L’examen du compte administratif 2020 de la Région intervient dans un contexte inhabituel :
celui-ci a été avancé, en raison du scrutin régional de juin d’une part,
et il est fortement impacté par une crise sanitaire ayant conduit à un « confinement » dès mars 2020 et dans laquelle nous restons englué, d’autre part.
Le compte administratif : encore un outil de communication du président de la Région
Néanmoins, ce qui reste immuable depuis le début du mandat, c’est que tout document budgétaire est exercice d’autosatisfaction de la part de l’exécutif régional. Et le ton est donné dès le titre du rapport de l’Exécutif : « Grace à la bonne gestion et aux finances saines, la Région a été en capacité d’agir pendant la crise et de protéger ses habitants. ».
Au terme de sa lecture, nous avons bien compris que ce document, reçu tardivement et parfois ardu à déchiffrer, était un outil de communication, voire de propagande de plus, au service de la réélection de son Président. Dès lors, nous apprécions le travail réalisé par le Ceser de mise en grande masse et en perspective pour le « décrypter » le sens , l’apprécier au regard des données, sans se perdre dans la fausse assurance que procurerait l’approche du « détail » des multiples lignes et le commentaire de variations en pourcentage.
Un plan de relance sans impact budgétaire
En effet, loin des effets d’annonces, l’avis montre que, le compte administratif 2020, hors fonds européens est proche de celui de 2019 et qu’il est très difficile de retrouver une traduction budgétaire du plan de relance annoncé à grand bruit. Nous retrouvons les réserves énoncées lors de la présentation du budget primitif 2020, et celui du budget supplémentaire, à savoir le manque d’ambition du plan de relance et l’absence de critères de conditionnalité des aides allouées.
Dans un contexte de crise sanitaire, il aurait été compréhensible que le budget soit impacté tant au niveau des recettes que des dépenses.
Or, les recettes restent peu impactées sur l’exercice 2020 compte tenu du report de certaines enveloppes de 2019 vers 2020 (TICPE et cartes grises) du mode de calcul de la CVAE, reposant sur les bases de 2019, et donc non affectées par la crise, et de l ‘apport de recettes externes ayant largement abondé le plan de relance de la Région. Concernant le remplacement de la CVAE par une fraction de la TVA, notons l’obtention par les Régions de l’engagement de l’Etat à maintenir, pour 2021, l’enveloppe au niveau de la CVAE 2020.
En ce qui concerne les dépenses, si certaines ont fortement baissées en raison du fait des mesures de confinement (travaux suspendus dans les lycées, circulation des TER, …. ), d’autres ont explosé : aide économique (122 millions) et urgence sanitaire (101,5 millions). Certains engagements, tels ceux visant à l’équipement de professionnels de santé pour permettre la poursuite de leur mission dans un cadre plus sécurisé, peuvent être saluer, d’autres opérations sur les dépistages ou sur la distribution de masques apparaissent surtout comme une vaste opération de communication, sans concertation avec les autres opérateurs (autres collectivités, Etat.).
Dans le domaine de l’économie, nous rejoignons les observations du CESER sur la nécessité de clarification de l’origine (effort régional, fonds d’origine national ou européen) et de répartition (répartition sectorielle, modalités d’accès et critères d’attribution) des différentes enveloppes identifiées comme relevant du plan de relance. Nous déplorons que les aides allouées le soient sans critères précis, sans que soit évoqué la moindre conditionnalité en matière sociale et environnementale, sans la moindre conditionnalité concernant le versement de dividendes, sans aucune conditionnalité concernant le maintien et le développement des emplois, sans conditionnalité sur l’obligation d’obtenir un avis favorable du CSE de l’entreprise. Par ailleurs, concernant le volet mobilités, il n’y a pas eu d’équité entre les différents opérateurs de transport sur les aides allouées, malgré les conventions liant la Région. Ce qui se traduira pour l’opérateur SNCF par un « trou » de 100 millions d’euros entrainant une baisse de services (dessertes, accompagnements dans les trains, les gares etc…) pour les habitants de la Région et une augmentation du nombre de demandeurs d’emplois, par la non-embauche de cheminots.
Une chute vertigineuse des budgets de la formation professionnelle
En dernier lieu, nous partageons les inquiétudes du CESER sur le volet formation qui a chuté de manière vertigineuse sur le mandat pour aboutir à 100 millions d’euros de budget. Au-delà de l’aspect financier, la crise sanitaire a aussi pointé l’échec d’une formation conçue comme devant répondre aux seuls besoins des entreprises. La crise sanitaire a percuté en profondeur le travail, l’enseignement et la formation, les activités sociales, la mobilité et les modes de consommations. Il nous faut en tirer les enseignements pour faire face aux enjeux sanitaires, sociaux, environnementaux, économiques et démocratiques pour penser les modes de consommation et de production de demain, permettant de répondre aux enjeux sociaux environnementaux et démocratiques que la crise a mis en lumière. C’est ainsi que de nombreux salariés ont exprimé des aspirations à un changement de vie professionnelle, plus adéquat avec leur choix de vie (domaine de la restauration notamment) mais aussi porteurs de valeurs répondant au choix d’un projet de société plus inclusif.
Face à cette situation, le « décalage » apparait béant avec le plan « 1 jeune, 1 solution », intégré au plan de relance, où seul semble compter une politique du nombre, ne semble pas être à la hauteur des besoins. Les questions de sortie des dispositifs, de qualité de l’emploi, d’accompagnement social ne sont pas la priorité, pas davantage que la prise en compte des aspirations de la jeunesse et des enjeux sociétaux.
Le monde d’hier toujours à la manoeuvre
Force est de constater, une nouvelle fois, que la politique de guichet à coups de subventions menée par l’Exécutif régional en choisissant de diminuer les budgets de fonctionnement entraine une diminution des capacités d’analyse, de stratégies, d’ingénierie, de coordination et de contrôle de la Région.
Cela, à un moment où nombre d’économistes appellent à réinterroger l’économie de l’innovation , pour « piloter un changement de paradigme que les marchés de la finance ou le darwinisme de la technologie sont incapables de conduire » ainsi que le note Pierre Veltz dans son dernier livre. Cela, à un moment où beaucoup de réflexions, de tribunes ont nourri l’espoir d’ »un jour d’après », d’ »un monde de demain » différent permettant au citoyen de participer à la vie démocratique au-delà du seul bulletin électoral dont de plus en plus nombreux se détournent.
Les décideurs actuels de l’action publique seraient bien inspirés de ne pas l’oublier à l’approche des prochaines échéances.
L’avis du CESER prenant en compte une partie de nos observations, Nous le voterons.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1623