« Nous ne vivons pas que pour travailler, mais nous ne pouvons pas vivre sans travail. C’est si vrai que celles et ceux qui ne peuvent pas travailler ou ne trouvent pas de travail se considèrent au banc de la société. Et un travail, c’est un salaire ; dans une société à 90% salariale, c’est une condition d’existence incontournable ». (Livre collectif Pour quoi nous travaillons ? Introduction co-écrite par Jacques Leger coordinateur du copil CGT Transformation du travail et émancipation)
Ce court passage met en avant l’obligation qui est faite à chaque travailleur de tenter de subvenir à son autonomie financière pour se réaliser dans le « hors travail », dans la société.
Il nous demande aussi de nous interroger sur le sens de ce mot. Ainsi, avoir un travail, ce n’est pas que cela.
C’est aussi une activité manuelle et intellectuelle que nous réalisons en fonction de notre morphologie, de notre genre, de notre expérience, des outils et machines que nous utilisons, de notre état de fatigue dans la journée et des individus qui nous entourent.
Ce dernier point nous amène à considérer que l’activité de travail est au cœur des relations collectives. Ainsi, le travail isolé n’existe pas même dans le télétravail. Il y a toujours un avant et un après.
Il permet aussi de se faire reconnaitre socialement grâce au regard de l’autre sur ce que l’on fait. Etre reconnu par son travail, ça fait du bien. Cela nous construit quotidiennement.
Dans la réalisation de son travail, dans la manière dont on s’y prend, on y pose une partie de soi (on peut souvent parler d’empreinte ou et de style) et l’on projette l’idée que l’on se fait du monde et de la société.
Les femmes et les hommes ne s’adaptent pas au travail, ils le fabriquent et le façonnent pour bien vivre et bien vieillir. L’inverse est potentiellement une source de « mal travail » et d’aliénation.
Cependant, notre société actuelle porte plus d’attention à la valeur marchande qu’à la valeur d’usage que nous façonnons quotidiennement. Les gestionnaires des entreprises mettent en place des organisations du travail qui ne porte attention qu’à la valeur marchande et bouleversent les relations de travail. « Il y a en quelque sorte un divorce entre l’investissement demandé au salarié et la reconnaissance du travail effectué ». (Livre collectif Pour quoi nous travaillons ? Introduction co-écrite par Jacques Leger coordinateur du copil CGT Transformation du travail et émancipation)
Pour autant, chaque travailleur développe des stratégies d’action(s) pour sortir le travail en faisant abstraction de sa santé devant un boulot ni fait, ni à faire ; un travail fait mais à refaire, du sale boulot.
La CGT s’est engagée depuis 3 congrès à reprendre la main sur le travail.
Nos organisations doivent remettre le travail concret, réel, à l’ordre du jour des réunions syndicales, dans le débat avec les travailleurs, partout, lors des rencontres. Ce qui implique :
– de sortir le CHSCT de son rôle d’expert syndical, de le remettre au centre de la vie syndicale. Questions trop souvent laissées aux experts du syndicat ;
– de redéfinir notre relation avec les cabinets d’experts : le syndicat doit rester maître d’œuvre de la démarche, ne rien déléguer de sa responsabilité. Faire valoir la parole du syndicalisme, traiter d’égal à égal ;
– de porter le travail au centre de la prise de décision.
La Confédération Générale du TRAVAIL porte une légitimité du travail réel. Le patronat porte la sienne du prescrit, des contrats, du toujours plus avec toujours moins. Abordons le travailleur et les collectifs de travail sur leur maitrise de leur activité, sur le sens qu’ils donnent à leur activité, sur l’analyse qu’ils possèdent. Nos syndicats ayant mis en place cette démarche constatent un accueil bienveillant des salariés qui se trouvent reconsidérer d’une part et d’un renforcement des collectifs de travail d’autres part.
Mais cela ne va pas de soi pour un travailleur de parler de son activité car :
c’est se dévoiler, se mettre à nu
il n’a pas toujours les mots pour l’exprimer
il n’a plus conscience de faire tout cela.
Nous nous devons de libérer la parole du travailleur, l’aider à exprimer ses idées et révéler l’invisible.
Pour nos syndicats aussi l’approche est perturbante car elle demande d’être à l’écoute en considérant presque que nous ne connaissons rien à l’activité de travail, que nous devons mettre en débat les expressions individuelles uniques, parfois divergentes ou convergentes auprès des collectifs de travail. C’est l’exercice de l’articulation du je – nous.
Cette démarche nécessite un temps de formation. Le comité régional s’est lancé dans un appui aux syndicats sur une démarche syndicale travail-emploi-formation se voulant anticipatrice, transformatrice et émancipatrice.
Pour nos syndicats,
c’est investir ou réinvestir le terrain syndical autour du travail réel des salariés pour obtenir ou affiner notre expertise sur le travail
donner à nos élus et nos mandatés des méthodes pour construire avec les salariés des revendications concrètes partant du terrain
développer notre syndicat et sa représentativité
Les retours d’expérience des syndicats inscrits dans la démarche nous permettent d’affirmer l’adhésion des salariés à la démarche, le renforcement de la capacité des travailleurs à prévenir les atteintes à leur santé.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1239