La lutte contre les discriminations est de plus en plus remplacée par la promotion de la diversité. Loin de n’être qu’un changement d’appellation, quels sont les modifications quue cela entraine.
Question : la lutte contre la discrimination est de plus en plus remplacée par la promotion de la diversité. Peux tu nous expliquer ce changement de terme ?
Pendant longtemps les politiques de lutte contre les discriminations ont été assimilées aux politiques d’intégration. Après une première reconnaissance en 1999 de la réalité des discriminations, le gouvernement Jospin a engagé, avec la participation des partenaires sociaux, des actions concrètes dont la transcription du droit européen dans le droit français.
A partir de 2003, l’État français décide de mettre au cœur de son action la promotion à l’égalité des chances et de la diversité. Ce changement de paradigme a permis de tenir à distance les organisations syndicales de salariés parce que ni le gouvernement ni les chefs d’entreprises d’une manière générale ne souhaitaient qu’elles s’emparent du sujet. Ceci dans le même temps où les organisations syndicales s’emparaient de ces dossiers suite à l’affaire de Peugeot concernant les discriminations syndicales jugées en 1997.
En France, ce glissement sémantique s’est opéré, à partir de 2004. À la politique d’égalité de traitement et de lutte contre les discriminations s’est substituée une politique de “la diversité” par l’intermédiaire de une notion bien consensuelle qui est “d’égalité des chances “. Plus qu’un glissement sémantique c’est une véritable contre offensive à la loi de novembre 2001.
Ce tournant est largement accompagné et suscité par l’institut Montaigne. Institut créé en fin 2000 par le président du conseil de surveillance du groupe AXA, Monsieur Claude Bébéar. Cet institut se présente comme un laboratoire d’idées, indépendant qui serait dépourvu de toutes attaches partisanes. Il réunit des chefs d’entreprises, des hauts fonctionnaires, des universitaires et des représentants de la société civile issus de tous les horizons. L’institut Montaigne suite à des analyses fait des recommandations aux décideurs en faisant du Lobbying.
Question – En quoi ce changement de nom a des conséquences directes sur la situation des salariés ?
De nombreuses entreprises ont affiché la volonté de se mobiliser sur les questions de l’égalité professionnelle et de la diversité, mais il reste à savoir comment elles comptent relier ces deux préoccupations et articuler démarches d’égalité professionnelle et de diversité.
Le croisement des différents rapports faits de 2004 à 2009 met en évidence qu’au-delà de la pluralité des approches, ce qui fait consensus entre les différentes parties prenantes, est que la notion de diversité repose sur l’engagement volontaire sans obligation pour les employeurs ou administrations, ni droit supplémentaire pour les salariés.
La notion de diversité est un discours fondamentalement dépolitisant. Il conduit généralement à ne pas parler de tout ce qui est du ressors de la lutte contre les discriminations, à occulter la question ethno-raciale, et à gommer les rapports de pouvoir entre les différents groupes, majoritaires et minoritaires.
Question – Quelles actions syndicales peut-on mener lors des négociations pour imposer de nouveaux droits pour les salariés ?
Les organisations syndicales doivent s’attacher à lutter contre toutes les formes de discriminations dans le travail que ce soit en termes de recrutement, de déroulement de carrière, de salaire, d’accès à la formation. Pour cela nous devons garder à l’esprit que la lutte contre les discriminions n’est pas seulement le fait de dénoncer un état de fait mais surtout de proposer des actes concrets pour les éliminer.
Toutefois, couper le dialogue parce ce que l’employeur parle de promotion à la diversité et non de lutte contre les discriminations serait très certainement une erreur. L”important est de se mettre d’accord sur les mots employés afin de définir les actions concrètes qui vont être menées pour faire supprimer les discriminations existantes et/ou prévenir leur apparition. La diversité n’étant pas une notion juridique relevant du droit du travail, elle ne peut pas apparaître comme telle dans un accord cadre par exemple. D’ailleurs, les accords dans les entreprises associent souvent les deux termes : “politique de diversité et de lutte contre les discriminations”.
Il faut savoir qu’une politique de diversité ne conduit pas forcément à la lutte contre les discriminations alors que l’inverse est vrai, la prévention aux discriminations entraîne plus de diversité.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article899