Intervention de Julien Cabane pour les secteurs cheminots de Clermont Ferrand, Lyon et Chambéry au rassemblement du 22 septembre 2016 à l’appel des cheminots CGT et des deux comités régionaux CGT devant le Conseil Régional
Tout d’abord, merci d’être venus à ce rassemblement à l’initiative de la CGT. Merci aux camarades, aux cheminots, aux usagers, citoyens, associations et représentants politiques.
Ce rassemblement, comme chacun le sait, est une première puisqu’il se fait à Lyon, capitale de la 2ème la plus grande région du pays après l’Ile de France. Une nouvelle grande région avec des particularités et des disparités très fortes suivant les localités et les départements. Des départements ruraux, des zones de montagne, des villes moyennes et une grande métropole : l’agglomération Lyonnaise.
Pour la CGT, l’enjeu majeur des transports réside avant tout dans la réponse aux besoins des populations et de l’économie en la matière. C’est toujours à partir des besoins exprimés que se construit la démarche de la CGT. Cette façon de procéder est essentielle, car c’est le seul moyen d’obtenir les réponses adaptées, d’autant plus, au vu des disparités de nos lieux de travail et de vie.
Une autre chose est certaine : la réponse aux besoins nécessite une grande cohérence et surtout une vue d’ensemble sur les transports. C’est d’ailleurs à cette seule condition que le transport ferroviaire peut trouver toute sa pertinence et jouer véritablement son rôle social, sociétal et environnemental.
La réduction des émissions de gaz à effet de serre par exemple, a besoin de volontarisme concret bien plus que de grands discours qui ne sont jamais suivis d’effet comme ceux de la COP21 par exemple. La fusion des régions administratives est le symbole de ce décalage permanent entre les discours et les actes.
L’augmentation mécanique des besoins de déplacement dans une nouvelle région immense est une illustration de ce qu’il ne faudrait surtout pas faire.
Au-delà de cet effet induit de la fusion, des conséquences beaucoup plus immédiates se font jour puisque un certains nombre de territoires n’ont pas grand chose à voir avec la métropole Lyonnaise qui risque de concentrer encore un peu plus les pôles économiques. C’est d’ailleurs l’enjeu principal des libéraux qui ont voté la loi « Notre » : l’accroissement de la rentabilité du capital toujours plus concentré dans les grandes aires urbaines. Un choix politique qui exclut de fait un nombre toujours plus important de nos concitoyens du progrès, de l’emploi, des infrastructures de transport, de la réponse à leurs besoins vitaux.
En matière de transport, les compétences du nouveau Conseil Régional vont être étendues notamment en matière de cars et de bus en reprenant certaines prérogatives dévolues auparavant aux départements. C’est une opportunité réelle pour mieux articuler le report modal vers le ferroviaire en supprimant les doublons et en organisant le rabattement des voyageurs sur les gares ferroviaires plutôt qu’en essayant de les concurrencer. C’est cette complémentarité des modes que porte la CGT.
A la SNCF, ou plutôt groupe SNCF, dénomination nouvelle depuis la fin prononcée de l’entreprise historique après 76 ans au service de la nation, la réforme ferroviaire désormais de pleine application a des conséquences qui deviennent très concrètes.
Les prévisions de fermetures de lignes sont une réalité et se mettent en place à une vitesse inégalée, le rythme des suppressions d’emploi est effarant à tel point que la production au quotidien ne peut plus être assurée et la sécurité des circulations continue de se dégrader. L’organisation interne à la SNCF elle-même est en décalage de plus en plus important avec la réalité de la production ferroviaire.
L’exemple de la réorganisation totale des directions régionales est le dernier exemple en date de tout ce qu’il ne faudrait pas faire.
Au contraire, la CGT propose depuis toujours de regrouper l’ensemble des services concourants à la production ferroviaire sur un territoire donné, en proximité. C’est la condition de l’efficacité ! Il est vraiment impératif de refaire travailler les cheminots au service de l’ensemble de la production ferroviaire et des travaux, la CGT sera toujours force de propositions sur ce sujet. En ce sens, les choix opérés conduisant à la dislocation de la SNCF en 3 EPIC, et des centaines de filiales, ne correspondent à aucune logique d’exploitation d’un réseau ferré et encore moins au service public.
Autres effets directs de la réforme, déjà pointé par la CGT : les coûts de structures qui explosent ainsi que la dette. La dette, élément central du problème ferroviaire reste totalement affectée au système lui-même, confirmée en cela par de toute récentes annonces reniant les engagements du gouvernement en la matière. Un système ferroviaire désormais chargé de résorber par ses propres moyens une dette, pour bonne partie illégitime, mais qui contribue pourtant très largement à l’asphyxier. Le refus d’allouer des moyens nouveaux pour le ferroviaire, pour les infrastructures comme pour l’exploitation, sont d’autres signes destinés à privilégier encore et toujours le mode routier qui est le mode de transport le plus subventionné.
On touche d’ailleurs là au coeur de la stratégie patronale visant à mettre en concurrence tout ce qui est possible, faisant miroiter au consommateur, lui-même aussi souvent salarié, qu’en baissant les salaires des autres, directs ou indirects, et les droits des salariés, il serait finalement gagnant via le low-cost. En réalité, les seuls gagnants de cette mise en concurrence généralisée sont les grandes entreprises. Des transports toujours moins chers sont un levier stratégique majeur pour pouvoir mettre en concurrence les salariés de pays différents voir de régions ou de villes différentes. C’est aussi pour cette raison que les chiens de garde médiatique mordent très vite lorsque les salariés des transports se battent et relèvent la tête. Dans le ferroviaire, l’aérien, les bus, … C’est toujours la même chose. Le capital sait où sont ses intérêts. A nous de le décrypter et de le faire partager largement.
Sur les mises en concurrence, la direction SNCF n’est pas en reste avec un recours à la sous-traitance qui n’est plus tenable. Ces recours pèsent très lourds car ils coûtent beaucoup trop chers, remettent en cause gravement le niveau de sécurité et organisent des pertes de savoir faire. En réalité, le groupe SNCF est à l’offensive depuis longtemps pour promouvoir la concurrence. Le laboratoire du Fret SNCF a été un échec total de ce point de vue avec une baisse des trafics et une hausse des déficits. Pour le voyageur, c’est la même recette qui est programmée.
Alors que les libéraux se réjouissent déjà des nouvelles opportunités de capter de l’argent public via d’éventuelles privatisations à la SNCF, notre rassemblement d’aujourd’hui permet à la CGT et aux cheminots de rentrer dans le débat. En lien avec les négociations en cours sur la future convention TER, la question de la concurrence est déjà bien présente, elle est déjà organisée par le nouvel exécutif régional car pendant qu’ils privatisent la rénovation de certains matériels roulants en Auvergne-Rhône-Alpes, on ferme, ici même, les ateliers d’Oullins : c’est une honte.
La CGT réaffirme haut et fort que la SNCF doit être l’opérateur unique dans le cadre de la future convention TER que ce soit pour l’exploitation comme pour la maintenance. La CGT a engagé un travail approfondi sous forme de cahier des charges pour cette future convention. C’est un travail de coopération qui a été effectué avec les secteurs cheminots, le comité régional CGT et des membres CGT au Conseil Economique Social et Environnemental Régional.
Ce cahier des charges est destiné à être porté en direction de tous les acteurs du ferroviaire, car au-delà du TER, nous avons fait le choix d’y intégrer les questions du transport des marchandises, des infrastructures ferroviaires, des Trains d’Equilibre du Territoire, du financement, etc…
Toujours dans le même état d’esprit nous avons désormais en commun sur notre grande région une plaquette grand public à destination de tous ceux qui veulent faire avancer la question du service public ferroviaire en Auvergne/Rhône-Alpes. Il nous appartient dans les prochaines semaines de la populariser au maximum car même si ce travail a débuté, il doit se poursuivre et s’amplifier pour gagner sur nos exigences et celles des usagers.
En plus de la concurrence, 3 sujets majeurs ont été identifiés pour cette convention : le premier c’est le canal humanisé de vente et de promotion du service public ferroviaire. En effet, l’ouverture des guichets et des boutiques est un enjeu de tout premier plan au service des usagers, aussi bien pour délivrer les titres de transport que pour orienter et conseiller. En Auvergne par exemple, c’est 69% du chiffre d’affaire annuel qui est réalisé par des vendeurs quand internet ne représente que 12% et les automates 14%. Avec de telles performances, c’est bien vers la réouverture de points de vente qu’il faut aller, l’ouverture du 1er au dernier train et l’humanisation des gares. C’est un devoir pour le service public et une réalité économique incontestable.
Le 2ème sujet majeur pour la CGT, c’est l’accompagnement des trains. L’objectif absurde et dangereux que se sont donnés les dirigeants de la SNCF dans leur quête de réduction des effectifs à statut est la suppression de ce qu’on appelle communément le contrôleur. Un qualificatif qui permet d’ailleurs de semer largement le trouble sur les missions premières de l’agent d’accompagnement. Le premier travail d’un ASCT reste en toute circonstance la sécurité des circulations.
Bien trop de procédures deviennent dangereuses voir inapplicables pour un agent de conduite seul. Il est irresponsable de vouloir supprimer dans ces conditions les agents d’accompagnement, les leçons des accidents ferroviaires de ces dernières années ne sont toujours pas retenues. La sûreté à bord des trains, la prévention des incivilités, l’assistance aux voyageurs constituent le 2ème socle de missions indispensable de l’ASCT. Si on y ajoute le contexte difficile du risque « attentat » dans le pays, comment justifier là-aussi la suppression des ASCT. Même si la direction a pu avancer dans ces projets funestes sur quelques lignes, la CGT compte bien créer les conditions pour que chaque train de notre région comporte au minimum un agent d’accompagnement.
Enfin, pour cette convention, la consistance du plan de transport sera l’objet de toutes les attentions notamment au regard de sa destruction minutieuse ces dernières années. De ce point de vue, les zones diffuses ne doivent pas être sacrifiées. L’aménagement du territoire, l’égalité de traitement des citoyens et la solidarité doivent être au coeur de la future convention. Les velléités de transferts massifs sur bus seront combattues.
L’objectif du rassemblement de ce jour est donc de porter auprès des responsables politiques les propositions de la CGT pour le TER sur notre région. Notre démarche est d’ailleurs singulière dans le paysage syndical. Alors que la CGT est régulièrement attaquée et calomniée, nous réaffirmons aujourd’hui que nous sommes le 1er syndicat de propositions dans le pays. Nous sommes même un peu le seul…
Cette journée est pour nous une 1ère étape, elle marque l’engagement de toute la CGT pour la construction d’une convention de haut niveau. Les enjeux pour les cheminots de tous les services sont énormes car par effet domino personne ne serait épargné par une convention à minima. Nous verrons très vite si nous sommes entendus et le cas échéant, la CGT mobilisera autant que nécessaire dans l’intérêt des cheminots et du service public SNCF. Nous avons les cartes en mains, il nous revient la tâche de faire avancer nos propositions ! Nombreux et déterminés, c’est possible !
Je vous remercie.
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article1244