Intervention du groupe CGT à la plénière du CESER du 10 juillet 2018 dans le cadre de la Consultation citoyenne sur l’Europe
L’unité de l’Union Européenne est largement remise en question et c’est son existence même qui est en jeu. Au-delà des choix électoraux dans nombre de pays européens, y compris dans le nôtre, il faut s’interroger sur les raisons de ce désamour.
Nombreux sont les dirigeants des Etats Membres qui ont perdu de vue les valeurs de paix, de solidarité qui sont inscrits dans les traités comme fondements de l’Union Européenne.
Bien qu’ayant adopté une charte des droits fondamentaux, ces dirigeants construisent et mettent en œuvre des politiques qui rendent la vie des peuples toujours plus difficile. Sous couvert de cohésion, la précarité et l’insécurité sociale s’intensifient, les inégalités s’accroissent entre les pays mais aussi à l’intérieur de chacun d’eux. Les conséquences de la crise de 2008 se font encore sentir aujourd’hui, notamment avec l’explosion du chômage, de la pauvreté. Les pratiques abusives dans le travail détaché non réglées par la révision de la directive, contribuent à éloigner les salarié.es de l’idée européenne.
Sous couvert de la concurrence libre et non faussée, la loi du marché favorise les délocalisations, fermetures et restructurations d’entreprises générant licenciements, la mise en concurrence des salarié.es et leur division, la pression sur la rémunération du travail et sa qualification. Ces choix politiques génèrent croissance des profits et des dividendes aux actionnaires. Chiffres à l’appui, seuls 1% des plus riches ont profité des 82% des richesses créées par le travail dans le monde en 2017.
C’est aussi au nom de ce dogme que des gouvernements européens privatisent les services publics, détruisent les statuts, fragilisent les protections sociales, les droits des travailleurs, l’accès aux droits fondamentaux
Les critères inscrits dans le traité de Maastricht, notamment la limite de 3% de déficit public sont dits de convergence, mais ils ne convergent décidément pas vers le bien-être des peuples, le développement solidaire des territoires : Les politiques publiques qui en découlent sont destructrices, les citoyens voient remis en cause leur accès aux droits fondamentaux : emploi, santé, éducation, culture, sécurité, logement, transport… La catastrophe sanitaire et sociale en cours en Grèce illustre cette politique inhumaine.
L’expression des citoyens lors des référendums organisés en France en 1992 et 2005, mais aussi dans d’autres pays témoignent de l’aspiration largement partagée à une autre vision de l’Europe. Or elle est restée ignorée, renforçant la perception d’une construction européenne non démocratique. En découle un profond sentiment d’injustice qui nourrit la remise en cause des institutions, la montée des nationalismes et des idées d’extrême-droite. L’individualisme gagne du terrain au détriment de la solidarité.
En rupture avec leur culture d’accueil et d’ouverture, des pays européens se mettent à construire des murs sur leurs frontières et des législations anti-immigration, rejetant l’arrivée de citoyens du monde en proie à la guerre, à la misère, aux crises climatiques. Au moment où le Conseil Constitutionnel consacre le principe de fraternité à valeur constitutionnelle, l’Europe et ses Etats membres doivent œuvrer pour la paix et pour le développement des pays en priorisant les aides au développement. C’est un défi essentiel pour l’Europe, sa légitimité et son avenir.
Le vivre ensemble, la démocratie et le développement solidaire des territoires sont bien pour nous le socle de la construction de l’Europe. Cela suppose que le dogme de la compétitivité soit remplacé par la priorité donnée à un équilibre économique, social, écologique, ainsi que par l’application effective des droits sociaux fondamentaux et de l’article 23 de la déclaration universelle des droits de l’Homme.
Les dirigeants européens ont bien compris qu’une Union européenne en rupture avec les peuples n’a pas d’avenir. C’est pourquoi, le 17 novembre 2017, lors du sommet social de Göteborg, a été proposée une initiative « pour des emplois et une croissance équitable » ; Ainsi, un socle européen des droits sociaux a été adopté. Il repose sur vingt principes et droits essentiels ayant pour objectif l’équité des marchés du travail et des systèmes de protection sociale pour vivre et travailler mieux en Europe.
Pour être effectif et contraignant pour les Etats et le patronat ce socle doit être inscrit dans les traités, des lois, afin qu’il s’inscrive dans des politiques publiques concrètes.
Ce dont les citoyens ont besoin et ce que la CGT défend, c’est une Europe de justice sociale, environnementale et fiscale qui, à travers une politique intelligente et visionnaire prépare l’avenir,une Europe solidaire et accueillante qui renoue avec les valeurs qui ont présidé à sa création et qui devraient fonder son unité :
« L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. »
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1426