Ces deux rapports partent d’un constat : il n’y a plus d’argent et l’ouverture à la concurrence est la solution. Mais qu’en est-il exactement ?
Dans le rapport Duron, il est indiqué que tout ne peut être financé, que la priorité est le traitement des nœuds ferroviaires et qu’il faut garder la priorité sur la route pour les mobilités de demain.
Ce rapport balaie d’un trait des projets indispensables pour les habitants de la région comme le contournement ferroviaire de Lyon et les lignes nouvelles pour les traversées alpines.
Dans la stratégie gouvernementale, le rapport Duron était aussi chargé de préparer la sortie de celui de Spinetta qui enfonce le clou. Contraintes budgétaires, statut des cheminots, financement du tiers du réseau pour seulement 2 % des voyageurs : « une nouvelle réforme ferroviaire est nécessaire (4 ans seulement après celle de 2014 !!!), et des choix difficiles devront être faits ». A peine voilé, il s’agit bien de casse du Service Public et à terme de privatisation de l’exploitation des lignes.
En 43 propositions, Spinetta confirme la politique anti-ferroviaire du Gouvernement :
Réduction du mode ferroviaire – Les petites lignes devront être fermées. Sur notre région, cela concerne entre autres une grande partie des lignes d’Auvergne, la ligne des Apes, au niveau national cela représente plus de 9 000 km de lignes.
Le FRET sera filialisé.
Hausse du coût pour la collectivité et les usagers : Les TER devront couvrir leur coût complet et pour cela il y aura une hausse de la redevance des Régions…
Après modification de la tarification des péages du TGV, les lignes qui seront toujours déficitaires devront faire l’objet de compensation de l’Etat ou des Régions (puisque la péréquation ne peut plus s’appliquer dans un système concurrentiel).
Il y aura suppression de la régulation tarifaire (c’est-à-dire du prix maximum qui peut être appliqué pour une place).
Casse du Groupe Public Ferroviaire et transfert de Gares et Connexions à SNCF Réseau et à terme, transfert des gares aux Régions.
La dette ne serait que partiellement reprise.
SNCF Mobilités et SNCF Réseau seront transformés en Sociétés Anonymes.
Casse sociale avec transfert obligatoire en cas de perte d’appel d’offres. Les nouveaux embauchés seront en contrat de droit privé.
Le rapport confirme également deux points importants soulevés par la CGT concernant l’ouverture à la concurrence : Le choix peut être fait d’une attribution directe donc sans passer par des appels d’offre comme l’indique le règlement européen OSP. Ainsi, Spinetta propose de désigner SNCF Mobilités comme opérateur unique jusqu’en 2033 pour le RER C, D et E, et même jusqu’en 2039 pour le RER A et B. Ce qui est valable pour Paris ne le serait pas pour le reste du territoire ?
la concurrence est dangereuse, et le rapport liste même les inconvénients : moindre coordination de l’offre, risque d’instabilité de l’offre, risque de moindre efficacité, risque d’écrémage des trafics sur la base de la rentabilité. On ne dirait pas mieux !
Ce rapport est à charge, et donc très incomplet :
Le rapport aurait pu faire le bilan de l’ouverture à la concurrence au Royaume Uni : dégradation sans précédent du service, tarification en hausse (+27%), renationalisation de l’infrastructure suite aux dérives impactant la sécurité ferroviaire, … et aurait pu préciser que 60 % des anglais demandent une renationalisation totale du ferroviaire
Le rapport ne fixe aucun objectif de développement du ferroviaire, plaçant la route comme seule alternative aux dysfonctionnements actuels. C’est un enterrement « en grande pompe » du Grenelle de l’Environnement sur lequel le ministre Hulot devrait s’exprimer. Ainsi, la filialisation du Fret est l’étape ultime avant une privatisation imminente, ce qui explique le choix de laisser mourir cette activité. Le choix du tout routier est lourd de conséquences pour l’environnement et la santé des populations, au regard des 48 000 morts par an liés à la pollution que le rapport n’évoque même pas.
Le rapport ne contient rien sur les questions réelles que posent les usagers : comment faire en sorte que le train soit accessible à tous et à l’heure ? Aucune analyse sur le fonctionnement interne de la SNCF et notamment la gestion par activité/produit/axe. Les besoins des usagers ne sont pas la priorité du Gouvernement.
Concernant le modèle économique, aucune étude sur le surcoût des Partenariats Publics Privés ou de la sous-traitance. Le dogme libéral fonctionne à plein régime.
Le rapport Spinetta comme celui de Duron ne font aucune proposition sur le paiement par chaque mode de ses coûts externes. Pour rappel, ils sont chiffrés à 85 milliards d’Euros et sont imputables à 85% au mode routier.
Comme elle le fait depuis plus d’un an, la CGT exige un véritable débat public autour des propositions syndicales et des attentes des usagers. Une vraie politique des transports nécessite la prise en compte les enjeux environnementaux et sociaux, un service public renforcé pour le développement économique, l’accessibilité et la qualité pour les usagers sans oublier les droits sociaux des salariés du secteur, garants de l’indépendance et de la sécurité du service.
La CGT appelle les cheminots, les usagers et leurs associations, les élus(es) politiques qui défendent le Service Public Ferroviaire à participer massivement aux manifestations à Paris et sur tout le territoire le 22 mars 2018.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1406