« Accord illégal »… « Accord honteux »…« Pacte avec le diable »… « Ne résoudra rien du tout » « En quoi consiste exactement cet accord ? »… « Est-il réaliste ? »… « Est-il conforme au droit européen ? »… « Est-il éthique ? »… « Règlera-t-il le problème »… « Et les réfugiés qu’est-ce qu’ils en pensent ? »… « Erdogan »… « Merkel »…
Lorsque le sujet est abordé au travail, devant un café pendant la pause, ou entre amis, ces questions sont omniprésentes, aucune n’est taboue et elles ont toutes du sens.
Cet article n’a évidemment pas vocation à répondre à tout, encore moins à sceller dans le marbre une quelconque position de la CGT, le sujet est trop grave et mérite une vraie réflexion collective. Ces quelques lignes n’ont pour ambition que de répondre (peut être) à quelques questions, et surtout d’apporter une petite contribution face à un drame qui ne laisse aucun militant, aucun adhérent de la CGT indifférent.
On a l’habitude de dire que les trois « locomotives » de l’Europe sont la Grande Bretagne, l’Allemagne et la France. David Cameron a la tête dans son referendum de sortie ou non de l’Union Européenne, François Hollande est diplomatiquement affaibli. Il reste Angela Merkel qui a soumis avec le Président turc Erdogan, les 28 Chefs d’état ou de gouvernement à ses exigences.
Erdogan… On reviendra plus tard sur le personnage et sa main de fer sur la Turquie.
En quelques mots, en quoi consiste l’accord ?
C’est ce que l’on appelle l’application du principe « un pour un ». A partir du 04 avril, la Turquie devra réadmettre sur son territoire tout migrant arrivé en Grèce en situation irrégulière, ainsi que les candidats à l’exil dont les demandes ont été rejetées.
En échange, l’Union Européenne s’engage à accueillir un réfugié syrien en provenance de Turquie, et à le réinstaller dans un des 28 pays membres.
Pour cela l’Union Européenne met à disposition huit navires (de 300 à 400 places). 2500 places à bord à mettre en parallèle avec les 145.000 migrants arrivés depuis le début de l’année…
A la question : « la mise en pratique de l’accord est-elle réaliste ? », à l’évidence la réponse est : NON.
L’accord est-il conforme au droit européen ?
Il est important de rappeler ici que la Turquie n’applique que très partiellement la Convention de Genève de 1951 relative au sort des réfugiés. Donc déjà, de ce point de vue, elle ne saurait être considérée pour et par les réfugiés comme un pays « sûr ». La justice internationale devra donc rapidement se prononcer.
De plus, une directive européenne de 2013 a précisé que l’Union Européenne ne renverrait des personnes que dans les pays qui appliquent les normes de la Convention. Faire le contraire serait piétiner ses principes. Cela nous renvoie au Président Erdogan et à sa politique liberticide au possible.
Erdogan
Tout (ou du moins l’essentiel) sera dit lorsque l’on saura que toute critique de sa personne ou de sa politique est considérée comme une atteinte à la sécurité de l’Etat. A partir de là les kurdes sont emprisonnées ou assassinés, les médias d’opposition muselés, attaqués par des nervis ou placés sous tutelle, et les sites web sont bloqués, …
Tel est le personnage qu’Angela Merkel place durablement au centre de la stratégie « réfugiés » de l’Union Européenne, d’aucun parle d’un « pacte avec le diable ». Elle lui a en tous cas (et nous avec) apporté l’inquiétante réponse suivante :
La réponse de l’Union Européenne
L’Union Européenne versera 6 milliards d’euro à la Turquie, et ce sans le moindre mécanisme de vérification de l’usage des fonds.
L’Union Européenne mettra fin aux visas requis aux turcs pour entrer dans l’Union Européenne. Ce serait, parait-il une question de semaines ou de mois. Pourtant… La Turquie ne remplit que la moitié des 72 conditions posées par l’Union Européenne. D’autre part, la Turquie ne reconnait toujours pas Chypre, et ne s’apprête évidemment pas à le faire.
L’Union Européenne accélérera les négociations d’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne (là, ce sera plus long et aléatoire).
L’accord est-il éthique ?
Chacun(e) est à même de répondre (facilement) à cette question.
3700 personnes, adultes et enfants ont déjà perdu la vie en mer. Déjà plus de 400 depuis le début de cette année 2016.
Cet accord ne dissuadera bien évidemment en rien les migrants de partir. L’hémorragie se poursuivra en se délocalisant. Fermer la mer Egée c’est ouvrir ou ré ouvrir des routes encore plus dangereuses (Lybie/Italie par exemple).
Mauvais accord, non éthique, illégal, ne résolvant rien, piétinant nos principes et valeurs… C’est lui qui doit être jeté à la mer !
Quant à la solution il y en a forcément une, la CGT n’a pas forcément vocation à la trouver seule, mais cette indispensable solution devra scrupuleusement respecter les droits humains. Elle devra engager les 28 signataires à contribuer durablement au rétablissement de la paix dans une région du monde où leur irresponsabilité à suivre les USA de Bush, notamment en Lybie (Sarkozy) et en Irak (Blair) a abouti à un carnage qui mène aujourd’hui des centaines de milliers d’enfants, de femmes et d’hommes à se perdre en mer ou à s’échouer contre des grillages déchirant leur chair et nos consciences.
__
Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1163