé le sentiment de retrouver de l’autonomie dans son travail, libéré de la relation avec l’encadrement. Ce pouvoir d’agir inattendu dans cette distanciation sociale et d’un travail prescrit a laissé place très souvent parmi un grand nombre de dirigeants, de managers, de travailleurs, à de la créativité, à de l’innovation, à l’adaptabilité du métier et des tâches à effectuées pour répondre à l’urgence des besoins, des situations de travail imposées dans cette période si particulière.
Ces quelques exemples militent en faveur de la poursuite de l’analyse sur les transformations du travail et des réponses à apporter dans ce contexte inédit. S’il semble aujourd’hui difficile d’imaginer quel sera le fameux “monde d’après”, tant au niveau macroéconomique qu’au niveau des lieux de travail dans leur grande diversité, la période reste marquée par la réhabilitation de l’engagement, de l’acte de travail, de sa valeur émancipatrice au sein du collectif de travail.
La démarche visant à réinterroger le sens, la finalité du travail, sa cohérence, sa qualité, est donc fondamentale, selon nous, pour répondre aux transformations nécessaires, aux urgences sociales et environnementales.
Les organisations syndicales CFDT, CGT, FSU, Solidaires et UNSA voteront pour
l’avis.
__
Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1598