La délégation Cgt Rhône Alpes à Shangaï a pu constater l’évolution rapide de la Chine et de son syndicalisme, révélant un pays plus contrasté que certaines caricatures peuvent nous laisser penser.
Depuis 1995 le Comité Régional CGT de Rhône-Alpes est jumelé avec le syndicat SMTUC de la ville de Shanghai. Une délégation conduite par Bruno BOUVIER Secrétaire Général s’y est rendue fin mai / début juin 2011.
Shanghai… Village de pêcheurs en 1843 est aujourd’hui une ville de plus de 20 millions d’habitants (2590h/km2). Cette mégapole a littéralement explosé sous les coups de cyclones immobiliers qui la déchirèrent et la remodelèrent au cours de ces 20 dernières années. 230 multinationales y ont établi leur siège asiatique, et 274 centres Recherche et développement étrangers s’y sont implantés.
Shanghai a également été le berceau de la Classe Ouvrière chinoise. Elle y a vu naître le Parti Communiste Chinois (PCC) le 1er juillet 1921, il y a exactement 90 ans. En 1966 elle entre à nouveau dans l’Histoire du pays, Mao ZEDONG y tramant la Révolution culturelle avec la « Bande des quatre », originaire de la ville. Et c’est dans le début des années 90 que Deng XIAOPING a décidé d’en faire la « Tête du Dragon ». La ville pèse aujourd’hui 5% du PIB chinois.
Economiquement la Chine est le troisième fournisseur et le huitième client de la Région Rhône-Alpes. Elle lui fournit 8% des importations (2,7Mds d’€), et absorbe 3% des exportations (1,1Md d’€). 106 entreprises ayant leur siège social en Rhône-Alpes sont implantées en Chine.
Des différents échanges syndicaux formels et informels que nous avons eus, se dégage une évidence que nous avions déjà perçue lors de précédentes missions, mais qui s’accentue.
Dans ce pays, communiste, riche d’un milliard 350 millions d’habitants, qui est désormais l’un des rouages du capitalisme mondialisé depuis 1992 et plus encore depuis son entrée en 2001 dans l’OMC, les choses bougent.
Dans cette Région de Shanghai vitrine de la Chine, les choses bougent.
Et dans le syndicalisme, par volonté ou pragmatisme, finalement peu importe, les choses bougent également. Plusieurs critères (liste non exhaustive) ont amené à cette évolution :
L’émergence d’une classe moyenne hier inexistante et qui représente aujourd’hui plus de 15% de la population (donc des centaines de millions d’hommes et de femmes). Ses attentes sont différentes de celles des 15 autres % de la population active émanant de paysans pauvres ayant quitté leur village.
Le recul de 40% ( !) en 15 ans du nombre de salariés travaillant dans les services Publics.
La faiblesse de l’implantation du syndicalisme dans le récent secteur privé.
Les luttes déterminées et parfois violentes que connaît le pays.
…
Tout cela contribue lentement, nous semble-t’il, à une nouvelle réflexion de nos partenaires sur le rôle du syndicalisme qui doit, par étape, passer de ce qu’il était hier, et encore largement aujourd’hui (un instrument politique exclusivement au service du PCC et de la productivité), à ce quoi il doit tendre aujourd’hui à savoir un outil au service notamment de l’amélioration des conditions de travail.
Cette mue sans être spectaculaire est néanmoins nous semble-t’il entamée. En effet, face à la montée des conflits sociaux dans les entreprises, dans les territoires, le syndicat doit être amené à mieux jouer son rôle.
Lui donner davantage de marge de manœuvre, d’indépendance ne se décrète pas bien évidemment du jour au lendemain, mais manifestement le sujet n’est plus tabou. La stabilité sociale, « l’harmonie », étant la meilleure garante de la stabilité politique
La « langue de bois », hier quasi institutionnelle dans les échanges intersyndicaux que nous avions, n’est aujourd’hui plus de mise.
Nous avons débattu avec franchise sur les conflits en France et en Chine, sur les suicides, sur les accidents du travail, et sur la Formation Professionnelle qui était le fil rouge de nos discussions.
Bien évidemment tout autant qu’en France, il y a une aspiration forte des travailleurs à davantage de justice sociale. Mais à l’évidence, de ce que nous avons vu et entendu, il n’y a pas de désespoir, ni d’impression qu’il n’y a pas d’avenir pour la jeunesse du pays. L’optimisme pour le futur est de rigueur, et de ce point de vue pas de comparaison possible avec la Tunisie, voire avec la France.
Les souhaits que l’on a cru percevoir, c’est que le pouvoir fasse ce qu’il a promis : Réduction des écarts de revenus
Lutte contre la corruption
Maîtrise du prix des loyers (particulièrement à Shanghai)
Couverture santé accessible à tous
Tout cela amène le Comité Régional CGT à la conclusion qu’il faut plus que jamais poursuivre les échanges avec nos partenaires syndicaux shanghaiens, et être attentifs à tous les bouger présents et à venir qui ne manqueront pas d’intervenir dans cette « usine du monde ».
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Ancien lien : https://www.cgt-aura.org/spip.php?article790